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Riccardo Chailly et l’Orchestre du festival de Lucerne à la Philharmonie de Paris

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 18-X-2024. Jean Sibelius (1865-1957) : Concerto pour violon en ré mineur op. 47 ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Danses symphoniques op. 45. Daniel Lozakovich, violon. Orchestre du festival de Lucerne, direction : Riccardo Chailly

Avant de gagner l'Elbphilharmonie de Hambourg, l' investit la scène de la Philharmonie de Paris sous la direction de son directeur musical, , dans un programme associant le Concerto pour violon de Sibelius avec en soliste et les Danses symphoniques de .

Ayant fait sensation en mars dernier au festival de printemps du Lucerne Festival Orchestra dans le Concerto pour violon de Beethoven, revient ce soir à Paris avec la même phalange pour celui de Sibelius. Composé en 1901, révisé en 1903, d'essence néo-romantique, il est quasiment contemporain de la retraite du compositeur à Järvenpää. De forme assez libre, presque rhapsodique, il comprend trois mouvements. Dès l'Allegro moderato initial, on est immédiatement surpris par le défaut d'équilibre existant entre soliste et orchestre, la projection assez faible du violon de lui imposant de constamment lutter contre la puissance de l'orchestre dirigé avec une fougue excessive par . Certes l'entame du violon quasi à découvert séduit par la sonorité du Stradivarius « ex-Sancy » de 1713, la technique violonistique est irréprochable, mais le soliste reste prudemment sur la réserve comme emprunté tandis que l'interprétation semble constamment corsetée, plus lyrique que passionnée, virtuose assurément en particulier dans les cadences mais un rien trop lisse, sans âpreté ni tourments, affecté, qui plus est, de nombreux décalages et de nuances trop marquées qui rendent les pianissimi quasiment inaudibles. Plus apaisé et mieux négocié, l'Adagio amorcé par la petite harmonie (clarinette et hautbois) développe un chant poignant du violon, soutenu par de beaux contrechants de cor. Sur un ostinato bien marqué des cordes graves (magnifiques contrebasses, violoncelles et altos) le Finale laisse libre cours à la virtuosité du soliste dans une cavalcade très dansante où orchestre et soliste sont encore une fois largement décalés. En guise de « bis », une sonate pour violon seul empruntée à Eugène Ysaïe conclut cette première partie.

Opus ultimus, les Danses symphoniques de furent composées en 1941. Entre suites de danses et poème symphonique, testamentaires et récapitulatives, elles rassemblent nombre de réminiscences de ses œuvres précédentes. Véritable exercice d'orchestre porté par une orchestration foisonnante, elles sollicitent tour à tour tous les pupitres dans un tourbillon orchestral mettant à dure épreuve la cohésion de l'ensemble et la rigueur de la mise en place. Si l'excellence individuelle est assurément indiscutable puisque constituant l'essence même de cet orchestre de festival « refondé » par Claudio Abbado en 2003, formé de toute l'élite instrumentale des plus grandes phalanges européennes, c'est précisément dans la cohésion assez précaire de l'ensemble et dans la direction discutable de que le bât blesse dans cette interprétation un peu « brut de fonderie » qui peine à recueillir une totale adhésion par son caractère exagérément manichéen, opposant à l'envi dans des contrastes trop appuyés les épisodes lyriques et raffinés et les fracas orchestraux barbares et outranciers dans une succession un peu indigeste. Une certaine confusion règne dans l'étagement et l'organisation des plans sonores : le début un peu brouillon des attaques de cordes lors du premier mouvement en est un éloquent exemple. Le premier mouvement se construit autour d'un thème bondissant énoncé par les différents éléments de la petite harmonie, cuivres et percussions, piano et cordes, parmi lesquels on retiendra la superbe mélodie nostalgique du saxophone de Femke Ylstra. Le deuxième mouvement se déploie sur un rythme de valse vénéneuse et décadente (on pense à Ravel) qui se nourrit du lyrisme des cordes tout en faisant la part belle à la trompette, au violon solo  et au cor anglais. Les cloches annoncent le début du troisième mouvement, haut en couleur, où alternent explosions orchestrales, moments lyriques et épisodes d'affliction sur un phrasé tendu laissant entendre à plusieurs reprises le thème du Dies Irae tronqué et déformé au sein de sonorités vaguement hispanisantes, précédant une coda puissante, théâtrale et abondamment percussive.

Un envoûtant et surprenant Scherzo composé à l'âge de 14 ans par le jeune Rachmaninov, donné en « bis » achève ce concert qui ne laissera pas un souvenir impérissable.

Crédit photographique : ©   Priska Ketterer / Lucerne festival

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 18-X-2024. Jean Sibelius (1865-1957) : Concerto pour violon en ré mineur op. 47 ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Danses symphoniques op. 45. Daniel Lozakovich, violon. Orchestre du festival de Lucerne, direction : Riccardo Chailly

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