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Chelsea Marilyn Zurflüh illumine la finale de chant du 78e Concours de Genève

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Genève. Grand Théâtre. 22-X-2024. 78è Concours de Genève. Chant. Airs d’opéra de Jules Massenet (1842-1912), Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Gioachino Rossini (1792-1868), Piotr Illitch Tchaïkovsky (1840-1893), Erich Korngold (1897-1957), Georg Frideric Händel (1685-1759), Gaetano Donizetti (1797-1848). Avec Barbara Skora (mezzo-soprano) ; Jungrae Noah Kim (baryton) ; Chelsea Marilyn Zurflüh (soprano). Orchestre de la Suisse Romande. Direction musicale : Alevtina Ioffe.

 
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Sous la présidence de la soprano Patricia Petibon, devant un Grand Théâtre de Genève bien rempli, le Jury de ce 78ème Concours de Genève a attribué le Premier prix du concours de chant à la lumineuse soprano suisse qui a dominé cette finale avec une prestation vocale hors du commun.

Si 71 candidats (dont 53 femmes !) s'étaient inscrits pour participer au Concours de Genève 2024, seuls trois chanteurs sont parvenus à se hisser pour l'épreuve finale de chant avec orchestre. Les précédentes confrontations dans cette discipline voyaient cinq à six concurrents se disputer la palme. Il est vrai qu'alors, les finalistes ne chantaient qu'un seul air d'opéra en finale alors que cette année, ils devaient en chanter trois dont au moins un dans une autre langue que les deux autres airs. Comme officiellement, seuls trois prix sont décernés, les jeux semblaient être faits. Restait à savoir lequel d'entre eux partirait avec le trophée. Depuis les demi-finales – une épreuve comportant deux récitals avec piano, le premier avec des lieder et des mélodies, et le second avec de airs d'opéra – on a pu apprécier quelques-unes des forces en présence sans pour autant qu'il soit aisé d'en tirer des conclusions. Bien malin qui aurait pu dire quel concurrent avait plus de chance de l'emporter sur l'autre.

En début de soirée, l' sous la baguette de la cheffe russe , qui doit reprendre les rênes de la direction musicale de l'Opéra de Berne dès la saison prochaine, donne une Ouverture des Noces de Figaro de Mozart sans intérêt. L'orchestre est étonnamment sans brillance et sujet à quelques imprécisions qu'on ne lui connait guère lorsqu'il est dans la fosse du Grand Théâtre de Genève.

La première concurrente à se présenter est la mezzo-soprano polonaise (25 ans). Entonnant l'air de Charlotte «Werther, qui m'aurait dit…» de Werther de Jules Massenet, on est très vite mal à l'aise pour elle. La voix sans projection et sans couleurs peine à passer par dessus l'orchestre enfoui dans la fosse. Visiblement, sa voix craque. Déstabilisée, la mezzo-soprano perd son texte. On pense alors qu'après cet air manqué, la jeune femme va se reprendre dans l'air de Sesto «Parto, parto» tiré de La Clemenza di Tito de Mozart. Las, le malaise persiste. Les notes du registre grave sont inaudibles. Et ce n'est pas dans la célèbre cavatine de Rosina «Una voce poco fa» du Barbier de Séville de Gioachino Rossini qui lui sauve la mise. Là encore, la mezzo n'y est plus. Ralentissant le rythme pour assurer un tant soit peu ses vocalises, elle termine son pensum laborieusement. Plus tard, on apprendra que, souffrante, elle avait émis le désir de ne pas se présenter sur la scène mais qu'elle a voulu assumer quand même sa prestation.

