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Un week-end rythmé et métissé au festival de Ribeauvillé

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Riquewihr. Temple protestant. 28-IX-2024. Œuvres de Tarquinio Merula (1595-1665), Henry de Bailly (?-1637), Antonio Sartorio (c. 1630-c. 1680), Antonio Vivaldi (1678-1741), Barbara Strozzi (1619-1677) et anonymes. Heather Newhouse, soprano. Le Concert de l’Hostel Dieu, clavecin et direction : Franck-Emmanuel Comte

Ribeauvillé. Église du couvent. 29-IX-2024. Antonio Vivaldi : Les quatre saisons op. 8. Astor Piazzolla (1921-1992) : Las Cuatro Estaciones Porteñas. Le Concert idéal, violon et direction : Marianne Piketty

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Le Concert de l'Hostel Dieu et étaient au programme du dernier week-end du Festival de musique ancienne de Ribeauvillé.

Cette manifestation a connu ces dernière années plusieurs changements, y compris de place dans le calendrier, mais le voilà stabilisé pour sa 39e édition sur trois fins de semaine au mois de septembre, sous la direction artistique de Martin Gester. Si l'on en croit les deux concerts auxquels nous avons assisté, sur les cinq que comptait le programme, le public a répondu présent. Et il a eu de quoi être satisfait.

Folie douce et basse obstinée avec le Concert de l'Hostel Dieu

Le samedi soir, le temple luthérien de Riquewihr, édifice rutilant à l'acoustique favorable, accueille l'ensemble lyonnais pour un programme autour du fameux thème de la Follia. Au-delà de ces huit mesures célébrissimes qui ont inspiré des quantités de compositeurs, les troupes de explorent le principe de la basse obstinée à travers quelques-unes de ses nombreuses manifestations dans l'Europe du Sud. Astucieusement construit, le programme fait voisiner des pièces instrumentales (tarentelles, mouvements de sonates) avec des airs de cour et des extraits d'opéras. Dès la chaconne introductive de , Su la cetra amorosa, les deux cellules de trois temps qui constituent le thème répété tout du long, produisent leur effet : le public connaît un effet d'envoutement, tandis que les musiciens profitent d'une base stable pour déployer leurs variations, abondamment ornées, parfois improvisées.

Ce qui frappe d'emblée, c'est la liberté de ton des musiciens du Concert de l'Hostel Dieu. Des préludes sont improvisés, un instrument entrant après l'autre, avant de commencer vraiment le morceau, comme dans la tarentelle de Santiago de Murcia. Les violonistes, Reynier Guerrero et Florian Verhaegen, jouant pizzicato tiennent leur instrument comme des mandolines dans un air extrait de Tieteberga de Vivaldi. Par cœur d'un bout à l'autre du concert, ils jouent les 14 variations sur le thème de la Follia RV 63 du Prêtre Roux en déambulant dans l'église, chacun sur un bas-côté puis en procession dans l'allée centrale. C'est que l'assurance et la cohésion de l'ensemble sont impressionnantes. La voix de soprano de n'a plus qu'à se poser sur ce superbe tapis instrumental. Tour à tour entraînante, héroïque, tragique, l'expression de la soprano canadienne touche toujours juste. Un des moments les plus émouvants du concert est le lamento L'Eraclito amoroso de , construit sur un ostinato de quatre notes, où les accents dramatiques de trouvent écho dans la densité sonore et rythmique qu'impriment les sept instrumentistes.

Car en plus des violons et d'un continuo fourni (violoncelle, contrebasse, théorbe ou guitare et clavecin), le Concert de l'Hostel Dieu comprend ce soir un percussionniste, et cela change tout. Toujours présentes sous une forme ou une autre (y compris sous celle de castagnettes dans l'air Quando voglio d'), plus ou moins présentes, elles apportent du rythme en même temps qu'une couleur sonore particulière. Le morceau de bravoure de David Bruley est la dernière pièce du programme, Cachua serranita, extraite d'un codex péruvien, qu'il entame par un long solo de daf persan, dont il tire une grande variété de sons, avant d'être rejoint par tous les autres musiciens percussions en main puis prenant chacun son tour son instrument pour un dernier tutti éminemment entraînant. Au rappel qui suit l'ovation debout, le public est gratifié de deux pièces dont une tarentelle introduite par un solo de contrebasse (Nicolas Janot), façon jazz. Rythme et métissage sont bien les maître-mots de la soirée !

Un dialogue Vivaldi-Piazzolla par

Spécialiste des croisements inédits entre musiques d'époques éloignées, tels le projet Nante/Locatelli ou L'heure bleue, l'ensemble de s'attache ici à rapprocher les cycles des deux compositeurs dédiés à l'évocation des quatre saisons, qui sont entrecroisés afin d'en souligner les parentés. L'église du Couvent de Ribeauvillé n'a pas une acoustique défavorable à la musique instrumentale, mais elle ne permet pas toute l'expression visuelle dont ont pu bénéficier d'autres scènes depuis plusieurs années que le spectacle existe. Des couleurs projetées en fond de scène et les déplacements mesurés, presque chorégraphiés des musiciens, suffisent cependant à installer une ambiance d'exceptionnel. Il est vrai, et on a tendance à l'oublier, que le violon et l'alto, pour peu que l'on connaisse sa partition par cœur, peuvent être joués en marchant.

, qui tient généralement la partie de solo, entraîne sa formation dans un Vivaldi libre, exubérant, dont le côté brillant est encore accentué par les instruments modernes, sans clavecin mais avec théorbe. À trop entendre Les quatre saisons, on en viendrait à oublier la grande liberté formelle (relative) de cette partition si des interprétations comme celle du Concert idéal ne venaient nous la rappeler. Du côté d', le piano, la guitare et le bandonéon présents dans le quintette originale se font aisément oublier, tant la pulsation et l'expression d'une force vitale sont bien rendues. La cohésion de l'ensemble de cordes fait merveille dans les ensembles, et les solos de violon, rappelant ceux de Vivaldi, offrent en contraste un espace de liberté dont profitent et ses comparses. Le texte de Piazzolla a été un peu modifié, intégrant de manière plus ou moins apparente des morceaux des solos de Vivaldi. Cela fait beaucoup penser à l'adaptation de Leonid Desyatkinov ; il est dommage que la note de programme ne précise pas le rapport de la musique entendue ici avec cette adaptation.

Là encore, une ovation debout vient récompenser les musiciens, au terme d'un programme un peu court mais enthousiasmant et puissamment évocateur.

Crédits photographiques : © Festival de Ribeauvillé

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Riquewihr. Temple protestant. 28-IX-2024. Œuvres de Tarquinio Merula (1595-1665), Henry de Bailly (?-1637), Antonio Sartorio (c. 1630-c. 1680), Antonio Vivaldi (1678-1741), Barbara Strozzi (1619-1677) et anonymes. Heather Newhouse, soprano. Le Concert de l’Hostel Dieu, clavecin et direction : Franck-Emmanuel Comte

Ribeauvillé. Église du couvent. 29-IX-2024. Antonio Vivaldi : Les quatre saisons op. 8. Astor Piazzolla (1921-1992) : Las Cuatro Estaciones Porteñas. Le Concert idéal, violon et direction : Marianne Piketty

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