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Ariodante à Strasbourg : Rivalités amoureuses dans les salons de la cour d’Écosse

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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 6-XI-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Ariodante, dramma per musica en trois actes sur un livret d’auteur inconnu, d’après Ginevra , Principessa di Scozia d’Antonio Salvi. Mise en scène : Jetske Mijnssen. Décors : Étienne Pluss. Costumes : Uta Meenen. Lumières : Fabrice Kebour. Avec : Adèle Charvet, Ariodante ; Emőke Baráth, Ginevra ; Christophe Dumaux, Polinesso ; Lauranne Oliva, Dalinda ; Laurence Kilsby, Lurcanio ; Alex Rosen, le Roi d’Écosse ; Pierre Romainville, Odoardo. Chœur de l’Opéra national du Rhin (Chef de chœur : Hendrik Haas), Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Christopher Moulds.

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Dans la mise en scène élégante et raffinée de et avec une distribution de haut vol, Ariodante de Haendel réussit son entrée au répertoire de l'Opéra national du Rhin. à la direction en assure l'authenticité baroque.

Moins souvent représenté que Giulio Cesare ou Alcina, Ariodante fait cependant partie des œuvres majeures que Haendel écrivit pour la scène anglaise. Inspiré à nouveau de l'Orlando Furioso de l'Arioste, il en évacue la part de merveilleux au profit d'un « huis-clos psychologique » au sein de la cour d'Écosse. La metteuse en scène en explicite les conflits dès l'ouverture au travers d'une pantomime de jeux d'enfants. Polinesso espérait conquérir Ginevra, fille du roi vieillissant d'Écosse, et ainsi accéder au trône. Mais Ginevra lui préfère Ariodante et leur mariage se prépare. Dalinda, sœur (ou suivante, selon le livret) de Ginevra est, elle, secrètement amoureuse de Polinesso tandis que le frère d'Ariodante, Lurcanio, soupire en vain pour elle. Tirant parti de l'inclination de Dalinda à son égard, Polinesso va faire croire à l'infidélité de Ginevra et mettre le feu aux poudres…

Costumes chics et contemporains de Uta Meenen, décor de salon feutré aux hauts lambris immaculés de Étienne Pluss, la scénographie choisie fait immédiatement penser aux univers de Robert Carsen, son Alcina au Palais Garnier notamment. Par la translation progressive des parois latérales, ce décor se rétrécit peu à peu, emprisonne les personnages dans leur douleur et révèle à côté les comportements parallèles hors scène. Les ballets hors contexte de la partition ayant été judicieusement omis, Jestke Mijnssen peut alors se concentrer sur l'évolution psychologique des caractères qu'elle détaille par une direction d'acteurs d'une extrême précision, toujours juste et lisible. C'est aussi ce qui faisait le prix de son Orfeo de Luigi Rossi à Nancy, spectacle qui la fit découvrir en France et obtint le Grand Prix de la critique 2016. Et même si l'inventivité tend à se réduire au fil du spectacle de plus de trois heures, l'intérêt demeure maintenu et les reprises da capo des airs parfaitement investies et toujours en situation. Après tant de trahisons, de méprises et d'impossibles communications, Jestke Minjssen ne peut se résoudre au lieto fine conclusif ; déjà très malade et alité, le roi d'Écosse meurt quasiment inaperçu et Ginevra s'enfuit du mariage en cours. Seuls peut-être Dalinda et Lurcanio auront-ils un avenir commun.

Dotée d'un souffle inépuisable, d'une maîtrise parfaite des registres et d'une merveilleuse souplesse dans la vocalise, impressionne en Ariodante totalement crédible dans son travesti masculin. De son entrée « Con l'ali di costanza » au « Dopo notte » final, ses airs de bravoure sont d'irrésistibles feux d'artifice vocaux. Pris dans un tempo assez rapide, le célère lamento « Scherza infida » révèle un grave un peu disjoint mais se gorge d'émotions par la variété des intonations et des couleurs. En Ginevra, fait également preuve d'autorité, de vélocité et de précision dans la colorature malgré un suraigu teinté parfois d'acidité. Elle emporte définitivement l'adhésion à l'heure de la douleur et des doutes avec ses demi-teintes sublimes et ses aigus piano d'une poignante intériorité.

Le contre-ténor est un habitué du rôle de Polinesso et plus généralement des rôles de traîtres à l'âme noire qui abondent dans le répertoire baroque. Rompu à ses codes, il y est confondant de maîtrise, d'aisance et de liberté, explorant toute l'impressionnante largeur de sa tessiture, dardant des suraigus péremptoires et des graves non moins généreux, se jouant des vocalises avec aplomb et une invention toujours renouvelée. La Dalinda de séduit par la fraîcheur et la limpidité du timbre tout comme par le délié de la vocalise tandis que le Lurcanio de convainc par son engagement dramatique et la variété du chant et des intonations, à l'aise aussi dans la vélocité en dépit d'un aigu pas toujours parfaitement placé. Confiné dans un fauteuil roulant ou un lit médicalisé, le roi d'Écosse d' fait preuve d'une belle autorité vocale initiale et d'un registre étendu mais peine à émouvoir ensuite dans ses lamentos. en Odoardo et le Chœur de l'Opéra du Rhin en serviteurs du palais complètent avec efficacité, malgré leurs courtes interventions, cette distribution de haute tenue.

Le chef est un spécialiste du répertoire baroque. Par son travail en amont avec l'orchestre (cordes sans vibrato, jeu d'archet, articulation, couleurs instrumentales), par des annotations spécifiques sur les partitions, il parvient à faire sonner l' en grande forme comme un orchestre sur instruments anciens. Sa direction dynamique, vive mais subtile et d'une parfaite précision rythmique assure l'authenticité comme l'avancée du spectacle mais n'omet pas de se retenir pour les moments plus intérieurs. Une pleine réussite. Taillé pour l'international, ce spectacle de grande qualité sera repris à Lausanne puis au Royal Opera House de Covent Garden avec lesquels il est coproduit.

Crédit photographique : (Ginevra), Adèle Charvet (Ariodante) / Adèle Charvet (Ariodante), (Polinesso) / de gauche à droite  (Ginevra), Adèle Charvet (Ariodante), (Odoardo), (Dalinda), (le Roi d'Écosse), (Lurcanio),  (Polinesso) © Klara Beck

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Strasbourg. Opéra national du Rhin. 6-XI-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Ariodante, dramma per musica en trois actes sur un livret d’auteur inconnu, d’après Ginevra , Principessa di Scozia d’Antonio Salvi. Mise en scène : Jetske Mijnssen. Décors : Étienne Pluss. Costumes : Uta Meenen. Lumières : Fabrice Kebour. Avec : Adèle Charvet, Ariodante ; Emőke Baráth, Ginevra ; Christophe Dumaux, Polinesso ; Lauranne Oliva, Dalinda ; Laurence Kilsby, Lurcanio ; Alex Rosen, le Roi d’Écosse ; Pierre Romainville, Odoardo. Chœur de l’Opéra national du Rhin (Chef de chœur : Hendrik Haas), Orchestre symphonique de Mulhouse, direction : Christopher Moulds.

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