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À Flagey-Bruxelles : Aimez-vous Schoenberg ?

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Bruxelles. Flagey. 12-X-2024. Festival « Aimez-vous Schoenberg? ».
17 heures. Studio1.Luigi Nono (1924-1990) : ….sofferte onde serene…pour piano et bande; Arnold Schoenberg (1874-1951) : symphonie de chambre n°1 opus 9, arrangement pour piano à deux mains d’Eduard Steuermann (1882-1964): Ludwig van Beethoven (1770-1827) : sonate n°14 opus 27 n°2 quasi una fantasia « Clair de Lune  » en ut dièse mineur. Jan Michiels, piano.
18 heures 30. Studio 1. Alban Berg (1885-1935) : sonate pour piano op. 1; Anton Webern (1883-1945) : Variations op. 27 ; Arnold Schoenberg (1874-1951) : Drei Klavierstücke op. 11, Sechs Klavierstücke op. 19 ; Wolfgang Amadeus Mozart : fantaisie en ut mineur K.V. 475. Daan Vandewalle piano.
20 heures 15. Studio 4. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Pierrot Lunaire, trois fois sept mélodies op. 21 sur des poèmes d’Albert Giraud, librement traduits par Otto Hartleben. Allison Cook, voix ; Marco Mantovani, piano ; solistes du Brussels Philharmonic ; Kasushi Ono, direction

Flagey, l'incontournable centre multi-culturel du Grand Bruxelles, proposait l'évènement « Aimez-vous Schoenberg ? ». Nous nous sommes concentrés sur une des journées du mini-festival. avec deux récitals de piano contrastés et un Pierrot Lunaire.

« Quasi una fantasia » …selon le pianiste

À17 heures, au studio 1, de dimension assez intime, le pianiste flamand , lauréat du concours Reine Elisabeth de Belgique 1991 propose un parcours  de plus de 150 ans d'histoire de la musique : chacune à leur manière, les trois partitions retenues unifient, quasi una fantasia, divers moments ou mouvements musicaux refondus en une grande forme d'un seul tenant.

(1924-1990) était familialement lié à , puisqu'il avait épousé en 1955 Nuria, la fille issue du second mariage du maître avec Gertrud Kolisch . « …sofferte onde serene… »  (1976) dédiée à Maurizio Pollini et à l'épouse de celui-ci offre une poétique accidentée et tragique, rythmée par les huit interpolations entre piano « live» et une bande-studio retravaillant le jeu du pianiste italien mêlé de divers signaux plus bruitistes. réussit la gageure de respecter l'absolue synchronicité entre entités sonores et ainsi s'approprie cette partition pourtant fortement marquée par la personnalité de son créateur-dédicataire. Il donne une vision onirique de cette allusion à la fois sereine et funèbre de la lagune vénitienne.
(1882-1964) réduisit pour piano à deux mains la mythique première Symphonie de chambre op.9 de son mentor Schoenberg pour en faciliter la diffusion. Cette très habile mais exigeante transcription souligne la structure polyphonique et la richesse harmonique de l'œuvre, mais bien entendu au détriment de la couleur ou de la structure dialogique entre les familles instrumentales de l'original. Malheureusement, Jan Michiels parfois nerveux et crispé, et victime de très laborieuses «tournes» qu'il entend assumer seul, bouscule quelque peu l'agogique des sections rapides et ne rend pas pleinement  justice à cette «radiographie» très pianistiquement chargée de l'œuvre par une certaine confusion discursive. Pourtant, il se révèle très inspiré et coloriste au fil de la section lente empilant les quartes : il y laisse enfin la musique respirer.

La Sonate n° 2 op. 27 « au Clair de Lune» de Beethoven, donnée comme il se doit en enchaînant les trois temps, semble un rien précipitée en son adagio sostenuto liminaire, avec des voix intermédiaires trop proéminentes. Mais l'allegretto central et surtout le presto agitato final d'une parfaite maîtrise technique et d'une sonorité jamais agressive permettent de retrouver notre interprète à son meilleur niveau.

La totale adéquation stylistique du remarquable

À18h30, en la même salle et sur le même instrument, , un interprète aux prodigieux moyens dans le répertoire classique et la création actuelle pointue (il a enregistré le redoutable et imposant opus clavicembalisticum de Sorabji), donne un récital de grande tenue. La sonorité se veut riche et variée, magnifiée par un large et raffiné éventail de nuances dynamiques. Cela nous vaut une Sonate op. 1 d' – donnée avec la reprise –  d'un spleen intense doublé d'une tension morbide presque insoutenable héritée des derniers feux du romantisme.

Les Variations op. 27 d' sont distillées avec une impalpable poétique de l'instant, finement architecturées et sublimées par une ludique variété pointilliste de toucher, pour le moins inouïe dans cette œuvre bien plus austère sous d'autres doigts.

