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Une Norma pour Marina Rebeka et Karine Deshayes

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Vincenzo Bellini (1801-1835) : Norma, Tragedia lirica en deux actes. Norma : Marina Rebeka (soprano), Adalgisa : Karine Deshayes (soprano), Pollione : Luciano Ganci (ténor), Oroveso : Marko Mimica (basse), Clotilde : Anta Jankovska (soprano), Flavio : Gustavo De Gennaro (ténor), Orchestre et Chœur du Teatro Real de Madrid, John Fiore (direction). 3 CD Prima Classic enregistrés en aout 2022 au Teatro Real de Madrid, Espagne. Notice de présentation en Anglais, français, allemand, italien et espagnol, livret italien traduit en anglais. Durée totale : 159:16

 

Depuis huit ans qu'elle a abordé triomphalement le rôle des rôles, et avant de le chanter à la Scala en juin 2025, devait graver Norma.

Enregistrer Norma au disque, à une époque où on fait si peu d'intégrales d'opéra en studio relève d'une volonté forte. C'est sans doute celle de elle-même, puisque la soprano est non seulement l'héroïne principale, mais aussi co-productrice du label Prima Classic, qu'elle a fondé avec Edgardo Vertanessian. La démarche n'est pas sans rappeler celle de l'éphémère label Nightingale, entièrement dévolu à Edita Gruberova, et qui n'a pas laissé que de bons souvenirs. Mais le contexte actuel est différent, et cette gravure a un autre objectif que de servir obséquieusement une diva. Elle propose une version alternative, basée sur différentes retouches ou des compositions antérieures.  Par exemple, la tonalité en sol majeur de Casta diva, la terminaison rêveuse du chœur Guerrra, guerra, et diverses variantes dans les duos et trios, qui n'apportent ni ne retranchent rien de vraiment important. Néanmoins, elles contribuent utilement à rappeler que même un pareil chef d'œuvre a été l'objet d'hésitations, de corrections, que le geste d'écriture, fut-il génial, n'a pas été linéaire ni immédiat. De surcroît, c'est un plaisir d'entendre d'autres éclairs de la pensée musicale de Bellini et de se laisser surprendre par eux, même si tous ne sont pas inédits.

L'autre avantage de cet enregistrement est d'offrir, enfin, un grand rôle de bel canto dans une intégrale d'opéra à . Tout ce qu'elle fait est admirable ou impeccable : le style, la vocalité, le timbre, la caractérisation amoureuse puis fraternelle. La jeune fille fragile qu'elle incarne devient une femme d'exception, la seule à garder tout son bon sens et à survivre dans cette barbarie. Est-elle devenue une Falcon, qui aborde désormais le rôle de Norma, ou a-t-elle toujours été une Dugazon, c'est-à-dire une mezzo avec de grandes facilités dans l'aigu ? En tout cas, la tessiture du rôle (un soprano, à l'origine…) lui convient parfaitement, sans aucune tension dans tout l'ambitus du rôle. On ne peut malheureusement pas en dire autant de . Certes, elle est impressionnante, et ses prestations sur scène ont fait d'elle une des meilleures Norma actuelles. La ligne de chant est royale, les vocalises parfaites et dans ce rôle de femme déchirée, ses emportements sont très efficaces. Mais devant les micros, son émission maitrisée et musclée sent trop l'effort, et on en vient à craindre la venue des aigus, même si elle les réussit chaque fois. Cet effort est d'autant plus perceptible et gênant que son timbre contient des harmoniques métalliques, qui confinent à la stridence dans les passages les plus tendus, et qui empêchent une coloration porteuse d'émotion.  Son interprétation relève alors davantage de la prestation physique de haut niveau que d'une incarnation véritablement belcantiste.

Dans le rôle plus falot de Pollione, est très bien. Son proconsul est juvénile, ardent, et stylé. Vaillant ou agile quand il le faut, son duo Vieni in Roma avec est un des meilleurs moments du coffret. Il manque parfois d'agilité dans les vocalises, mais son chant est souple et beau. Oroveso est lui aussi très bien choisi. déroule une très belle voix de basse chantante, capable d'exprimer une vraie émotion lors du face-à-face final avec sa fille coupable. Anta Jankovska et Gustavo De Gennaro font dans Clotilde et Flavio des comprimari parfaitement fondus dans le très bon niveau d'ensemble de l'équipe.  L'orchestre du Teatro Real de Madrid et le Coro Intermezzo en résidence sont remarquables. La cohésion d'ensemble est parfaite, les couleurs sont magnifiques, et les parties solistes virtuoses (la flûte de Casta diva…). Le bel canto, c'est aussi dans l'orchestre ! excelle à créer des ambiances, des climats adaptés à chaque scène, mais le finale manque un peu de montée en tension dramatique.

Fait par et pour Marina Rebeka, cet enregistrement vaut, somme toute, surtout pour la magnifique Aldagisa de , qui résout l'ambiguïté soprano ou mezzo du rôle. Mais dans une discographie surabondante, il servira surtout à poser un jalon dans l'histoire de l'interprétation de cet opéra majeur.

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Vincenzo Bellini (1801-1835) : Norma, Tragedia lirica en deux actes. Norma : Marina Rebeka (soprano), Adalgisa : Karine Deshayes (soprano), Pollione : Luciano Ganci (ténor), Oroveso : Marko Mimica (basse), Clotilde : Anta Jankovska (soprano), Flavio : Gustavo De Gennaro (ténor), Orchestre et Chœur du Teatro Real de Madrid, John Fiore (direction). 3 CD Prima Classic enregistrés en aout 2022 au Teatro Real de Madrid, Espagne. Notice de présentation en Anglais, français, allemand, italien et espagnol, livret italien traduit en anglais. Durée totale : 159:16

 
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