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Nice. Opéra de Nice. 10-X-2024. Giacomo Puccini (1858-1924) : Edgar, drame lyrique en 4 actes sur un livret de Ferdinando Fontana d’après La Coupe et les lèvres d’Alfred de Musset. (1889). Mise en scène : Nicola Raab. Assistant mise en scène : Jean-Michel Criqui. Décors & costumes : Georges Souglides. Lumières : Giuseppe Di Iorio. Assistant lumières : Manuel Garzetta. Avec : Stefano La Colla, Edgar ; Ekaterina Bakanova, Fidelia ; Valentina Boi, Tigrana ; Giovanni Furlanetto, Gualtiero ; Dalibor Jenis, Frank. Chœur de l’Opéra de Nice (Chef de Chœur : Giulio Magnanini). Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice (Chef du Chœur d’Enfants : Philippe Négret). Orchestre Philharmonique de Nice, direction musicale : Giuliano Carella.
Pour les 100 ans de la mort de Puccini, l’Opéra de Nice se démarque puisqu’il monte la première production de la version critique en quatre actes du rare Edgar, dont le rôle-titre est porté pour l’occasion par le ténor Stefano La Colla.
Dans une année 2024 marquée par de nombreux récitals et de nombreuses représentations de Tosca ou de La Bohème pour commémorer les 100 ans de la mort de Puccini, l’Opéra de Nice apporte une véritable pierre en étant l’un des seuls à monter Edgar. A partir d’une commande de la maison d’édition Ricordi juste après les représentations applaudie du Villi au Teatro Dal Verme, le deuxième opéra du génie italien est créé en quatre actes à La Scala en 1889, d’après un livret de Fontana, lui-même basé sur une pièce depuis oubliée d’Alfred de Musset, La Coupe et les lèvres.
Révisé à plusieurs reprises jusqu’en 1905, Edgar perd dès la deuxième mouture sa structure en quatre actes pour n’en garder que trois, en même temps que disparait un grand duo, réutilisé ensuite pour Tosca – créé en 1900. Très peu interprétée, sans doute en grande partie à cause de son histoire rocambolesque et d’un texte assez faible, l’œuvre n’est presque jamais donnée, et le peu d’enregistrements existants – dont celui de New-York en 1977 avec Renata Scotto, celui de Radio France en 2002 avec Julia Varady ou celui de 2006 avec Placido Domingo – sont tous basés sur la dernière version. Mais tout récemment, en 2007, Ricordi a retrouvé et réordonné la partition autographe de la première version, aujourd’hui présentée à l’Opéra de Nice en version scénique.
C’est donc avec une grande curiosité que l’on redécouvre cet ouvrage, programmé grâce à l’excellent travail du directeur Bertrand Rossi, qui, en cette année anniversaire est le seul dans le monde – avec le Festival de Viareggio et Holland Park à Londres – à avoir osé proposer l’ouvrage en représentation scénique ou demi-scénique, et (sauf erreur) le seul et unique dans cette nouvelle version. Déjà bien affirmé, le style de Puccini profite du geste italien et de la ferveur du chef Giuliano Carella, qui permet de faire ressortir toutes les atmosphères, mais aussi toutes les phrases amples et la sentimentalité déjà très personnelle du compositeur. Comme dans Tosca, un chœur d’enfants est présent pour une scène, et celui de l’Opéra de Nice, formé par Philippe Négret, permet par son excitation de rendre très attirante sa partie. Fervent lui aussi, mais préparé par Giulio Magnanini, le chœur d’adultes porte ses scènes avec enthousiasme, mais peine en revanche à rendre compréhensible le texte.
Mal agencé, le livret met en avant seulement cinq rôles qui ne permettent pas à la metteuse en scène Nicola Raab d’offrir une proposition scénique intéressante. Le héros du drame, d’abord amoureux de Fidelia, puis de la tzigane Tigrana, renie celle-ci pour revenir à la première qu’il voit ensuite mourir des mains de la seconde : ce livret n’avait pas mieux été portée il y a quelques années par Tobias Kratzer à St-Gallen.
À Nice, on ne trouve donc pour décors (Georges Souglides) que deux grands pans de murs, parfois modulés par les lumières (Giuseppe Di Iorio), des effets de flammes ou de rideaux, afin d’imager l’action sans jamais l’intégrer dans une pure réalité. Les habits contemporains des enfants dénotent avec les costumes très classiques des autres protagonistes, les scènes se déroulant souvent autour d’une unique grande table, tout aussi utile pour monter dessus que pour s’y battre.
