La Néréide, trois voix pour le répertoire baroque français le plus intime à l’Opéra de Nancy
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Nancy. Opéra. 26-IX-2024. Du Parc (actif à la fin du XVIIe siècle) : Je ne sais pas ce que je sens ; Louis-Nicolas Clérambault (1676-1749) : Miserere ; Michel Lambert (vers 1610-1696) : J’ayme, je suis aimé ; Honoré d’Ambruis (vers 1660-après 1702) : Lorsqu’avec une ardeur extrême ; Michel de La Barre : Quand une âme est bien atteinte, Sombres déserts, Laissez-moi soupirer ; Jean-Baptiste Lully : Bois, ruisseaux, aimable verdure ; Jean-François Lalouette : Miserere ; Sébastien Le Camus : Je m’abandonne à vous. La Néréide (Julie Roset, Camille Allérat, Ana Vieira Leite, sopranos ; Emmanuel Arakélian, orgue ; Salomé Gasselin, viole de gambe ; Gabriel Rignol, théorbe et luth)
Hormis des réserves dans l'interprétation, les trois chanteuses et fondatrices de l'ensemble La Néréide présentent un répertoire rare avec passion et style.
Pour les défenseurs autoproclamés de la musique française qui dépensent leur énergie à défendre jusqu'au plus petit maître du XIXᵉ siècle, le répertoire baroque bien plus intéressant présenté par le jeune ensemble La Néréide semble ne pas même exister. Parmi le vaste répertoire des petits motets, si éloignés dans leur simplicité et leur expressivité immédiate de la pompe curiale des grands motets mieux explorés aujourd'hui, les musiciennes ont choisi deux Miserere, celui de Clérambault déjà connu au disque par un enregistrement de Vincent Dumestre, et celui de Jean-François Lalouette, un disciple de Lully qui publie en 1726 un recueil imprimé dont fait partie ce Miserere.
Ces deux motets sont encadrés par une sélection d'airs de concert, pour la plupart destinés à des solistes ; seul Laissez-moi soupirer de Michel Lambert permet, à la fin du programme, de trouver les trois chanteuses ensemble, comme elles avaient ouvert le programme par un air d'un certain M. Du Parc, destiné à une seule voix mais ici chanté à trois. Cette union du sacré et du profane donne au concert son titre, Le cœur et la raison, qui explique que les airs choisis ne soient pas parmi les plus licencieux de ce répertoire, et il a le mérite de montrer les circulations musicales entre les deux répertoires, notamment sous la forme de parodies, dans le sens strict d'adaptation d'une musique profane à des paroles sacrées ou, comme ici, l'inverse.
Les trois sopranos (Julie Roset, Camille Allérat et Ana Vieira Leite) sont accompagnées par trois instrumentistes pour la basse continue, au théorbe, à la viole de gambe et pour les motets à l'orgue : il s'agit bien ici d'accompagnement, car le travail discret et probe des instrumentistes ne sort jamais de ce rôle, et un peu plus d'invention ne nuirait pas. Le point faible du concert est dans l'inégalité entre les trois voix, encore plus nette dans les airs de cour où les trois chanteuses se succèdent. Ce n'est pas que l'effet d'une méforme : la discordance s'entend aussi sur leur premier disque consacré à Luzzaschi (Ricercar, 2023). Il faut espérer pour la pérennité de cet ensemble à la méritoire curiosité qu'une solution sera trouvée pour combler ce déséquilibre. Par l'intérêt de la démarche, l'originalité des répertoires explorés, la probité stylistique dont les deux premiers programmes de l'ensemble font preuve, il mérite un long avenir.
Crédit photographique © Jean-Baptiste Millot
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