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Recréation de la Symphonie n°5 de Mahler par Philipp von Steinaecker

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 15-IX-2024. Présentation des instruments d’époque par Christian Merlin, avec réalisation vidéo de John Blanch – JBP Films. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 5 en ut dièse mineur. Mahler Academy Orchestra, direction musicale : Philipp von Steinaecker

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Dans le cadre d'un week-end « Mahler Perspectives » organisé par la Philharmonie de Paris, cherche à retrouver avec le les sonorités de la création de la Symphonie n°5.

Violoncelliste dans sa jeunesse au Jugendorchester, puis membre fondateur du Mahler Chamber Orchestra créé par Claudio Abbado, s'est formé à la direction avec le chef italien et continue aujourd'hui ses recherches musicologiques autour du génie autrichien. Dans le cadre d'un week-end « Mahler Perspectives » débuté le vendredi à la Cité de la Musique par la Symphonie n° 4 dans une nouvelle version pour ensemble, et achevé le lundi avec la Symphonie n° 1 par le LSO et Pappano, von Steinaecker s'intègre le dimanche avec le pour interpréter « sur instruments de la création » la Symphonie n° 5.

Comme pour la Symphonie n°9 sortie tout récemment au disque, part du principe que le son a évolué depuis un siècle et qu'il faut finalement revenir à des instruments d'époque pour retrouver les couleurs originelles recherchées par Mahler. Cependant et comme notre confrère, nous avouons rester un peu dubitatif sur cette proposition, car si les travaux des musicologues ont définitivement permis de retrouver les sonorités de la période baroque, occultées largement ensuite par la période romantique, la démonstration pour cette musique du siècle passé, même après vingt-cinq minutes d'un exposé chaleureux par , ne convainc que moyennement. Certes, on nous présente avec plaisir la clarinette basse utilisée pour la création du Tristan de Wagner, puis Giorgio Mandolesi, le basson solo de l'Orchestre de Paris, nous amuse avec ses multiples blagues pour montrer que son basson ancien a plus de couleur que celui qu'il joue tous les jours, mais le travail de Steinaecker oublie certains points, à commencer par la technique de jeu actuelle, et l'acoustique des salles modernes.

Pendant plus de cinq minutes, le timbalier du Mariinsky, Gleb Logvinov, nous démontre la netteté des timbales en peau de chèvre, sur lesquelles il frappe avec des baguettes en bois ou en cuir, quand on utilise majoritairement aujourd'hui du feutre sur des « peaux » en nylon. Mais quoique l'on fasse, les écoles modernes n'apprennent plus aux musiciens à jouer de la même façon qu'il y a cent ans, ce que l'on entend immédiatement dans les attaques des cordes. Et puis nous sommes dans une Philharmonie toute neuve, alors qu'il faudrait entendre le résultat du (amalgame d'une centaine de musiciens de tous horizons, à l'instar des formations d'été que sont le Lucerne Festival Orchestra ou le Bayreuther Festpiele Orchester), dans une salle ancienne. D'ailleurs, nous avions d'abord prévu d'aller écouter cette recréation de la Symphonie n° 5 deux jours plus tôt à Cologne, là où elle a été créée par Mahler, mais même là-bas, c'est à la Kölner Philharmonie que l'ensemble a préféré jouer, plutôt que dans la salle du Gürzenich juste à côté, véritable lieu de la création.

On reste donc sur un parfum d'inabouti, même si le travail musicologique est allé jusqu'à la révision de la partition, jouée à présent sur une nouvelle édition de Breitkopf, à paraître en 2025 Les modifications non-précisées pendant la présentation montrent cependant par les nombreux portamentos entendus pendant l'interprétation qu'elle utilise très certainement les retouches au crayon à papier annotées par Mahler sur la partition de la création, consultable à la Bibliothèque La Grange-Fleuret. Avant de diriger, Philipp von Steinaecker nous explique encore revenir au plus proche de la création par des tempi différents, notamment ceux de l'Adagietto, proposé en neuf minutes, quand « les enregistrements vont de onze à seize minutes ». Mais finalement, après une heure et dix minutes, c'est-à-dire une partition interprétée à la vitesse moyenne entendue ces dernières années, nous retrouvons surtout ce que l'on peut entendre par exemple dans l'enregistrement d'Hermann Scherchen avec le Wiener Staatsoper pour Westminster en 1952 (avec un Adagietto de 9:15), ou dans celui de Bruno Walter en 1947 avec le New-York Philharmonic (et son Adagietto en 7:34), c'est-à-dire un son un peu différent des propositions modernes, mais existant par les premières versions gravées de l'ouvrage.

Tendue, l'interprétation profite de la magistrale introduction du trompette solo des Berliner, Guillaume Jehl. Au troisième mouvement, le cor solo du Tonkünstler Orchester Wien, Jonas Rudner, magnifie tout autant sa partie en venant se placer comme demandé par Mahler sur le devant de la scène, juste à côté du chef. Pour le reste, les cordes ressortent différemment surtout dans les pizz, tout particulièrement les contrebasses, car le jeu des musiciens ressemble plus à celui des orchestres actuels qu'à celui des formations allemandes et autrichiennes des enregistrements de la première moitié du siècle passé, aux attaques très franches. Vu comme une lettre d'amour, l'Adagietto y gagne à être dénué de vibrato au début, celui-ci utilisé seulement à la fin donnant une saveur particulière à la coda, tandis que le Rondo-Finale démontre que l'utilisation de bois anciens permet de superbes couleurs dans les piani, mais noie ces mêmes instruments dans la masse lors des forte.

En conclusion, le travail minutieux de Philipp von Steinaecker permet par son retour aux sources de retrouver des moments inédits par rapport aux interprétations récentes. Il bénéficie en plus d'un orchestre extrêmement bien préparé, passionné et concentré comme pouvait l'être le Lucerne Festival Orchestra sous Abbado, mais sans toujours trouver la même force et procurer les mêmes émotions que les grandes interprétations récente du chef-d'œuvre mahlérien.

Crédits photographiques : © ResMusica

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