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Passeport franco-américain pour l’Orchestre National de Lille avec Joshua Weilerstein

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Lille. Nouveau Siècle. 17-X-2024. Charles Ives (1874-1954): Three Places in New England (An Orchestral Set). George Gershwin (1898-1937): Concerto en fa. Maurice ravel (1875-1937): Le Tombeau de Couperin, La valse. Lise de la Salle, piano. Orchestre national de Lille, direction: Joshua Weilerstein

Pour son second concert en tant que nouveau directeur musical de l', a choisi un intéressant programme Ives, Gershwin, Ravel. Un aller-retour États-Unis-France en première classe.


Chef d'orchestre américain, désormais adopté par la France à la tête de l', a choisi un programme presque en forme d'autoportrait pour le second concert de sa nouvelle saison en tant que directeur musical de l'ONL. Avec l'originalité de et le brio de pour l'identité américaine du chef en première partie et la magie de (1875-1937) pour son amour de la musique française en seconde partie. Le tout pour un programme d'une grande diversité, révélant toutes les facettes d'un orchestre en pleine maîtrise de ses moyens.

Quelle belle idée d'ouvrir le concert avec les étonnantes Three Places in New England de ! Ce compositeur, rarement joué en France, est pourtant une personnalité hors normes de l'histoire de la musique. Ces « Trois lieux de Nouvelle Angleterre« , composées en 1916 avant d'être jouées en 1931, sont un parfait résumé de l'esprit iconoclaste, frondeur, plein d'humour, ce qui n'exclut pas la gravité, de . En trois miniatures et à peine 20 minutes, Charles Ives réussit le mélange étonnant et détonnant d'airs patriotiques, de chants d'esclaves, d'airs militaires et de moments de pure suspension musicale, pour un portrait à la fois grave et savoureux de l'Amérique d'avant les Années Folles. Le sommet de l'œuvre étant atteint dans le deuxième mouvement, General Putnam's Camp, où pas moins de dix airs militaires sont cités en même temps dans une « glorieuse cacophonie » hallucinée et jubilatoire. est visiblement dans son jardin avec cette musique qu'il maîtrise parfaitement, la rendant claire et précise, même dans les moments les plus denses.

Jubilatoire fut également le Concerto en fa de qui lui succède. En compagnie de la pianiste , l' prend visiblement beaucoup de plaisir à s'encanailler avec cette musique à l'énergie débordante.
Composé en 1925, le Concerto en fa se veut « l'œuvre sérieuse » de , qui voulait démontrer qu'il n'était pas seulement un brillant compositeur de comédies musicales, mais qu'il pouvait aussi s'attaquer à la grande forme. Sans avoir la légèreté de la célèbre Rhapsody in Blue, le Concerto en fa célèbre donc les noces de Liszt et de Hollywood, de Rachmaninov et du blues, l'énergie du jazz au sein d'un concerto romantique. Et même si l'orchestre submerge parfois un peu le piano dans les grands moments d'effusion lyrique, l'œuvre reste assez irrésistible. , qui a déjà consacré un très bon disque à Rachmaninov (Accentus), est tout à fait à l'aise dans ce concerto très expansif.

Entièrement dédié à , la deuxième partie du concert emmène dans un tout autre univers. Tout d'abord avec les délicates miniatures du Tombeau de Couperin. Cet hommage à la musique baroque du XVIIIᵉ siècle est tout sauf une œuvre légère. Ravel a orchestré en 1919 quatre pièces pour piano, chacune d'entre elles étant dédiée à un ami mort sur le front au combat lors de la Première Guerre mondiale. Derrière l'apparente légèreté des Forlane, Menuet et autre Rigaudon, se cache en fait une douleur pudique, et des nuages noirs assombrissent parfois la lumière de la musique. Joshua Weilerstein dirige cette œuvre avec sensibilité et sans doute un peu trop de sagesse, quitte à ôter une certaine part de mystère. Mais les pupitres des cordes et des bois de l'ONL brillent de mille feux.

La tragédie de la guerre est aussi au cœur de La Valse qui conclut le concert. Cette valse macabre, composée en 1920, est une prodigieuse course à l'abîme, le symbole de la fin d'un monde. Le brillant de la valse viennoise se fracassant sur le tragique du massacre des hommes. Joshua Weilerstein maîtrise de bout en bout cette « mise à mort chorégraphique« , jusqu'à la fin cataclysmique. Conclusion parfaite d'un concert franco-américain assez réjouissant.

Crédits photographiques : Ugo Ponte @ ONL

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