Deuxième concurrent à monter sur la scène, le baryton coréen Jingrae Noah Kim (30 ans). Déjà vainqueur de plusieurs concours, on le sent prêt. Dans l'air de Yeletsky «Ya vas lyublyu» de La Dame de Pique de Tchaïkovski, on apprécie l'ampleur de sa voix quand bien même son chant s'avère sans grandes couleurs. Si la projection vocale est en place, la diction de l'idiome russe sonne étrangement. Quelques spectateurs russophones de notre connaissance nous confirment que le baryton coréen place les accents des mots aux mauvais endroits rendant incompréhensibles les phrases qu'il chante. Dans son interprétation de l'air du Comte Almaviva ««Hai gia vinta la causa » tiré des Noces de Figaro de Mozart si la diction italienne est excellente, sa personnification du personnage manque grandement de caractère. Le chant étant assez monocorde, jamais il ne laisse transparaître l'esprit du texte de cet air. Il termine son passage avec le très bel l'air de Fritz «Mein Sehne mein Wähnen» de Die tote Stadt de Erich Korngold. Dans cette pièce, le baryton apparaît beaucoup plus à l'aise que dans ses deux précédents airs. Avec l'impression qu'il s'est emparé du texte, sa voix se colore. Il termine son air sur un pianissimo d'une très grande beauté.

Après le passage de ces deux artistes, on reste un peu sur sa faim en constatant que le niveau de ces chanteurs n'a rien de commun avec ceux qu'on entend sur nos scènes. Non tant par la technique vocale qui peut avoir les défauts de leur jeunesse mais dans l'engagement artistique. On est plus dans la récitation que dans l'interprétation. Nous sommes au bord de cette réflexion quelque peu désabusée et pleine de regrets quand entre la dernière concurrente, la soprano suisse (28 ans). Empoignant avec détermination l'air de Cléopatre «Da tempeste il legno infranto» du Giulio Cesare de Händel, un courant d'air rafraichissant parcours l'auditoire. Le contraste d'avec ses deux précédents compères est flagrant. A l'évidence, on retrouve transportés à un niveau supérieur de l'expression lyrique. La voix est belle, les vocalises plus que correctes, l'ouverture vocale puissante, tout dans cette voix enchante. Le public ne s'y trompe pas et applaudit à tout rompre son admirable prestation. Dans l'air de Pamina «Ach, ich fühl's» tiré de Die Zaubeflöte de Mozart, on admire la sensibilité sans mièvrerie avec laquelle la soprano interprète cet air. Au passage, elle nous gratifie d'aigus d'une grande qualité émergeant comme la naturelle continuité de l'air. Rien n'est forcé, tout est mesuré dans l'esprit du texte, dans l'impeccable de la ligne de chant. Du velours. Là encore, le public exulte. La soprano termine son passage avec le périlleux récitatif et air de Linda «Ah, tardai troppo…. O luce di quest'anima» extrait de Linda di Chamounix de Donizetti. Jouant de sa personne sur la scène, souriante, espiègle, elle semble se jouer des difficultés techniques et vocales de cet air avec une autorité peu commune. Dans la liberté rigoureuse de son interprétation, entraîne dans son sillage, l' qui enfin quitte son rôle d'accompagnateur pour faire part entière de la musique qui se joue sur la scène.

C'est donc en apothéose que se termine ce concours, avec logiquement l'attribution du Premier Prix à cette personnalité passionnante et pétillante qu'est Chelsea Marilyn Zurflüh qu'on a hâte d'entendre sur nos scènes. Au passage, elle rafle tous les prix spéciaux disponibles pour cette compétition : Le Prix du public, le Prix Jeune public, le Prix des étudiants, le Prix de la Société des Arts, le Prix Concert de Jussy, le Prix de la Fondation Yvonne Sigg, le Prix Fondation Etrillard, le Prix Rose-Marie Huguenin, le Prix des Musiciens de l'OSR et le Prix du Cercle du Grand Théâtre. Quant au baryton , il se contente du deuxième prix du jury du Concours alors que la malheureuse mezzo-soprano reçoit un prix d'encouragement.

Crédits photographiques : © Anne-Laure Lechat

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