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Mino Malan, musicien monumental de la Compagnie La Machine

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Autodidacte, cela fait vingt ans que est le compositeur et chef d'orchestre de l'ensemble des spectacles de la Compagnie La Machine qui vient de présenter le second opus de son opéra urbain monumental dans les rues de Toulouse. 

ResMusica : Créé en 2018 à Toulouse, vous présentez aujourd'hui l'opus 2  de l'opéra urbain Le Gardien du Temple. Comment avez-vous abordé ce second volet en tant que compositeur ? 

: J'ai abordé cet opus 2 en me focalisant sur le mythe de Lilith, alors que l'opus 1 était consacré au mythe du minotaure et du labyrinthe, métaphore de l'impossibilité de communication des gens hors-normes et différents. Lilith est une créature démoniaque, venue tout droit des Enfers pour ramener les âmes damnées de la Terre vers les profondeurs obscures. De nombreuses références historiques et religieuses entourent ce personnage, déesse mésopotamienne liée au vent et à la tempête dans la tradition juive, première compagne d'Adam dans les légendes du Moyen-Âge, symbole de la rébellion féminine dans les années 70, Lilith est aujourd'hui l'allégorie de l'émancipation des femmes et de l'égalité des sexes.

RM : Comment les traits de ce personnage se traduisent musicalement ?

M.M. : J'ai composé entre dix et douze nouveaux thèmes autour de cette femme-scorpion. Pour Astérion le Minotaure et Ariane l'araignée, j'ai réutilisé les thèmes que j'avais écris dans le premier opus.

Les thèmes associées à Lilith ont véritablement une couleur particulière, à la fois tendre et acide, sensuelle et venimeuse. A l'inverse de ce que l'on m'a proposé, je n'ai pas voulu associé le genre du métal à ce personnage, même si Lilith a été conçue pour le festival Hellfest, spécialisé dans ce genre musical. J'ai voulu mettre en musique la plus belle femme du monde, qui fait chavirer tous les hommes et leur fait perdre leur pouvoir et leur équilibre face à ce désir incommensurable qu'ils ressentent en rencontrant Lilith. Ce n'est pas une musique agressive que je pouvais associer à cette image mais des mélodies dansantes et lascives. Les textes, eux, sont plus sombres et plus agressifs.

RM : Pour un opéra, la voix est un élément central. Est-ce que pour cet opéra urbain, ce sont les machines qui composent cet élément central au détriment du reste ? 

M.M. : Ce n'est pas notre volonté : toutes les composantes de cet opéra urbain sont importantes et nécessaires. Mais j'en conviens, il n'y a pas énormément de chansons ou d'airs avec des paroles.

Il y a l'opéra que le public entend immédiatement, avec les voix et les chants, mais aussi un opéra souterrain. C'est-à-dire qu'en tant que chef d'orchestre, j'envoie des textes aux musiciens durant la performance, des textes que je n'ai pas vraiment mis en musique, peut-être le ferais je plus tard. Cela correspond à des images, ou des flashs, qu'ils transposent en musique pour les véhiculer tout droit vers le public. Pour moi, durant le spectacle, j'utilise l'orchestre comme un filtre. J'ai fait le choix pour cet opus 2 de diriger en envoyant du texte.

RM : Pourquoi finalement avoir choisi le genre de l'opéra pour ce spectacle ? 

M.M. : Lorsqu'il a été évoqué la première fois de réaliser un spectacle en Toulouse, en 2016, François Delarozière, directeur artistique de la Compagnie La Machine, a immédiatement proposé un Minotaure. Le premier flash que j'ai eu en associant l'idée du Minotaure à Toulouse, fut un ténor de l'univers du chant lyrique. Cette voix a amené par la suite l'idée de concevoir un opéra.

RM : On en revient toujours à la voix…

M.M. : En effet. Avec cet opus 2, le maintien d'un cadre qu'est celui de l'opéra n'a à aucun moment été remis en question puisque je continuais à associer un chanteur lyrique au Minotaure. Mais avec la venue de Lilith, je souhaitais associer cette nouvelle héroïne à une voix soul, chaude, plus éloignée du monde de l'opéra. Comme dans ma musique orchestrale, je voulais mélanger les genres dans le choix des voix associées aux protagonistes de cette histoire.

J'ai eu finalement plus de difficultés à écrire pour cette voix féminine que pour le ténor. Il fallait que je prenne en compte que l'interprète allait amener son propre flow.

RM : Dans cet opéra, votre musique est-elle narrative, offre t'elle seulement une atmosphère… ou bien jouez-vous sur différents leviers ? 

M.M. : Les thèmes que je compose sont tous inspirés d'un personnage et donc d'atmosphères très différents. Le premier morceau associé au réveil de Lilith propose par exemple un univers sombre et langoureux, à l'image de la femme-scorpion.

Je compose en chantant ou par le biais d'instruments ; je n'écris pas de partitions dans mon processus compositionnel. Pour Lilith, je me suis aperçu que j'utilisais instinctivement l'alto, les violoncelles et la contrebasse et finalement, assez peu de violons dans la majorité de mes nouvelles créations. J'ai rééquilibré par la suite la partie des violons tout en maintenant cette tessiture grave.

Dans cet opus 2, je souhaitais beaucoup de cordes et moins de cuivres que j'avais pu employer dans mes précédentes compositions. J'ai également utilisé beaucoup de percussions pour mettre en musique l'aspect tribal de cette femme-scorpion derrière la langueur des cordes.

Est-ce qu'un album paraîtra comme ce fut le cas pour l'opus 1 ? 

M.M. : Nous avons fait le choix de déjà mettre à disposition, dès le premier jour de spectacle, neuf titres de ce second volet sur différentes plateformes musicales.

Crédits photographiques : © Fanny Poitevin ; Le Gardien du Temple samedi soir au Capitole © Patrice Nin / Toulouse Métropole ; Lilith place Saint-Sernin © J. Hocine / Toulouse Métropole.

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