Les Saisons ou l’appel à l’appréciation de la nature de Thierry Malandain

Moins d'un an après sa création au Festival de Danse de Cannes le 25 novembre 2023, le ballet Les Saisons de Thierry Malandain parait en DVD, dans la collection Ballet des éditions Château de Versailles Spectacles.

Tout comme un chef-d'œuvre musical trop entendu et éculé, l'homme a fini par devenir insensible à son propre environnement, au point de ne plus lui rendre justice. Le résultat est accablant : la nature est bouleversée et les saisons déréglées. C'est à partir de ce constat qu'a souhaité travailler Thierry Malandain suite à l'idée de Laurent Brunner et de Stefan Plewniak, respectivement directeur de Château de Versailles Spectacles et premier chef d'orchestre de l'Opéra Royal de Versailles, de mettre en parallèle au sein d'une même pièce Les Quatre Saisons d'Antonio Vivaldi et celles moins célèbres de son contemporain Giovanni Antonio Guido.

Enregistrée en public le 15 décembre 2023 sur la scène de l'Opéra Royal, cette captation de la pièce propose un point de vue largement frontal, avec notamment une caméra fixe en plan large, une autre en plongée et quelques plans plus resserrés à des moments clés de la chorégraphie. La réalisation est sobre et classique, mais fait néanmoins intelligemment dialoguer la danse, la musique et l'écrin offert par Versailles, grâce à l'ajout ponctuel de plans sur les musiciens et sur la salle elle-même.

Les danseurs évoluent comme dans une « boîte », entourés des trois murs du fond de la scène et des coulisses, tous parés d'un même décor : un cyclorama aux couleurs changeantes, orné de feuilles noires géantes en tissu semi-transparent. Chaque saison est jouée tour à tour en alternant les compositeurs, en commençant par Vivaldi. Sur le même principe, deux univers se répondent avec une différence davantage marquée dans les costumes que dans l'écriture chorégraphique. Pour Vivaldi, l'ensemble de la compagnie est sur scène, entièrement habillée de noir austère (tunique sans manches transparente agrémentée d'une jupe longue plissée pour les femmes ou d'un pantalon droit pour les hommes). Une ambiance plus chatoyante est réservée à la musique de Guido, avec l'ajout à la tenue initiale de jupes et de vestes chamarrées en étoffe luxueuse, inspirées des vêtements des nobles du XVIII^e siècle.

Le contraste créé par la cohabitation de l'ancien et du nouveau met en perspective et permet de redécouvrir des idées très concrètes comme la nature, l'homme, la notion de chef d'œuvre ou encore la spontanéité de la danse. En effet, Thierry Malandain a fait le choix d'une écriture qui « suit » la musique. Ainsi, il se laisse porter et embarque danseurs comme spectateurs dans le tourbillon des célèbres concertos de Vivaldi, enrichis des compositions de Guido. Comme à son habitude, lui et ses danseurs allient à la perfection les langages classique et contemporain. On peut, entre autres, s'enchanter d'habiles combinaisons de ces deux styles sous la forme de grands jetés avec des bras relâchés, d'une mobilisation complexe du dos sur relevés quatrième ou encore d'une sollicitation des bras bien éloignée des positions académiques.

Ainsi, Les Saisons se révèlent être un exercice d'écriture réussi, aux transitions et au développement soignés, paré de costumes marquants et porté par une musique intemporelle. Tout public, ce ballet parvient autant à éveiller les consciences qu'à provoquer l'émerveillement, le tout mis en valeur par une captation efficace dans le lieu qui a vu naître le projet.

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