Le chœur de l’opéra de Bordeaux s’amuse avec le chapeau de paille de Nino Rota
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Bordeaux. Auditorium. 07-XI-2024. Nino ROTA (1911-1979) : Le chapeau de paille de Florence, farce musicale en 4 actes et 5 tableaux sur une livret d’Ernesta et Nino Rota d’après une pièce d’Eugène Labiche. Mise en scène : Julien Duval. Scénographie : Olivier Thomas ; Costumes : Aude Desigaux. Lumières : Michel Theuil. Avec : Rebecca Sorensen, Elena ; Maria Goso, Anaïde ; Héloïse Derache, la modiste ; Eugénie Danglade, La baronne ; Daniele Maniscalchi, Fadinard ; Mitesh Khatri, Zio Vezinet ; Olivier Bekretaoui, Felice ; Luc Default, Achille ; Loïck Cassin, Nonancourt ; Jean-Pascal Introvigne, Beapertuis ; Jean-Philippe Fourcade, Emilio ; Tristan Chenevez, Minardi ; Chœur de l’opéra national de Bordeaux, Orchestre national Bordeaux Aquitaine, direction : Salvatore Caputo
Rappeler au public que Nino Rota n'a pas composé que des musiques de films et mettre à l'honneur les artistes de son chœur, voilà les deux bonnes idées qui président à cette soirée proposée par l'Opéra de Bordeaux.
Nul besoin de stars et de grand répertoire pour passer une bonne soirée lyrique. En proposant à son chœur de se lancer dans une aventure collective autour du metteur en scène Julien Duval et de la redécouverte du Chapeau de paille de Florence de Nino Rota, l'Opéra de Bordeaux donne l'occasion à ces artistes (qui ont par ailleurs une expérience de soliste sur des scènes nationales) de prendre le premier rôle au service d'une œuvre légère et enlevée, héritière de la tradition de l'opéra bouffe et composée par l'un des plus grands compositeurs de musiques de films du XXᵉ siècle, qui s'amuse ici avec des rythmes ternaires entêtants.
Evidemment, le livret inspiré d'une œuvre quasiment éponyme d'Eugène Labiche reste une simple farce populaire aujourd'hui surannée, mais donne aux artistes du chœur l'occasion de montrer leurs talents scéniques car il faut avoir un sens de l'abattage certain pour emporter l'adhésion. Pari relevé !
La troupe évolue dans un décor fait de rouge et blanc, rappelant l'univers du cirque dont il faut dire que le livret n'est pas éloigné avec des personnages rappelant la fantaisie des clowns. Plus encore, comment ne pas penser à la farandole finale du « 8 et demi » de Fellini en regardant le chœur déambuler dans une atmosphère burlesque au fil des pérégrination du héros à la recherche du chapeau de paille qui remplacera celui que son cheval a mangé, et qui sauvera par là même l'honneur d'une jeune fille qui se trouvait sur une mauvaise pente. Rappelons que l'opéra de Bordeaux s'est fait une spécialité des productions zéro achats dont fait partie cette mise en scène, qui relève la gageure de la qualité avec des moyens circonscrits. Si la narration se perd un peu parfois, la scénographie confondant en un seul et même espace les lieux évoqués par le livret, elle retrouve souvent en clarté grâce aux éléments de décors évocateurs et aux costumes oniriques et superbes d'Aude Desigaux. Julien Duval sait aussi s'appuyer sur l'investissement des chanteurs du chœur qui s'en donnent à cœur joie grâce à une direction d'acteurs précise.
