Le Quatuor Akilone bienvenu dans Dvořák

Le raffinement de l'œuvre d'Antonin Dvořák séduit musiciens et auditeurs, comme le confirme, une fois encore, la récente lecture réussie du Quatuor Akilone.

Cette formation féminine fondée en 2011, lauréate de plusieurs prix, riche de fructueuses collaborations s'est faite remarquer lors de concerts donnés en Europe et au Japon. Une des qualités du Quatuor Akilone, qui ressort à l'écoute de ce disque, est une exigence louable du respect de l'écriture et de l'esprit du compositeur tchèque. Il en résulte une intéressante expression de son monde intérieur, dénuée d'artifices mais nullement de sincérité et d'exigence interprétative.

L'ultime Quatuor à cordes n° 14 op. 105, dont l'écriture est contemporaine du Quatuor à cordes op. 13 op. 106, date de l'année 1895 et, à son image, s'éloigne d'un certain romantisme, pour regarder vers un langage davantage moderne et prendre ses distances avec les récentes influences américaines. Après son retour des Etats-Unis d'Amérique, Dvořák s'attelle à ce nouveau projet esquissé outre-Atlantique, où il avait composé trois chefs-d'œuvre: la Symphonie n° 9 « du Nouveau Monde » op. 95B (1893), le Concerto pour violoncelle op. 104 (1896) et le Quatuor à cordes en la majeur op. 96 dit « Américain » (1893).

Le Quatuor en la bémol majeur est joué en privé par le Quatuor de Bohême le 16 avril 1896 mais sa création publique se déroule le 10 novembre suivant à Vienne sous les doigts du Quatuor Rosé avant d'être présenté à New York puis à Prague.

Le bonheur de retrouver sa terre natale rend compte du sentiment de joie qui s'exprime dans ce dernier quatuor à cordes où se bousculent moultes idées mélodiques. S'y épanche un tissu sonore quasi orchestral et une intégration unique de la musique populaire, fidèle inspiratrice du compositeur. L'introduction lente et obscure (Adagio ma non troppo) avance peu à peu vers une éclaircie dessinée dans l'Allegro appassionato où les Akilone signent un premier mouvement se plaisant à chanter des rythmes slaves jouissifs et réjouissants. Le magnifique deuxième mouvement Molto vivace affiche son énergie étincelante avec un furiant fourmillant puis l'on perçoit dans son trio central l'utilisation d'une mélodie (polka) issue de son opéra Le Jacobin. Les musiciennes soulignent avec robustesse les contrastes dynamiques pour se métamorphoser au profit, dans le Lento e molto cantabile, d'une profonde intensité évoquant par endroits le climat des Cyprès. Le finale, Allegro non tanto, nous fait découvrir un compositeur très inspiré, dynamique et défendu par une formation touchée par la grâce.

Le Quatuor n° 14, à l'instar du cycle entier, a reçu d'innombrables enregistrements, en grande majorité de première qualité. Le Quatuor Akilone s'y taille assurément une place de choix avec cette lecture remarquable de véracité, d'engagement et d'adéquation avec l'esprit du maitre tchèque.

Initialement Les Cyprès se composent de 18 chants inspirés par des textes du poète et dramaturge tchèque (1833-1875) Gustav Pfleger-Moravský sur lesquels travailla Dvořák en juillet 1865. Le compositeur en adaptera une douzaine deux décennies plus tard (1887) pour quatuor à cordes, stimulé par un élan romantique et amoureux, poétique et passionné, raffiné et sensible. Un chant d'amour guidé par les émotions de ses jeunes années comme il le précisera. Le premier violon reste fidèle à la ligne vocale de la première mouture tandis que l'alto et le violoncelle se calquent sur le discours du piano. L'ensemble brille par sa richesse mélodique, ses élans rythmiques et sa pudeur.