Mais c'est incontestablement dans les deux cycles retenus d' que l'interprète atteint des sommets : il pulvérise l'héritage brahmsien des deux premières pièces de l'opus 11, subtilement aérées avec un étagement exemplaire des plans sonores. Au contraire le Bewegte Achtel final est donné avec toute l'alacrité fauve, voire la légère et acide agressivité voulue. Les six petites pièces de l'opus 19 évoquent par leur suspension impalpable une sorte de voyage intérieur, concentré de couleurs et d'expressivité parfois très émotionnelles. La troisième est d'une violence à peine retenue et surtout l'extraordinaire sixième, poussant très loin les limites de l'atonalité, composée au retour des funérailles du père spirituel Gustav Mahler, est donnée ce soir avec un sentiment d'infinie tristesse.

Pour conclure, a choisi lui aussi de rendre tangible le lien avec l'école classique viennoise, par une des œuvres les plus aventureuses de Mozart, sa Fantaisie en ut mineur K.V 475, dédiée à son élève Theresa von Trattner. L'œuvre évolue certes dans la descendance des œuvres éponymes de C.P. E Bach mais elle en exacerbe de manière étonnamment moderne les ruptures discursives ; elle est rarement apparue aussi inventive et éruptive que ce soir : car Daan Vandewalle en souligne le caractère kaléidoscopique, presque aphoristique ou lapidaire dans la formulation, avec une tenue dramatique et une concentration spirituelle impitoyables.

Un Pierrot Lunaire discutable

Le soir, dans le grand Studio 4 à l'acoustique aussi subtile et précise que légèrement réverbérée, en compagnie du remarquable pianiste Marco Mantovani et de sept solistes du Brussels Philharmonic, tous placés sous la direction de , donne une interprétation vivante et colorée du Pierrot Lunaire, mais assez décalée eu égard aux intentions originales du compositeur. Jadis une Erika Sziklay, par la couleur presque enfantine de la voix, ou plus récemment une Marianne Pousseur, par une approche plus rhétorique du texte, ou encore une Christine Schäfer par le naturel de la déclamation, ont trouvé à notre sens la juste expression du sprechgesang, véritable parlé avant d'être (très occasionnellement) chanté. Allison Cooke opte davantage pour un partage entre les deux options en fonction de la tessiture sollicitée (ah ! ces envolées dans l'aigu souvent lyriques voire belcantistes dès le Mondestrunken initial) ou du contexte des différents numéros. Si elle demeure assez crédible au fil des sept premières mélodies et leur parodie cinglante (der dandy, valse de Chopin), la mezzo soprano – qui vraiment par moment chante le texte – passe quelque peu à côté des interrogations à la fois morbides et métaphysiques du cycle médian (Rote Messe, Die Kreuze), ou de la nostalgique ironie d'un paradis perdu des sept ultimes numéros (Serenade, Barcarolle). Certes tout cela est vocalement remarquable mais déphasé quant aux intentions évocatrices du cabinet berlinois. Pierrot Lunaire n'est pas de la même eau que le Livre des Jardins suspendus, dont elle est une excellente interprète.

signe une réalisation extraordinairement soignée et détaillée sur le plan instrumental, d'un hédonisme et d'une magie sonore remarquables, mais tirant plus
vers la poésie des Haï-ku que vers l'expressionnisme allemand. Il est admirablement suivi par les huit instrumentistes précis, attentifs et impliqués : leurs noms hormis celui du pianiste sont ignorés par le programme – même si on reconnait l'un des deux excellents konzertmeisters de l'orchestre, Henry Raudales,

Ajoutons un dernier petit bémol : un bandeau lumineux fait défiler les textes des poèmes originaux du Belge Albert Giraud (et leur traduction néerlandaise). Toutefois, la traduction allemande d'Otto Hartleben utilisée par Schoenberg arrondit sensiblement les angles et expurge le texte original de certains clichés macabres ou languides par trop insistants… autant le savoir : ce qui est dit/chanté n'est pas exactement ce qui est écrit !

Crédits photographiques : © Arnold Schoenberg center, Wien ; Jan Michiels © Jan Michiels- Isolisti ; Daan Vandewalle © Fred Deborck ; © Beatriz Moreno ; © Wouter Van Vaerenbergh

Lire aussi : notre petit dictionnaire de Schoenberg

Petit dictionnaire de Schoenberg : A comme…

 

 

 

 

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18 heures 30. Studio 1. Alban Berg (1885-1935) : sonate pour piano op. 1; Anton Webern (1883-1945) : Variations op. 27 ; Arnold Schoenberg (1874-1951) : Drei Klavierstücke op. 11, Sechs Klavierstücke op. 19 ; Wolfgang Amadeus Mozart : fantaisie en ut mineur K.V. 475. Daan Vandewalle piano.
20 heures 15. Studio 4. Arnold Schoenberg (1874-1951) : Pierrot Lunaire, trois fois sept mélodies op. 21 sur des poèmes d’Albert Giraud, librement traduits par Otto Hartleben. Allison Cook, voix ; Marco Mantovani, piano ; solistes du Brussels Philharmonic ; Kasushi Ono, direction

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