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Programme russe pour Tugan Sokhiev, Alexandre Kantorow et les Müncher Philharmoniker

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 2-XI-2024. Mikhail Glinka (1804-1857) : Ouverture de Rouslan et Ludmilla ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 43 ; Nicolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Shéhérazade op. 35. Alexandre Kantorow, piano. Münchner Philharmoniker, direction : Tugan Sokhiev.

Pour cette première étape parisienne d'une vaste tournée qui les conduira jusqu'en Chine et au Japon, et les invitaient à un voyage au travers des paysages fantastiques de l'Orient imaginaire. Un beau programme russe qui associe l'Ouverture de Rouslan et Ludmilla de Mihail Glinka, Shéhérazade de et la Rhapsodie sur un thème de Paganini de , avec le pianiste en soliste. 

L'Ouverture de Rouslan et Ludmilla, brève mais éclatante, portée par un dynamisme irrésistible voit s'affronter dans une cavalcade orchestrale endiablée le thème énergique et belliqueux de Rouslan, celui plus mélodique de Ludmilla, tous deux confrontés à celui, plus sombre, des forces maléfiques du nain Tchernomor. Extraite du deuxième opéra de Glinka, cette ouverture composée en 1842 ouvre la voie à l'orientalisme des contes de fées en faisant montre d'une science consommée de l'orchestration, saluée par Berlioz, justement rendue ce soir par qui fait la part belle aux cordes virevoltantes (on retiendra tout particulièrement un somptueux pupitre d'altos) au bois voluptueux et aux cuivres rutilants au sein d'un tissu orchestral d'une rare cohésion qui impressionne tant par sa légèreté que par sa transparence.

Dernière œuvre concertante de Rachmaninov, véritable Cinquième concerto pour piano, composée en 1934, la Rhapsodie sur un thème de Paganini (thème du Caprice n° 24) peut se décomposer en trois mouvements (un allegro d'une écriture nette et nerveuse parfois violente et dramatique, un andante d'un romantisme intense et un finale puissamment virtuose) dont nous livre une interprétation « d'exception » bien différente de celle, plus austère, donnée récemment par Michail Pletnev, à Radio France avec le « Philhar » ou au disque avec le RIO. On est d'emblée frappé par l'équilibre et la complicité existant entre orchestre et soliste dans une lecture véritablement concertante tout au long des 24 variations. On y admire la variété du jeu pianistique, percussif mais sans excès, méditatif ou élégiaque, la virtuosité contenue sans outrance ni effets de manche, les accents jazzy ou motoristes rappelant Prokofiev autant que la clarté de l'articulation, le phrasé envoutant, la richesse en couleurs allant du lyrisme éperdu au sombre drame avec l'énoncé plusieurs fois répété du Dies Irae. De leur côté les , portés par la direction magistrale de et un strict respect de l'agogique, font briller tous leurs pupitres (basson, cor anglais, percussions) dont on retiendra plus particulièrement un superbe dialogue entre soliste, clarinette et cor. En « bis » une émouvante Mort d'Isolde de Richard Wagner et Litanei de Schubert, dans des paraphrases lisztiennes achèvent cette première partie.

Inspirée des Contes des Mille et une nuits, Shéhérazade est une suite symphonique composée en 1889 par Rimski-Korsakov. Elle se décline en quatre tableaux dont Tugan Sokhiev donne une vision puissante, haute en couleurs, parfaitement mise en place, dynamique et contrastée, portée par les performances solistiques superlatives de la phalange bavaroise. Plus que dans l'inspiration narrative, c'est bien dans la richesse et la finesse de son orchestration (choix de timbres, grands effets orchestraux), là encore louée par Berlioz, qu'il faut en chercher tout l'intérêt, annonçant Stravinsky ou Ravel. Le premier mouvement « La mer et le bateau de Sinbad » s'ouvre, après quelques accords puissants de cuivres, sur un climat d'évocation féérique d'où émerge le thème de Shéhérazade énoncé par le violon solo de Naoka Aoki et la harpe de Teresa Zimmermann, avant que le phrasé ne se développe dans une alternance de tempête orchestrale et d'épisodes plus poétiques empreints d'un intense sentiment d'attente, tout de clarté et de transparence, d'où se dégage une multitude de timbres (violoncelle et petite harmonie). Le deuxième mouvement « Le récit du Prince Kalender » annoncé par le basson, bientôt rejoint par l'ensemble des vents (petite harmonie et appels de cuivres) s'appuie sur une dynamique sans faille, obsédante, interrompue en son mitan par une longue phrase cadentielle de la clarinette d'Alexandra Gruber. Le troisième mouvement « Le jeune Prince et la Princesse » donne libre cours à une ardente effusion lyrique des cordes soutenue par les traits voluptueux de la petite harmonie (flute et clarinette). Le quatrième mouvement « La Fête à Bagdad, la mer et le naufrage sur les rochers » regroupe toutes les forces orchestrales dans une transe collective fortement cuivrée menant à un crescendo chargé d'urgence qui annonce le drame du naufrage et la mort de Shéhérazade alors qu'on entend pour la dernière fois son thème envoutant, avant de refermer ce beau livre d'images…

Une ancienne danse ukrainienne un peu rustique, extrait d'un opéra inachevé, Gopak de Moussorgski, donnée en « bis » conclut ce remarquable concert qui demeurera assurément comme un des plus beaux concerts de la saison.

Crédits photographiques : © Antoine Benoit-Godet / Cheeese

Modifié le 4/11/2024 à 14h38

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 2-XI-2024. Mikhail Glinka (1804-1857) : Ouverture de Rouslan et Ludmilla ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 43 ; Nicolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Shéhérazade op. 35. Alexandre Kantorow, piano. Münchner Philharmoniker, direction : Tugan Sokhiev.

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