Au niveau vocal, les dames l'emportent par leur homogénéité. L'Elena (l'héroïne qui épouse Fadinard) de Rebecca Sorensen conquiert d'emblée par une voix pulpeuse et une projection égale sur l'ensemble de la tessiture. Ses aigus sont en outre parfaitement maîtrisés et elle rentre de manière idoine dans le rôle de la jeune ingénue. L'Anaïde (l'adultérine qui a perdu son chapeau) de Maria Goso est un soprano charnu, corsé et qui impressionne également par la sureté de la projection, son vibrato expressif et son sens du théâtre. Même sens du burlesque et de l'autorité vocale chez la modista bien campée par Héloïse Derache. Enfin, Eugénie Danglade s'impose en baronne truculente et charismatique avec un alto autoritaire et impérieux, des couleurs bienvenues et une présence scénique indiscutable !
Côté messieurs, on est ébloui par le timbre sombre, dense et impressionnant de Jean-Pascal Introvigne dans le rôle de Beaupertuis, le mari jaloux. Un legato parfait, une projection insolente et des intonations très travaillées confèrent un grand charisme au personnage. L'amant Emilio de Jean-Philippe Fourcade impressionne également par l'autorité de son timbre et la précision de sa ligne de chant. L'Achille de Luc Default est de la même veine tandis que Nonancourt (le père d'Elena), balance des « tout est rompu » hilarants et impose un personnage comique à souhait à défaut d'être toujours parfaitement homogène.
Le rôle principal de Fadinard est peut-être celui qui pose le plus de difficultés. Si Daniele Maniscalchi ne démérite pas, il expose au départ une voix qui a besoin de temps pour se chauffer et trouver son point d'encrage. La projection n'est pas la plus insolente et les aigus sont parfois un peu serrés, mais progressivement la voix se discipline et l'esprit, le théâtre et la diction sont là par ailleurs pour nous faire rire, et même parfois nous émouvoir car le ténor nous brosse un portrait fouillé et attendrissant d'un homme paisible emporté dans une spirale qu'il ne peut plus maitriser.
Salvatore Caputo dirige le chœur avec beaucoup de vitalité et semble s'amuser de cette œuvre ici condensée en une heure et quinze minutes et présentée dans une version pour piano et violon. A ce titre, Martin Tembremande et Tristan Chenevez savent apporter l'énergie nécessaire et les couleurs pour ne pas trop nous faire regretter la version pour orchestre.
Une question nous taraude en sortant de l'auditorium : et si les opéras de Nino Rota ne constituaient pas une bonne entrée au lyrique ? C'est en tout cas un pari réussi pour l'Opéra de Bordeaux.
Crédit photographique : © Pierre Planchenault
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Bordeaux. Auditorium. 07-XI-2024. Nino ROTA (1911-1979) : Le chapeau de paille de Florence, farce musicale en 4 actes et 5 tableaux sur une livret d’Ernesta et Nino Rota d’après une pièce d’Eugène Labiche. Mise en scène : Julien Duval. Scénographie : Olivier Thomas ; Costumes : Aude Desigaux. Lumières : Michel Theuil. Avec : Rebecca Sorensen, Elena ; Maria Goso, Anaïde ; Héloïse Derache, la modiste ; Eugénie Danglade, La baronne ; Daniele Maniscalchi, Fadinard ; Mitesh Khatri, Zio Vezinet ; Olivier Bekretaoui, Felice ; Luc Default, Achille ; Loïck Cassin, Nonancourt ; Jean-Pascal Introvigne, Beapertuis ; Jean-Philippe Fourcade, Emilio ; Tristan Chenevez, Minardi ; Chœur de l’opéra national de Bordeaux, Orchestre national Bordeaux Aquitaine, direction : Salvatore Caputo
Nous étions a martina franca pour l ALADIN et la lampe merveilleuse de Nino Rota cet été, ennui sidéral, musique tonitruante et……vide de sens….Bordeaux fait ce qu il peut (avec peu…..helas) …. j ai écouté quelques extraits de cette oeuvre ( enregistree encore a martina franca il y a qques années) ….c est un peu moins ennuyeux, mais sans orchestre peut etre que cela peut aussi passer….grace a des chanteurs engagés et un pianiste volontariste…..mais je reste perplexe quand a l avenir de ces oeuvres sur de grandes scènes vu l accueil poli de cet été…..