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Tristan Murail (né en 1947) : Le Partage des eaux pour grand orchestre (1995), Terre d’ombre pour grand orchestre et sons électroniques (2003-2004). Orchestre national de France ; Alexandre Bloch, direction (Le Partage des eaux). Informatique musicale : Camille Giuglaris (CIRM). Orchestre philharmonique de Radio France ; Péter Eötvös, direction (Terre d’ombre). Enregistré à Radio France : le 12 février 2022 au Festival Présences (Le Partage des eaux) et en décembre 2006 (Terre d’ombre). 1 CD Radio France/Festival Présences, collection Signature. Notice de présentation en français et anglais. Durée : 45:10.

 
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Le Partage des eaux et Terre d'ombre de empruntent chacune des modèles sonores issus de la Nature pour mieux servir une alchimie du timbre orchestral. Deux œuvres comme deux poèmes symphoniques et deux manifestes de la musique spectrale, centrée sur le flux, la transformation et l'attente, mais suivant une direction elle-même mouvante. Le premier disque de la collection « Festival Présences » !

En 2022, Radio France rendait hommage au compositeur en lui consacrant son Festival Présences : « , un portrait ». L' était dirigé par . De cette édition date l'enregistrement du Partage des eaux (1995). Ainsi qu'il l'explique dans le livret, le musicien s'est inspiré du bruit des vagues se brisant sur la grève pour écrire cette partition. Pourquoi ? Non pour engendrer une esthétique impressionniste, mais pour exploiter l'analyse acoustique de cette déflagration aquatique, laquelle fournit le matériau innervant l'ouvrage. Assez souvent d'ailleurs, ses titres se réfèrent au monde élémentaire (Les Neiges d'antan, Cailloux dans l'eau, Paludes, Le Lac, Bois flotté, Winter Fragments…), comme s'il s'agissait de celui de l'enfance, dont il ne nous reste que des instantanés. Ce ressac, un double arpège ascendant-descendant très rapide et resserré d'un son de synthèse imitant le vibraphone, reviendra à plusieurs reprises, ainsi qu'un îlot de mémoire pour l'auditeur. Cette chute est suivie d'un faux silence, si l'on peut dire, puisque ne se perçoit plus que le seul filet sonore d'un son de synthèse évoquant lointainement une harmonique jouée au violon. Ce trait tiré horizontalement reviendra à plusieurs reprises, tel un fil tendu – autre trace sensible mémorielle. Aussi, dès le début, la musique de Murail se distingue-t-elle par son chatoiement (à noter que les sons synthétiques sont complètement intégrés à l'orchestre), sa force dramatique (un grand sens de la surprise et de la progression) et sa capacité à émouvoir, à charmer (beauté des timbres). La mer, principe en mouvement, c'est donc métaphoriquement le son ici, un son en perpétuelle transformation, et l'on entend tout au long de la pièce la nette opposition entre, d'un côté, la « danse » aérienne des flûtes (4 au total), parfois associées à la harpe, ou des cordes, voire d'un violon solo qui tout d'un coup s'échappe (Murail pensait alors à Richard Strauss), et, de l'autre, le fracas des graves de la masse orchestrale (3 bassons, 6 cors, 4 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, 10 violoncelles, 8 contrebasses et 4 percussionnistes), comme venu des profondeurs océaniques. Dialectique d'une pneumologie s'intéressant à un processus incessant qui renaît de ses ruptures. Une œuvre tout à fait passionnante et envoûtante.

La version de Terre d'ombre pour grand orchestre et sons électroniques (2003-2004) est celle de l' et de , enregistrée fin 2006 à Radio France. Le morceau dure quelque 20 minutes, à l'instar du précédent. Il se distingue de ce dernier par une recherche plus affirmée encore de la couleur, laquelle exploration, quasi-infinie, devient le moteur du processus, voire son unique raison d'être. Couleur rendue insolite par l'accord des instruments à vents un quart de ton au-dessous de l'accord traditionnel. Le titre de la pièce pourrait se comprendre comme la révolution de la planète Terre – musicalement la planète orchestre –, qui fait alterner l'ombre et la lumière. On sent effectivement comme une rotation où tous les événements s'enchaînent naturellement. C'est un combat fascinant qui repose sur l'alternance de tensions et de détentes, également (encore ici) de tutti quelquefois retentissants et d'escapades solistes, ici le violoncelle – instrument qui par son timbre propre ajoute une touche méditative – , le piano, la flûte. Un combat interne à l'orchestre, tous les instruments y étant en quelque sorte fondus, comme cela est sensible lorsque les notes d'un même motif sont confiées à plusieurs instruments successifs. De même, l'électronique, en temps réel, s'insère dans le tissu orchestral, pour « enrichir les trames sonores », « préciser les intonations » ou « combler les vides de l'orchestre », selon les mots du compositeur. Un combat absolument virtuose, enfin, que le Philhar' et son chef livrent avec toute la force et la sensibilité requises. Une seconde œuvre magnétique qui emporte irrésistiblement.

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Tristan Murail (né en 1947) : Le Partage des eaux pour grand orchestre (1995), Terre d’ombre pour grand orchestre et sons électroniques (2003-2004). Orchestre national de France ; Alexandre Bloch, direction (Le Partage des eaux). Informatique musicale : Camille Giuglaris (CIRM). Orchestre philharmonique de Radio France ; Péter Eötvös, direction (Terre d’ombre). Enregistré à Radio France : le 12 février 2022 au Festival Présences (Le Partage des eaux) et en décembre 2006 (Terre d’ombre). 1 CD Radio France/Festival Présences, collection Signature. Notice de présentation en français et anglais. Durée : 45:10.

 
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