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La belle expérience minimaliste du pianiste Szymon Nehring

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Philip Glass (1937) : Etude n° 4. Szymon Nehring (1995) : Bridge. Henryk Górecki (1933-2010) : Concerto pour piano et orchestre à cordes op. 40. Simeon Ten Holt (1922-2012) : Canto Ostinato. Giya Kancheli (1935-2019) : Valse Boston pour piano et cordes. Arvo Pärt (1935) : Variationen zur Gesundung von Arinuschka. Für Anna Maria. Wojciech Kilar (1932-2013) : Concerto pour piano et orchestre. Szymon Nehring, piano. Orchestre de la radio Polonaise de Varsovie, Michal Klauza, direction. 1 CD IBS Classical. Enregistré au Studio Witold Lutoslawski de la Radio Polonaise. Notice de présentation en français, anglais, allemand et espagnol. Durée : 60:19

 
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Les sept compositeurs dits “minimalistes” réunis dans cet album reflètent un kaléidoscope d'écritures tantôt pour piano seul, tantôt concertantes. Autant de musiques pures allant de l'étude à l'expression de la foi la plus fervente et qui composent une excellente introduction à un univers des plus riches.

L'ascèse en toute chose, de la littérature au cinéma en passant par la cuisine et la musique – le minimalisme terme employé probablement pour la première fois par Michael Nyman – est toujours une porte entrouverte, comme une expérimentation vers d'autres possibilités sonores. Peut-on parler d'une esthétique clairement définie, d'un univers clos malgré la diversité étonnante des minimalistes, répétitifs et autres tintinnabulistes ? Sans une spiritualité forte (Pärt, Kancheli, Kilar, entre autres), la démarche de cette « musique sans intention » (dixit Glass) tourne parfois en rond et s'appauvrit y compris chez les plus réputés des minimalistes… En ce sens, , lui-même compositeur d'une des pages de cet album tente l'expérience. Un engagement qui mérite toute notre attention de la part d'un vainqueur du Concours Rubinstein (2017), Jeune artiste ICMA (2018) et également finaliste du Concours Chopin de Varsovie (2022). A noter que le soliste étudie auprès de Boris Berman dont on sait l'attirance, aujourd'hui, pour le minimalisme d'un Valentin Silvestrov.

Suivons l'écoute et les propos du soliste qui décrit sa démarche artistique dans le livret. Avec et l'une de ses Etudes dont certains comparent l'importance (exagérée) à celles de Ligeti, la pulsation indigente et pourtant délicate à soutenir est compensée par un lyrisme qui joue de belles textures. a choisi dans Brigde – sa propre pièce qu'il ne commente pas – un propos comme né d'une improvisation de caractère beethovénien : mains parallèles, développement qui se nourrit de ses propres boucles évoquant l'austérité de certains passages des sonates ultimes… Le chant obstiné – Canto Ostinato – du néerlandais est une pièce charmante dont le succès s'explique par la joyeuse simplicité que l'on retrouve dans les musiques de Joe Hisaishi.

Beaucoup plus sérieuse et énigmatique, la musique de possède du fait d'une multiplicité de cultures croisées, d'emprunts aux folklores du Caucase et au répertoire contemporain, une épaisseur unique. La Valse Boston pour piano et cordes suggère dans sa lenteur extrême au début, puis dans un long développement d'une vingtaine de minutes, le synopsis d'un concerto classique pour piano. La densité des cordes accompagne les éclats sonores et les songes presque mozartiens de cette page. On se laisse prendre par l'imprévu d'une déambulation sonore bien assurée.

Plus encore qu'avec Kancheli, la dimension spirituelle des pièces d' est d'autant plus difficile à interpréter qu'elle nécessite une concentration extrême. La sincérité est à la source de la musique du compositeur estonien : impossible pour l'interprète de tricher. Les prières comme les Variations pour la guérison d'Arinuschka s'enrichissent des timbres et d'un travail minutieux de pédalisation. Le toucher perlé de ne rompt jamais le flux du récit, envoûtant sous les doigts de l'interprète.

Le « minimalisme sacré » de Górecki est représenté par le Concerto pour piano (la première version est pour clavecin), pièce composée entre l'inusable Symphonie n° 3 et le Miserere. Szymon Nehring le joue comme une incantation, une succession de sortilèges portés par un seul souffle dans le premier mouvement, alors que le second jaillit comme une “blague” selon l'expression du compositeur. Ce petit divertimento n'aurait pas déplu en raison de son irrévérence débonnaire à un Jean Françaix ! Sans aucune lourdeur et avec un rythme délicatement sautillant, la pièce fonctionne à merveille.

De Wojciech Kilar, on garde en mémoire la beauté des thèmes du compositeur polonais dans la bande-son Le Roi et l'Oiseau de Paul Grimault, et tout autant ses pièces religieuses, d'une force peu commune. Peter Jablonski et le chef Wojciech Rajski avaient donné une belle lecture du Concerto pour piano (Dux), mais dans une approche plus contrastée, davantage ancrée dans la matière sonore que celle proposée par Szymon Nehring. Dans le présent enregistrement, le travail sur les résonances, le caractère doucement monumental s'installe avec une grande ferveur alors que les ponctuations cuivrées du finale, une toccata impressionnante, rayonne avec magnificence. Cette partition mériterait d'être programmée en concert tant elle possède un impact émotionnel certain.

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