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Le prix de l’étoile, de François Alu. Éditions Robert Laffont, 2024. 230 pages, 19,90 euros.
François Alu, ancien danseur étoile du Ballet de l'Opéra de Paris, publie Le prix de l'étoile, une autobiographie sous forme de confession. Un livre qui a tout du manuel de développement personnel.
Nommé danseur étoile à trente ans, après avoir attendu vingt ans cette consécration, François Alu a aussitôt jeté l'éponge et démissionné du Ballet de l'Opéra de Paris le 22 novembre 2022. Une rupture consommée, ruminée pendant les longues années pendant lesquelles il était Premier danseur, dans l'antichambre du titre suprême. Le livre Le prix de l'étoile est donc le récit de ce long cheminement, des doutes, des frustrations mais aussi des espoirs d'un danseur exceptionnel, mais sans doute trop rebelle pour l'institution.
Le livre commence comme une classique autobiographie de danseur. Révélation de son destin de danseur classique en regardant un documentaire sur Patrick Dupond, premiers cours de danse dans l'école dirigée par sa mère et entrée à dix ans à l'École de danse de l'Opéra de Paris, à Nanterre. Dans ces quelques chapitres introductifs, on apprend par exemple que, mauvais dans les matières scolaires, mais très bon en danse, il avait convenu d'un pacte avec son ami Silvère Jarrosson, aujourd'hui peintre. Il relate le harcèlement dont il fait l'objet par certains de ses camarades, la différence de classe sociale qui lui pèse, l'obligation de respecter les règles…
Major de sa promotion, il intègre le corps de ballet comme Quadrille et grimpe rapidement les échelons – Coryphée, Sujet puis Premier danseur, pour échapper à l'ingrat rôle de remplaçant, attendant dans les coulisses qu'un titulaire se blesse pour prendre sa place. Rebelle, il bataille contre les maitres de ballet qui l'empêchent de modifier les chorégraphies de Noureev, le réprimandent pour toute incartade ou tentative d'introduction d'une originalité dans les pas. Cependant, l'auteur reconnait aussi que l'Opéra de Paris lui a permis de s'entraîner, de progresser dans son art et de rencontrer un public toujours plus enthousiaste.
Curieusement, aucun nom de chorégraphe n'est cité dans le livre, à l'exception de Noureev, et les seuls ballets mentionnés sont Don Quichotte, dont Basilio fut le premier grand rôle qu'il dut interpréter en remplacement d'un titulaire, et La Bayadère, où le rôle de Solor fut celui qui lui permit d'être finalement nommé étoile le 22 avril 2022. Entre ces deux moments phares de sa carrière de danseur à l'Opéra de Paris, seules dominent à travers les lignes de son ouvrage les douleurs physiques, les contraintes des répétitions, le surentrainement et le sentiment d'être un talent incompris. On l'a pourtant vu et applaudi dans La fille mal gardée, Giselle, Roméo et Juliette, Raymonda, Le Lac des cygnes, La Source, Paquita, Body and soul, Play… Le départ en 2014 de Brigitte Lefèvre de la direction de la danse le prive du dernier soutien qu'il avait au sein de l'institution et augure d'une longue traversée du désert, où, selon l'auteur, rien ne se passe. Même la nomination d'étoile, promise à la veille du départ de Benjamin Millepied en février 2016, à l'issue de la dernière d'une série de représentations particulièrement brillamment interprétées… n'aura pas lieu.
Car Le prix de l'étoile est aussi le récit d'une prise de conscience personnelle, qui naît à l'occasion de l'année de rupture du COVID, alors que l'Opéra de Paris est fermé et que François Alu est confiné dans sa maison familiale de Fussy. A grand renfort de psy, de coach et de thérapeutes, présents à ses côtés pour soigner son corps et sa tête, François Alu se forge peu à peu de nouvelles convictions et décide de modifier le cours de son existence et d'arrêter la « course à l'étoile ». Il s'essaye à l'écriture poétique, dont on trouve quelques traces dans ce livre, et se lance dans la réalisation d'un « seul en scène » avec Samuel Murez. Toujours dans le « dépassement de soi », il parle aujourd'hui de « clés de la réussite », des mantras qu'il a désormais l'habitude de partager au cours de séminaires d'entreprises.
Récit édifiant d'une carrière gâchée, parce que l'Opéra de Paris n'a pas su le nommer étoile à temps ou tout simplement calmer ses angoisses, Le prix de l'étoile prend la forme d'un manuel de développement personnel et s'attache néanmoins à transformer l'expérience vécue en reconversion réussie. L'ex-danseur étoile est désormais danseur free-lance et entrepreneur comblé. Ayant repris le contrôle de son destin, il estime que de « sculpté, il est devenu sculpteur ».
Lire notre interview de l'artiste :
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Le prix de l’étoile, de François Alu. Éditions Robert Laffont, 2024. 230 pages, 19,90 euros.
Robert Laffont