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Musique et politique avec Sarhan et Rzewski à Musica

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Strasbourg. Festival Musica du 21 au 22-IX-2024
21-IX-2024. Taps-Scala. François Sarhan (né en 1972) : Les Murs meurent aussi, théâtre musical ; dramaturgie, traduction et sous-titrage, Maria Buzhor ; costumes, Lea Søvsø ; son, Camille Lézer ; direction technique et lumières : Eric Slunecko ; performance : Daniel Agi, Janina Ahh, Maria Buzhor, Julia Lwowski. United Instruments of Lucilin.
21-IX-2024. Église Saint-Paul. Rewire#2 ; Orphax ensemble ; Thomas Ankersmit ; Grand River, Abul Mogard
22-IX-2024. Salle Ponnelle. Frederic Rzewski (1938-2021) : The People united will never be defeated, pour piano. Ralph van Raat, piano

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L'imagination comme essentiel ressort de l'apprentissage par l'humour : elle est féconde chez , un artiste, pluridisciplinaire s'il en est, mis à l'honneur de l'édition 2024 de Musica avec plusieurs œuvres en création et une exposition à découvrir dans les locaux du QG du festival.

Compositeur, performeur, vidéaste et metteur en scène basé à Berlin, est aussi l'auteur inspiré d'une Encyclopædia glaçonnica ; prévue en 12 volumes (trois sont déjà parus), l'ouvrage collectif et richement documenté relève d'une « musicologie parallèle » que supervise le professeur Glaçon, alias . Il faut aller voir L'épicerie solitaire à l'Ancienne poste, place de la cathédrale de Strasbourg (du 13 septembre au 3 octobre) pour y découvrir l'univers visuel de l'artiste dont le désir est de renouer avec le savoir « authentique » : mobilier de carton, collages en tous genres, papiers peints recyclant les images de son encyclopédie avec des QR codes renvoyant à des musiques en lien avec ce que l'on voit : un monde foisonnant et subversif, issu d'une imagination hors norme qui ne cesse d'interroger.

Un objet artistique protéiforme

Être grave, rester léger : c'est un peu l'esprit qui traverse la nouvelle création scénique de François Sarhan, Les Murs meurent aussi. Le propos est d'actualité, celui des guerres en Ukraine, en Palestine et des murs qu'on érige et qui séparent. Le scénario prend la forme d'une enquête comme Sarhan aime les mener, sur fond de documentaire, en multipliant les langues (anglais, ukrainien, arabe, allemand, et français) et en allant chercher des témoignages sur le terrain : où l'imaginaire est toujours à l'œuvre et l'ambiguïté maintenue entre le vrai et le faux. Comme cette première scène (clip vidéo) plutôt drôle, vue sur l'un des deux écrans qui surplombent le plateau, où l'on nous vante les vertus d'un dispositif développé par la société israélienne Elbit Systems sous le nom de Music, destiné à protéger les avions contre les missiles. Les tableaux s'enchaînent d'une vidéo à l'autre, d'Ukraine où des militaires s'exercent au déminage des terres de Mykolaiv, à la Russie où le mur de l'hôpital psychiatrique à l'intérieur duquel le chanoine iakoute Alexandre Gabychev est retenu après avoir tenté d'exorciser Vladimir Poutine.

 

Les cinq instrumentistes du United Instruments of Lucilin, Winnie Cheng (violon), Danielle Hennicot (alto), Pascal Meyer (clavier) et Guy Frisch (percussions), co-commanditaires de l'œuvre, sont installés sur le plateau aux côtés de quatre performeurs (Daniel Agi, Janina Ahh, Maria Buzhor et Julia Lwowski) qui s'expriment au micro, chantent, dansent et manipulent une pièce de tissu imitant un mur. Toujours présente, qui s'adapte à chacun des contextes, la musique ouvre grand l'éventail stylistique, de l'air de cabaret à la chanson pop et l'improvisation jazz.

Elle est souvent en phase avec le texte qui est dit et à partir duquel Sarhan a tressé sa partie instrumentale qui colle au rythme de la narration. Très sollicités, les musiciens ne font pas que jouer, participant eux-aussi, avec plus ou moins de bonheur, aux récits et témoignages. L'attention est toujours sollicitée et le rythme habilement soutenu pour assurer les transitions et réamorcer les situations. Ni salut, ni applaudissement dans cet objet artistique sans bord, un rien foutraque mais qui percute, où la musique continue d'irriguer l'espace scénique après la fin de l'histoire, retenant, ou pas, le spectateur sur son siège…

Thème et variations

Au programme du récital du pianiste et musicologue néerlandais , dans la Salle Ponnelle bondée ce dimanche matin, une œuvre culte du compositeur et pianiste américain (1939-2021), trop peu joué en France. Ancien élève d'Elliott Carter et de Luigi Dallapiccola, il a été de toutes les révolutions, dans sa manière de jouer, d'écrire de la musique et dans les sujets engagés qu'il a choisis de traiter. Reprenant le chant révolutionnaire chilien The People united will never be defeated (1975), sa pièce pour piano la plus célèbre est une commande passée au compositeur pour fêter le bicentenaire de l'indépendance des États-Unis ; elle cache en fait un hommage à Salvador Allende et une critique de l'attitude des USA face au coup d'état meurtrier de Pinochet.

 

aborde l'œuvre (une heure de musique) sans partition, avec un engagement et une aisance du geste qui d'emblée captivent l'écoute. Après le thème exposé, Rzewski déroule 36 variations, avec la ferme intention « de tout dire avec un piano », en embrassant tous les styles et toutes les époques : de Bach (et ses Inventions) à Stockhausen (modes d'attaques) en passant par la combinatoire sérielle (espace éclaté), le piano jazz et les généreuses paraphrases lisztiennes. Le thème y est étiré, fragmenté, désarticulé, métamorphosé, pulvérisé, etc., qui refait surface à certains points stratégiques du parcours. La performance de est prodigieuse, la digitalité rayonnante et la conduite magistrale qui autorise cette anticipation du geste sans effet de manche, avec un contrôle et une écoute du son qui nous comblent.

Un appétit pour le bruit

En nocturne, le second volet de la carte blanche au festival Rewire invite les fans de l'électro dans l'église Saint-Paul et son décor de lasers bleus. Entre (alias Sietse van Erve), et son trio acoustique, et le flux ambiant de Grand River et Abul Mogard, le virtuose et son synthétiseur modulaire Serge tiennent la scène avec un projet inédit révélé à Musica. Avec une obsession pour le concert live et le haut degré de tension qui en résulte, façonne le son en temps réel, dans le détournement créatif des outils qu'il utilise et une attention toute particulière à l'espace dans lequel les sons résonnent : précision, clarté, pureté du signal et sophistication des contrôles… Il y a quelque chose de sauvage, un appétit pour le bruit, le chaos et les turbulences dans l'univers sonore d'Ankersmit que l'on pouvait apprécier dans le noir et en position allongée, ce samedi soir après minuit.

Crédit photographique : © Thaïs Breton

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