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La dernière conspiration, une satire lyrique de Moritz Eggert à Augsbourg

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Augsbourg. 27-X-2024. Moritz Eggert (né en 1965) : Die letzte Verschwörung, opéra sur un livret du compositeur. Mise en scène : André Bücker ; décor : Wolf Gutjahr ; costumes : Katharina Weissenborn ; vidéo : Robi Voigt. Avec Julius Kuhn (le système), Wolfgang Schwaninger (Friedrich Quant), Wiard Witholt (Alois Dunkler/le chancelier), Shin Yeo (Dieter Urban/Mr. Goodman), Kate Allen (Georgina von Solingen), Luise von Garnier (Elisabeth Quant), Jihyon Cecilia Lee (Lara)… Choeur du Théâtre d’Augsbourg ; Augsburger Philharmoniker ; direction : Domonkos Héja.

Non sans maladresse dans la surcharge orchestrale et dans une mise en scène surchargée, l'histoire d'un présentateur en pleine dérive conspirationniste porte des thèmes actuels qui ont toute leur place à l'opéra.

L'opéra d'aujourd'hui n'a pas peur de l'humour, comme l'avait montré la dernière œuvre de Philippe Boesmans. , compositeur résolument éclectique, lui donne volontiers le ton de la satire : Die letzte Verschwörung, La dernière conspiration, portait lors de sa création à la Volksoper de Vienne le sous-titre Mythos-Operette, qu'il n'est pas nécessaire de traduire ; comme toute satire réussie, elle amuse, mais les sourires qu'elle suscite sont presque constamment amers. L'histoire est vite racontée : le présentateur d'une émission de télévision qui exploite la bêtise humaine (chacun trouvera des équivalents réels) glisse progressivement dans le complotisme au point de détruire sa propre vie pour nouer de nouveaux liens qui ne font que l'enfoncer toujours plus profond dans le faux monde qu'il découvre.

Le spectacle présenté à Augsbourg, mais aussi l'œuvre elle-même, ne sont pas sans défauts. Il y a tout d'abord l'orchestre, inutilement ample pour une histoire qui nécessiterait beaucoup plus de souplesse : Eggert écrit par moments de beaux passages d'orchestre, mais on ne comprend pas que la formation puisse couvrir à ce point le récitant (« Le Système ») qui fait avancer l'action – ce qui n'est d'ailleurs pas un principe dramatique très efficace en soi. Sans doute pourrait-il retenir un peu plus ses musiciens ; il propose un accompagnement généreux et souvent d'une grande richesse sonore, ce qui est sans doute l'effet recherché par la partition, mais il vaudrait bien mieux privilégier la variété et la transparence pour rendre l'histoire plus proche des spectateurs. Il y a aussi la fin de l'histoire, avec un retournement final qui n'est pas très original ou très efficace. Il y a, enfin, la mise en scène d', intendant de la maison, très friand de nouvelles technologies : il avait utilisé des casques de réalité virtuelle pour Orphée de Gluck bien avant que Bayreuth ne s'y mette, pour un bénéfice théâtral à peu près aussi inexistant (mais au moins sans augmentation de tarif, et pour tous les spectateurs) ; cette fois, il se contente d'un décor augmenté par la vidéo, franchement obsédante sans que la surcharge d'images ait quoi que ce soit à nous dire. Une scène carrée s'avance jusque dans les premiers rangs, ce qui donne du mouvement au spectacle ; la direction d'acteurs efficacement classique fait beaucoup plus pour l'œuvre que la surcharge visuelle du décor.


Les deux rôles centraux, le présentateur et la « résistante » qu'il rencontre, sont tenus par et . Le ténor a déjà chanté divers rôles de Heldentenor à Augsbourg, mais il est plus à l'aise ici : la bonne éducation un peu guindée qui le caractérise au début dérive progressivement vers une suractivité fiévreuse porte véritablement le spectacle ; elle, voix généreuse et engagement dramatique remarquablement tenu, porte avec élan les scènes où elle apparaît, qui sont les meilleures de la soirée.

Autour d'eux, le livret ne propose guère que des silhouettes, même le corrupteur Urban, élégamment chanté par Shin Yeo, ou la cynique directrice de chaîne de télé chantée par Kate Allen : il y a dans cette œuvre un potentiel comique et satirique qui mériterait d'être affiné dans une version plus condensée, où le théâtre musical serait dégagé de la surcharge orchestrale et de la maladroite narration parlée.

Crédits photographiques : © Jan-Pieter Fuhr

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Augsbourg. 27-X-2024. Moritz Eggert (né en 1965) : Die letzte Verschwörung, opéra sur un livret du compositeur. Mise en scène : André Bücker ; décor : Wolf Gutjahr ; costumes : Katharina Weissenborn ; vidéo : Robi Voigt. Avec Julius Kuhn (le système), Wolfgang Schwaninger (Friedrich Quant), Wiard Witholt (Alois Dunkler/le chancelier), Shin Yeo (Dieter Urban/Mr. Goodman), Kate Allen (Georgina von Solingen), Luise von Garnier (Elisabeth Quant), Jihyon Cecilia Lee (Lara)… Choeur du Théâtre d’Augsbourg ; Augsburger Philharmoniker ; direction : Domonkos Héja.

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