Création des Sentinelles de Clara Olivares à Bordeaux

Moderne par son propos, Les Sentinelles de Clara Olivares, en création mondiale au Grand-Théâtre de Bordeaux avant de réapparaître à Limoges et Paris en 2025, tient avant tout par la qualité de la distribution, intégralement féminine.

Un opéra de femmes sur les femmes, c’est ce que semblent avoir souhaité la compositrice Clara Olivares et la librettiste et metteuse en scène Chloé Lechat en proposant leur nouvelle création lyrique. Les Sentinelles tient donc sur un ménage à trois : trois femmes dans le même appartement, la troisième ayant avec elle sa fille perturbée.

Dépersonnalisées en A, B, C et E, ces quatre femmes vivent leurs problèmes actuels sans que le livret de Lechat ne retrouve la force de certains autres comparables récemment, à l’instar de celui de Ted Huffman pour Philip Venables par exemple. Peu touchante, l’histoire d’une mère en difficulté avec sa fille surdouée et légèrement autiste (dans l’air du temps) ainsi qu’avec ses partenaires, tourne rapidement à vide, et épuise d’autant plus à mesure des scènes que l’intérêt n’est que rarement relancée par une musique elle aussi trop répétitive.

Par sa tendance à remplir sa composition d’ostinatos rythmiques et harmoniques, Clara Olivares perd rapidement la dynamique et les couleurs qu’elle développe avec l’introduction. Au fur et à mesure des interludes, le matériau s’aseptise et s’amenuise, notamment dans celui trop long entre les deux actes, contre lequel la cheffe Lucie Leguay, en fosse devant un Orchestre National Bordeaux Aquitaine soigneux, ne peut faire grand-chose pour rehausser l’attention. La mise en scène de Chloé Lechat, souhaitée « zéro achat », fonctionne plus par ses apports vidéos (Anatole Levilain-Clément) que par ses décors (Céleste Langrée) et costumes (Sylvin Martin-Hyszka), même si les animations enfantines, notamment pour représenter la fille E, ont tendance à capter plus l’attention que le texte lui-même, souvent trop simpliste.

Heureusement, il reste les trois chanteuses, et plus particulièrement la première à entrer en scène : Camille Schnoor. Dans le rôle de C, la soprano se démarque immédiatement par un texte porté avec passion, très compréhensible malgré le fait qu’elle joue d’abord une femme sous emprise d’alcool. C’est ensuite au tour de l’enfant E, sous calmants, de nous raconter ses problèmes, cette fois sans les chanter, puisque le rôle est tenue par l’actrice -très crédible – Noémie Develay-Ressiguier ; ce personnage apparaît d’abord par l’intermédiaire de la vidéo qui montre un échange avec son psychiatre -l a seule voix masculine de l’ouvrage. Sylvie Brunet-Grupposo (B) et Anne-Catherine Gillet (A) complètent une distribution pour laquelle on regrette un peu la facilité du chant, surtout quand on sait de quoi ces deux musiciennes sont capables.

Résolument moderne, Les Sentinelles manque encore de matière pour marquer les esprits, mais ce second opéra a tout de même le mérite d’offrir une belle visibilité à Clara Olivares pour s’affirmer sur la scène musicale contemporaine, et permet au Grand-Théâtre de Bordeaux de défendre un répertoire auquel tient beaucoup son directeur, Emmanuel Hondré.

Crédits photographiques : © Frédéric Desmesure