Splendeur du cornet muet dans l’Allemagne du XVIIe siècle

L'ensemble belge InAlto, mené par le cornettiste Lambert Colson, explore ici le répertoire pour cornet muet composé à la cour de Kassel à l'époque du landgrave Moritz von Hessen.

Still und lieblich : doux et tendre. C'est ainsi que Michaël Praetorius caractérise le cornet muet, variante du cornet à bouquin dont l'embouchure est creusée directement dans la masse de l'instrument. Lambert Colson, qui lui a consacré sa thèse de doctorat, a réuni dans cet enregistrement la quintessence du répertoire pour cet instrument, qui mêle ici sa voix à celles des chanteurs dans une écriture polychorale influencée par le modèle italien de Giovanni Gabrieli. Dans la riche bibliothèque de Kassel, on trouve des partitions de Gabrieli probablement rapportées de Venise par Heinrich Schütz, que le landgrave avait envoyé étudier auprès du maître vénitien. Dans son traité encyclopédique Syntagma musicum daté de 1619, Praetorius offre aux musiciens d'aujourd'hui une source inépuisable pour l'orchestration et l'interprétation des polyphonies de cette époque ou des répertoires plus anciens, comme celui de Lassus dont cet enregistrement nous donne plusieurs exemples.

Lambert Colson, infatigable chercheur, nous apprend ainsi que le cornet muet est souvent utilisé dans sa tessiture la plus aiguë, n'hésitant pas à octavier la partition pour offrir un dialogue céleste avec la voix de soprano. C'est le cas dans les petits motets de Thomas Selle où la voix lumineuse d'Alice Foccroulle se mêle aux arabesques du cornet. Car le musicologue est avant tout un très fin musicien, magnifique interprète de cet instrument d'une si grande sensualité. Et pour son ensemble InAlto en grand effectif, il sait s'entourer des meilleurs, tant vocalement qu'instrumentalement, comme nous l'avions déjà souligné lors de la sortie de son Teatro spirituale en 2019.

Ici, le programme s'ouvre sur un splendide madrigal à double chœur de Gabrieli, Udite chiari e generosi figli, pour rappeler l'origine vénitienne de ces répertoires. Le chœur des Tritons dialogue avec celui des Néréides pour évoquer les épousailles de Venise et de la mer lors de la fête de la sensa. Le motet Siehe wie fein d'Heinrich Schütz est un sommet d'expressivité colorée par les diminutions du cornet. Dans le Magnificat de Georg Otto, nous entendons un dialogue entre trois chœurs : trois sopranos et deux violons d'un côté, trois cornets muets qui accompagnent un ténor, trois sacqueboutes et un autre ténor pour le chœur le plus grave. L'impression de spatialité est magnifique. Une pièce joyeuse d'Augustinus Kertzinger fait dialoguer Marie et un pécheur sur fond de ritournelle instrumentale. On découvre aussi deux courtes danses instrumentales composées par le landgrave Moritz lui-même, sous forme d'hommages à des personnes de son entourage. Et le programme s'achève sur le grand motet à trois choeurs Erhalt uns Herr bei deinem Wort de Michaël Praetorius, qui réunit tout l'effectif dans une chatoyante fresque sonore. Une nouvelle fois, l'ensemble InAlto brille au firmament de la nouvelle génération baroque.