Benjamin Alard : Acte 9 de son intégrale Bach pour le clavier

Pour son nouveau volume (n° 9) consacré à l'œuvre intégrale pour clavier de Johann Sebastian Bach, Benjamin Alard a réuni quelques amis chambristes, autour du mythique clavecin historique à trois claviers de Hyronymus Hass. 

Le présent coffret de deux CD poursuit cette incroyable aventure dans laquelle nous entraine depuis plusieurs années Benjamin Alard. Le titre de cet album n° 9 nous éclaire sur une période heureuse dans la vie de Bach, celle où il fut musicien à Köthen à la cour du jeune prince Léopold d'Anhalt-Coethen. Laissant avec soulagement ses fonctions à Weimar, Bach devient Maitre de chapelle, une période riche en nouvelles compositions.

L'intérêt majeur de ce volume, outre la musique et la grande qualité des interprètes, c'est la présence et la mise en valeur d'un instrument hors du commun et unique au monde : le clavecin à trois claviers du facteur hambourgeois Hieronymus Albrecht Hass qui construisit cet instrument en 1740. L'intérieur du couvercle du clavecin comporte une peinture allégorique représentant l'instrument lui-même présenté peut être à une reine par deux personnages. Tableau énigmatique qui dans tous les cas montre combien l'existence même que ce trésor pouvait représenter en terme d'évènement exceptionnel dans le monde de la musique d'alors.

Le programme débute avec la célèbre Fantaisie chromatique et fugue en ré mineur. Cette œuvre virtuose et tourmentée fut sans doute écrite à la suite de la disparition de sa femme Maria-Barbara. Benjamin Alard en offre une version rutilante, faisant briller les qualités exceptionnelles du clavecin de Hass : pas moins de cinq jeux de cordes dont un fameux jeu grave de 16 pieds (accordé une octave en dessous) et un autre dit de Nasal au son très particulier et inhabituel. Viennent ensuite trois Suites anglaises n° 3, 5 et 6, mettant une nouvelle fois en valeur toutes les ressources incroyables d'un tel clavecin. On s'attardera sur certaines danses dont les Gavottes I et II de la Suite n° 6 en ré mineur, une musique jubilatoire que Benjamin Alard magnifie au plus haut point et que l'on pourra écouter en boucle, en une démarche incantatoire. Un Concerto en Ut majeur BWV 984 pour clavier initialement pour le violon, de la plume même du prince de Saxe-Weimar rend hommage à ce mécène des arts dont Bach fut au service dans la période de Köthen. Le premier mouvement se retrouve également dans une autre transcription de Bach pour orgue seul (BWV 595).

Laissant le clavecin solo, Benjamin Alard place avec ingéniosité deux œuvres chambristes dont le célèbre Concerto brandebourgeois n° 5. La formation orchestrale présentée ici comprend un instrument unique par partie : un quatuor à cordes et une flûte. Le clavecin lui, s'équilibre naturellement avec ce petit orchestre de chambre, il y tient une partie soliste des plus développée et ses divers jeux de cordes contribuent largement à l'épanouissement sonore de cette version. On reste ébloui par la longue cadence du premier mouvement où Bach exprime une virtuosité délirante doublé d'un modernisme confondant. La Cantate « Amore Traditore » BWV 203 fait partie des œuvres vocales dites profanes. Son authenticité a parfois été mise en doute, mais elle demeure une œuvre attrayante basée sur le modèle de la cantate à l'italienne. L'atmosphère intime de cette composition est remarquablement traduite par la voix raffinée du baryton Marc Mauillon. Le dernier mouvement est un air dialogué à part égales entre le soliste et le clavecin.

Ce neuvième coffret apporte à cette intégrale en devenir une nouvelle pierre précieuse aux diverses facettes que l'interprétation ensoleillée et savante de Benjamin Alard fait scintiller de mille feux. Chaque volume représente une découverte unique dans la discographie de ces œuvres déjà très enregistrées. L'univers musical des claviers de Bach continue de nous étonner et de nous émouvoir.

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