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Francfort. Opéra. 3-X-2024. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Lady Macbeth de Mzensk, opéra en quatre actes sur un livret d’Alexandre Preis et du compositeur. Mise en scène : Anselm Weber ; décor et costumes : Kaspar Glarner. Avec : Aile Asszonyi (Katerina Ismailova), Dmitry Golovnin (Sergei), Andreas Bauer Kanabas (Boris Ismailov/Vieux forçat), Gerard Schneider (Zinovi Ismailov), Peter Marsh (le balourd miteux), Zanda Švēde (Sonjetka), Anthony Robin Schneider (Pope), Iain MacNeil (chef de la police), Anna Nekhames (Aksinia)… Chœur de l’Opéra de Francfort ; Frankfurter Opern- und Museumsorchester ; direction : Thomas Guggeis
Thomas Guggeis dirige efficacement la reprise d'une production solide d'Anselm Weber, avec une distribution dominée par Dmitry Golovnin.
Tout juste couronné pour la huitième fois Opéra de l'année, dans l'un des nombreux palmarès concurrents (celui du magazine Opernwelt, la référence pour le monde germanique), l'Opéra de Francfort entame une saison qui détonne par son inventivité, loin de la concentration sur les valeurs sûres qui rend interchangeables celles de ses principaux équivalents. Le XXe siècle, entre autres, y est en fête : on y entend, pour commencer la saison, une reprise de Lady Macbeth de Mzensk, dans une production d'Anselm Weber, le directeur du Schauspiel Frankfurt, salle de théâtre parlé située dans le même bâtiment que l'Opéra. On aurait pu dans ces conditions s'attendre à un peu plus d'ambition théâtrale, mais le spectacle est surtout une mise en place, d'ailleurs efficace, claire et bien menée : c'est un peu la marque de fabrique de l'Opéra de Francfort, qui laisse les innovations scéniques les plus radicales à d'autres scènes allemandes. Le décor unique est constitué d'un mur gris en amphithéâtre, complété pour certaines scènes par une structure ronde qui descend des cintres, qui sert ainsi de lit (extra-)conjugal de la chambre de Katia, mais aussi de scène pour le Pope qui se donne en spectacle pendant le mariage de Katia et Sergei. Weber joue la modernité en incluant à sa mise en scène un casque de réalité virtuelle, qui se traduit pour les spectateurs par des projections champêtres recouvrant le mur quand Katia le met pour échapper à la grisaille du quotidien : c'est décoratif, sans aucun doute.
Thomas Guggeis, directeur musical de la maison depuis un an après avoir été l'assistant de Daniel Barenboim à la Staatsoper de Berlin, offre une interprétation tout aussi lisible de la partition ; si les scènes les plus complexes mériteraient encore un peu plus de netteté, la scène de foule avec la pauvre Aksinia en particulier, il trouve le juste équilibre entre sauvagerie et raffinement, en vrai chef de théâtre qui n'a pas peur d'assumer pleinement la conduite du discours musical, mais pense aussi aux chanteurs qu'il aide à donner vie à leurs rôles.
Le point fort d'une distribution inégale est certainement le Sergei de Dmitry Golovnin, déjà souvent loué dans nos colonnes : il a tout ce qu'il faut de souplesse insidieuse, de chaleur lyrique et d'ironie. Le point faible, tout aussi incontestable, est Andreas Bauer Kanabas : le beau-père monstrueux de Katia manque ici cruellement de relief, de monstruosité, dans un rôle qui est celui de l'ogre des légendes ; lorsqu'on retrouve le chanteur au dernier acte, cette fois dans la déploration du Vieux forçat, on peut mieux goûter les qualités vocales de l'interprète, dans un rôle qui lui va beaucoup mieux, sans que la mise en scène explique du reste vraiment le choix de confier ce double rôle si contrasté à un même chanteur. Entre ces deux pôles se trouve Aile Asszonyi, qui suit la pente trop facile des grands effets dramatiques, jusqu'au cri, au lieu de souligner le caractère profondément lyrique du rôle, qu'on gagne à rapprocher des Tatiana et Lisa du répertoire russe plutôt que d'Elektra. Entre ces excès, elle parvient souvent à l'émotion, en donnant au personnage toute la banalité d'une femme épuisée par le manque de sens de sa vie. Le reste de la distribution, comme souvent largement constituée de membres de la troupe, présente quelques belles individualités, le plus marquant étant certainement le Pope à la fois très drôle et bien en voix d'Anthony Robin Schneider.
Crédit photographique : © Barbara Aumüller
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