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Toulouse. Dans les rues toulousaines. Du 25 au 27 octobre 2024. Le Gardien du temple opus 2, La porte des ténèbres, opéra urbain de François Delarozière, créateur des machines, scénographe et metteur en scène. Musique : Mino Malan. Costumes : Gaelle Choveau et Julie Coffiniere. Effets spéciaux : Polo Loridant. Lumières : Bruno Teutsch. Orchestre de 19 musiciens, un ténor et une chanteuse soul : direction musicale, Mino Malan et Julien Ursule
Toulouse a accueilli durant trois jours un spectacle lyrique monumental : l'opéra urbain Le Gardien du Temple opus 2, la Porte des Ténèbres, incomparable à bien des niveaux.
A croire qu'aujourd'hui, un grand événement est toujours accompagné par une ou deux polémiques. Pour ce second opus de l'opéra urbain (le premier volet s'était déroulé à Toulouse en 2018) concocté par François Delarozière, créateur des trois machines qui ont déambulé dans tout Toulouse durant trois jours, et Mino Malan à l'origine de la musique originale de ce spectacle hors norme, c'est une messe « contre les ténèbres » qui a tenu de prologue à cette performance artistique : l'Archevêque de Toulouse, entouré de 700 croyants, a consacré l'ensemble de la Ville pour la protéger de la gardienne des ténèbres, Lilith, femme-scorpion de 38 tonnes, 11 mètres de haut et 14 mètres de long, future égérie du Hellfest, le célèbre temple de la musique métal.
Quelle que soit la vision de chacun sur ce parti-pris, cet opéra urbain est en tout point monumental : d'abord en fermant aux véhicules (voitures, mais aussi 2 roues, y compris vélos et trottinettes) une ville entière pour un spectacle à ciel ouvert, et cela durant trois jours ; ensuite par un budget titanesque, 4,72 millions d'euros, que Toulouse Métropole dédie à ce spectacle entièrement gratuit (dont 128 millions de dons par les mécènes) ; enfin par le nombre de spectateurs, soit 1,2 millions de personnes durant ces trois jours de performance… sans compter les trois machines : Astérion le minotaure (47 tonnes, 14 mètres de haut, 13 mètres de long et 4 mètres de large), Ariane l'araignée géante, fille de Minos et de Pasiphaé (38 tonnes, 13 mètres de haut, 10,5 mètres de long et 4,6 mètres de large), et la dernière en date, Lilith la femme-scorpion chassée du jardin des Hespérides qui s'est refugiée dans les profondeurs de la Terre.
Dans les rues, les habitants et les visiteurs s'amusent de cet argument d'opéra inspiré de la mythologie, le livret du spectacle étant largement diffusé par les 300 bénévoles, même si aucun horaire ou lieu de rendez-vous ne sont volontairement indiqués pour éviter de trop grands rassemblements, les trois protagonistes de l'histoire se rencontrent aisément, matin, après-midi et soir durant ces journées. Ils arpentent la ville sur une zone très étendue, et sur deux scènes au même moment à des endroits différents. Libérée par Hadès, roi des enfers, Lilith erre de ville en ville à la recherche d'âmes damnées pour agrandir son peuple et son influence. A Toulouse, elle tente d'ensorceler Astérion, qui, fasciné, se retrouve en elle par un exil forcé et le bannissement des hommes. Cet envoûtement ne dure pas longtemps : Ariane veille sur son demi-frère minotaure et, sentant le danger, erre dans la ville. Alors que Lilith réussit à assembler les trois signes prodigieux pour ouvrir la Porte des ténèbres, Astérion, guidé par Apollon, retrouve ses esprits, et déploie ses ailes grandioses, signe de sa force retrouvée. Sa lutte contre Lilith ne bloquera pas l'avancée de la femme-scorpion, et c'est une fois la Porte des ténèbres ouverte, que l'attaque d'Ariane détournera Lilith du Minotaure. Ses tentacules géantes fermeront le passage.
Même si l'émerveillement vient tout d'abord des machines monumentales, la force de cette histoire et l'impact de la musique qui accompagne les scènes et chaque déplacement ne sont pas du tout des éléments simplement décoratifs ou anecdotiques. Sujet de discussion permanent de tout un chacun durant ces trois journées – les trois actes de l'opéra ! -, attachement manifeste des spectateurs envers le protecteur de la cité ou face à l'élégance de la nouvelle venue, mélodies envoûtantes que beaucoup s'amusent à fredonner : ce spectacle fait l'objet d'un véritable succès populaire, malgré une exigence et une richesse culturelle et artistique qui auraient pu facilement être un frein.
Autour des 180 machinistes et techniciens du spectacle, 19 musiciens, un ténor d'opéra et une chanteuse soul performent en direct sur des nacelles aménagées pour une prestation grandiose. La voix de ténor est celle d'Astérion alors que la voix féminine fait vivre Lilith. Neuf compositions orchestrales accompagnent les scènes phares, mêlant judicieusement de nombreuses influences pour toucher le plus grand nombre d'oreilles attentives : consonnances jazzy ou opératiques, musique pop ou rock, les mélodies tonales voluptueuses et acides de la femme-scorpion, portées par de nombreuses vocalises pour ne pas freiner la compréhension et l'atmosphère donnée, sont les principales nouvelles créations de ce second opus, Mino Malan choisissant de reprendre certains morceaux créés en 2018 pour le Minotaure. La diversité des propositions musicales permet un renouvellement d'écoute constant, entre une harpe solo, un quatuor au balcon de l'Hôtel de ville ou une instrumentation typiquement rock lorsque Lilith s'empare des signes qui ouvriront la Porte des Ténèbres.
La sensualité de cette nouvelle héroïne passe principalement par les cordes, harpe comprise, un choix surprenant pour celle qui a été conçue pour le temple du métal. Les déplacements des protagonistes sont quant à eux renforcés par des musiques enregistrées diffusées par trois DJ, et complétées par des comédiens déambulant aux pieds des machines, qui grâce à une sonorisation adaptée font parler les personnages de bois et de métal.
La surprise vient aussi de l'expressivité évidente de ces deux machines : Astérion et Lilith expriment des sentiments d'une sensibilité remarquable, ponctués par des jets de fumée, d'eau et de feu très impressionnants. Ariane, quant à elle, marque plutôt les esprits par le déploiement de ses longues pattes et par sa machinerie elle-même : les artistes sont tous assis au-dessus ou en dessous d'elle (un machiniste par patte !).
Voilà la concrétisation impressionnante d'une ville qui vibre pour la culture dans toutes ses composantes.
Crédits photographiques : Lilith © Patrice Nin / Toulouse Métropole ; Astérion le Minotaure déploie ses ailes © Patrice Nin / Toulouse Métropole ; Combat entre Lilith et Ariane © J. Hocine / Toulouse Métropole
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