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Don Giovanni s’invite au Château de Versailles

Dramma giocoso hésitant entre opera seria et opera buffa, ce Don Giovanni sans état d'âme lorgnant vers la commedia dell'arte, mis en scène par à l'Opéra Royal du Château de Versailles, et édité en DVD, est une réussite.

Point d'état d'âme psychologique, ni d'arguties politiques dans ce Don Giovanni qui aime les femmes sans restriction. en dresse un portrait plein d'humour et de sensualité, mais aussi celui d'un véritable prédateur sexuel tenant d'une réalité sociale sans équivoque (comme en témoignent ses rapports avec Leporello), capable de se montrer tout à la fois tendre ou héroïque, généreux ou intrigant, pour recueillir finalement la sympathie du spectateur… Tout est ici au premier degré, limpide et d'une irréprochable cohérence : pas de transposition temporelle (XVIIIᵉ siècle) d'où une scénographie dépouillée constituée d'un décor unique figurant une place palladienne rehaussée par les éclairages de ; somptueux et bariolés, les costumes, signés , rappellent Arlequin avec un jeu de miroir entre costume du maître et celui du valet ; les ballets (menuet, contredanse et danse allemande), parfaitement réglés par Jeannette Lajeunesse-Zingg, s'intègrent judicieusement à la mise en scène, notamment lors de la scène de bal. Bref, une mise en scène d'une lumineuse clarté, fidèle au livret de Da Ponte et accessible à tous.

Dans la fosse, la cohérence est également de mise puisque la direction a été confiée à , chef et organiste, habitué des productions baroques (notamment du Château de Versailles) et spécialiste du genre. L'Orchestre de l'Opéra Royal de Versailles joue, bien sûr, sur instruments d'époque. L'Ouverture est menée avec allant, entrelaçant jubilation et drame. L'orchestre, porté par une belle dynamique chargée de nuances, suit au plus près la dramaturgie dans un équilibre souverain avec les chanteurs, et les performances solistiques (les vents) sont à l'avenant.

La distribution vocale ne souffre aucun reproche, d'une rigoureuse homogénéité. , habituellement cantonné au rôle de Leporello dans les productions précédentes, fait ici des débuts remarqués en Don Giovanni, alliant puissance, facilité vocale, excellente diction, legato et présence scénique. On regrettera toutefois une composition peut être un peu trop monomaniaque, limitée au rôle de séducteur carnassier un rien vulgaire et une sérénade manquant de charme et de poésie. campe un Leporello de belle tenue au timbre joliment apparié avec celui de son maître, son air du catalogue est un modèle du genre. assume avec brio toute l'ambivalence de Donna Elvira, tantôt nonne militante armée d'un crucifix, tantôt amoureuse éperdue prête au pardon : le timbre est clair capable de riches nuances, les vocalises aisées et parfaitement sculptées, l'ambitus large. Face à elle, (Donna Anna) séduit par la beauté et les couleurs de son timbre, par la pureté de ses vocalises impeccablement ciselées, comme par l'ampleur de sa projection. Enguerrand de Hys est un Don Ottavio très convaincant au chant délicatement orné, plein de compassion et de hargne vengeresse. est une Zerlina espiègle et sensuelle superbement chantante, d'une aisance vocale confondante face au Masetto, un peu macho et terriblement jaloux, impeccablement incarné vocalement et scéniquement par Jean-Gabriel Saint Martin. Nicola Certenais en Commandeur et le Chœur de l'Opéra Royal de Versailles apportent la touche finale à cette belle production qui, éminemment classique, à la fois vivante et soignée esthétiquement, saura rassembler sans nul doute les faveurs d'un large public.

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