Bien plus attractive, la distribution bénéficie pour le rôle-titre de l’un des meilleurs Calaf actuels, apparu aux yeux de tous en 2015 à La Scala, sous la direction de Riccardo Chailly. Passé depuis à d’autres rôles – dont Radamès -, Stefano La Colla reste très attaché à Puccini, ce qu’il montre par sa dynamique et sa ferveur en Edgar, avec un timbre nasal dont l’aigu est compensé par la puissance de la voix et par la touffeur du médium. D’abord douce et presque d’un style de soprano lyrique, Ekaterina Bakanova affiche à son retour au 3ème acte un dramatisme proche de celui de sa concurrente. Avec des airs parfois inspirés de thèmes tziganes, Valentina Boi en Tigrana a droit à la meilleure part de l’œuvre, qu’elle défend d’une voix charnue, bien adaptée par certaines aigreurs. Pour le père Gualtiero, Giovanni Furlanetto fait montre d’une voix usée, qui peine parfois à dépasser le parterre, tandis que le Frank de Dalibor Jenis (c’était déjà lui dans l’album de 2002 précité) affiche un médium toujours très bien placé, magnifié par une belle projection et un jeu d’acteur très engagé.
Crédits photographiques : © Dominique Jaussein
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Nice. Opéra de Nice. 10-X-2024. Giacomo Puccini (1858-1924) : Edgar, drame lyrique en 4 actes sur un livret de Ferdinando Fontana d’après La Coupe et les lèvres d’Alfred de Musset. (1889). Mise en scène : Nicola Raab. Assistant mise en scène : Jean-Michel Criqui. Décors & costumes : Georges Souglides. Lumières : Giuseppe Di Iorio. Assistant lumières : Manuel Garzetta. Avec : Stefano La Colla, Edgar ; Ekaterina Bakanova, Fidelia ; Valentina Boi, Tigrana ; Giovanni Furlanetto, Gualtiero ; Dalibor Jenis, Frank. Chœur de l’Opéra de Nice (Chef de Chœur : Giulio Magnanini). Chœur d’enfants de l’Opéra de Nice (Chef du Chœur d’Enfants : Philippe Négret). Orchestre Philharmonique de Nice, direction musicale : Giuliano Carella.
> son histoire rocambolesque et d’un texte assez faible
Absolument! Il y a souvent des bonnes raisons pour avoir retaillé une œuvre.
Malgré amour, jalousie, rivalité, duel, guerre, assassinat, execution publique (invisible décapitation), Messe de Pâques, incendier sa propre ferme et (trop.) de mouvements des chœurs énormes j’en sortais … ennuyé
Ms Raab dit d’avoir voulu un décor unique afin de ne devoir préciser l’action.
Cela permet pourtant la cour d’une ferme, l’église du village, un intérieur avec immense chandelier, lieu de rencontre à deux ou trois, un no-mans land.
Elle se sert des « trucs’ qui ont été à la mode ces dernières décennies: un décor de chaises, un enfant qui double un rôle principal, la projection vidéo, d’effets scéniques, un théâtre (on dirait l’opéra de Nice même) dans le théâtre. Ah, oui encore une production plutôt en, gris (et noir). On avait espéré d’avoir fini avec cette mode ainsi que le « truc » de mettre Sœur Angelica – et bien d’autres – dans un asile pour les fous.
Mais les « trucs » n’ont pas plus de cohérence que les « gags » dans une opérette.
Hier soir j’ai entendu depuis sa première phrase (depuis ma place rangée M des fauteuils) la voix la plus forte de soprane que je n’ai jamais entendue. Pénible à mes oreilles. En duo avec Edgar – qui n’avait que peu de la voix héroïque attendue – la voix de ténor perd la bataille!
On apprécie vocalement davantage la plus grande souplesse et les timbres de la Mezzo, qui, en dépit de son costume vert, et gestique de sorcière n’arrive pas à nous convaincre de sa méchanceté.
Le Baritone aussi méritait bien ses applaudissements. (En passant, ose-je dire que de toute la soirée c’est Franck qui chante le seul air un peu ‘connu’.
Mais surtout le travail fait sur les subtilités de l’orchestration splendide de Puccini. Bravo, bravissimo pour l’orchestre Philharmonique et de la direction musicale « immersion totale » du chef Giuliano Carella.