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Metz. Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz. 4-X-2024. Giacomo Puccini (1858-1924) : La Rondine, « commedia lirica » en trois actes. Livret de Giuseppe Adami, d’après un texte allemand d’Alfred Maria Willner et Heinz Reichert. Mise en scène : Paul-Émile Fourny. Décors : Benito Leonori. Costumes : Giovanna Fiorentini. Lumières : Patrick Méeüs. Chorégraphie : Graham Erhardt-Kotowich. Avec : Gabrielle Philiponet, soprano (Magda de Civry) ; Louise Foor, soprano (Lisette) ; Thomas Bettinger, ténor (Ruggero Lastouc) ; Christian Collia, ténor (Prunier) ; Jean-Luc Ballestra, baryton (Rambaldo) ; Apolline Hachler (Yvette / Georgette) ; Lucile Lou Gaier (Bianca / Gabriella) ; Adélaïde Mansart (Suzy / Lolette). Chœurs de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de chœur : Nathalie Marmeuse). Ballet de l’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz (cheffe de ballet : Laurence Bolsigner-May). Orchestre national de Metz Grand Est, direction : Sergio Alapont
Plateau sans faute pour un spectacle très abouti, qui permet de faire entendre un ouvrage trop peu connu du grand Puccini.
Le centenaire de la mort de Puccini, s'il a entraîné sa moisson de Bohème, Tosca et autres Butterfly, aura aussi permis à certaines maisons d'opéra de faire découvrir à leur public des ouvrages étonnamment moins connus, dont la qualité musicale n'a rien à envier aux grands tubes du répertoire. Tel est le cas de l'Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz qui a su, pour la première fois de son histoire, programmer cette Rondine si rarement entendue sur nos scènes. Initialement commandé à Puccini par l'Opéra de Vienne pour qu'il en fasse un « opérette » ou un ouvrage comique à l'image de Rosenkavalier, l'opéra est dans son intrigue un étrange croisement entre La Bohème, La Traviata et Die Fledermaus. Il raconte les amours de Magda de Civry, demi-mondaine entretenue par le riche Ramboldo, avec un jeune provincial de bonne famille, Ruggero Lastouc, qu'elle finit par abandonner pour retourner malgré elle à son ancienne vie. Créé finalement à l'Opéra de Monte-Carlo en 1917, on le connaît surtout aujourd'hui pour l'exquise chanson de Doretta interprétée au début du premier acte par Magda, air qui figure au répertoire de pratiquement toutes les sopranos dotées d'un aigu facile et resplendissant.
Pour cette production, la belle idée du metteur en scène Paul-Émile Fourny est de situer l'action des trois actes de l'ouvrage dans un théâtre désaffecté dans lequel Magda invite ses proches amis. Les effets de réfléchissement et le principe organique de la mise-en-abyme permettent ainsi de mettre en avant le thème central de l'illusion et de la désillusion auquel sont confrontés la plupart des protagonistes, belle manière aussi d'interroger les fondements de ce qu'on a appelé le vérisme à l'opéra, esthétique dont sont supposés ressortir les opéras de Puccini. Ici, Magda et Ruggero rêvent tous deux d'un amour idéal, l'expérience et la maturité de la première lui faisant finalement renoncer au bonheur impossible auquel elle pense ne plus avoir droit tandis que le jeune Ruggero continue, lui, à s'accrocher à ses rêves. Prunier et Lisette courent quant à eux après la gloire littéraire et le succès théâtral, tout en conservant sur la vie un regard plus pragmatique. Seul personnage carré et rationnel, Rambaldo tire les ficelles du spectacle autant qu'il manipule par son argent la vie et le destin des personnages qu'il a sous sa coupe. Parmi les nombreuses très belles images d'un spectacle situé dans une France Belle Époque voyant déjà frémir les premiers apports de l'Art Nouveau, on retiendra tout particulièrement le double tomber de rideau de la fin de l'opéra, celui du spectacle dans le spectacle qui se ferme sur un soleil couchant, puis celui du spectacle enchâssant qui renvoie le public à ses propres interrogations et questionnements.
Même s'il est assurément un opéra destiné à mettre en valeur de grands chanteurs, La Rondine ne serait rien sans un chœur aguerri et une série de comprimarii expérimentés. Le Chœur de l'Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz aura montré une fois encore à quel point il est un réservoir d'artistes tout à fait capables d'assumer les nombreux petits rôles essentiels dans un ouvrage relevant de l'esthétique dite vériste. Sa participation au quatuor « Bevo al tuo fresco sorriso » du deuxième acte aura ainsi déclenché un tonnerre d'applaudissements autant prolongé que spontané. Parmi les rôles de soutien, on pourra noter les noms d'Apolline Hachler, Lucile Lou Gaier, Adélaïde Mansart, Oliver Lagarde et Tadeusz Szczeblewski, tous impeccables dans leur participation. Bien connu du public messin, Jean-Luc Ballestra est un Rambaldo encore jeune et vert, très bien chantant dans ses courtes interventions. Pianiste autant que chanteur, le ténor Christian Colla dispose d'une voix rossinienne qui correspond exactement à ce qu'on attend du rôle de Prunier, auquel il apporte également son naturel et son talent d'acteur. De même, Louise Foor possède la voix et le tempérament qui conviennent pour incarner le rôle de Lisette, soubrette au soprano léger qui, telle Adèle de La Chauve-souris dont elle est l'épigone, rêve de gloire et de reconnaissance théâtrales. Quoique disposant d'aigus rayonnants, Thomas Bettinger a parfois du mal à tenir la ligne d'une partie particulièrement exposée qui le met occasionnellement en difficulté. On s'étonne qu'on ait coupé son air du premier acte « Parigi! E la città dei desideri ». Gabrielle Philiponet, quant à elle, rayonne vocalement et physiquement dans le rôle de Magda dont elle a à la fois l'aigu étincelant, le legato voluptueux et le pathos qui conduit son personnage à l'auto-sacrifice final. On se réjouit de voir cette artiste bien connue à Metz s'améliorer de saison en saison. Autre bonheur de cette production, la prestation de l'Orchestre National de Metz Grand Est qui, placé sous la baguette de Sergio Alapont, a su trouver toutes les couleurs modernistes d'une partition traditionnelle et classique par certains aspects, avant-gardistes et tournée vers l'avenir par d'autres. Le public a réservé un accueil triomphal à ce spectacle très abouti, qui hélas n'aura été programmé que pour deux représentations.
Crédit photographique : © Philippe Gisselbrecht – Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz
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la coupure de l’air de Ruggiero au premier acte est, hélas, « traditionnelle ». Cet air ne figure pas , par exemple, dans une des intégrales discographiques de référence de l’oeuvre, celle dirigée par Lorin Maazel avec Placido Domingo.
J’ignore ce qui peut justifier cette tradition, le ténor, dont le rôle est plutôt ardu, n’ayant dès lors pas de véritable occasion de briller seul.