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À l’Échangeur de Bagnolet, Ensemble(s) pour défendre la création

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Bagnolet. Théâtre de l’Échangeur. 18-IX-2024 . Festival Ensemble(s). Sarah Nemtsov (née en1980) : Exercice pour deux flûtes ; Moos, pour 13 musiciens et électronique. Tobias Feierabend (né en 1994) : Shreds pour ensemble et électronique (CM) ; José Manuel López López (né en 1956) : Angle mort, pour trois solistes et ensemble (CM) ; George Friedrich Haas (né en 1953) : AUS.WEG, pour huit instruments. Fanny Méteier, tuba solo ; Santiago Qintans, guitare électrique ; Fanny Vicens, accordéon ; musiciens issus des cinq ensembles, Court-Circuit, Sillages, Multilatéral, 2e2m et Cairn, direction : Guillaume Bourgogne, Léo Margue, Gonzalo Bustos et Jean Deroyer

Le Théâtre de l'Échangeur à Bagnolet était plein à craquer pour ce premier concert du festival Ensemble(s) retransmis en direct sur France Musique. Cette manifestation de rentrée très attendue par les aficionados de la musique d'aujourd'hui invite cette année l' de Strasbourg, une sixième phalange pour célébrer, ensemble, la vitalité de la création.

Parmi les bonnes habitudes du festival, qui en est à sa cinquième édition, il y a celle de préluder la soirée avec de jeunes interprètes en cours d'étude. Flûtistes au Conservatoire à Rayonnement Régional d'Aubervilliers, et jouent ensemble, et superbement, Exercice, une pièce tout en finesse de l'Allemande où les sonorités se frôlent au quart de ton près avant de fusionner.

Rituellement, toujours, la première soirée du festival fait converger les musiciens des cinq ensembles (2e2m, Court-Circuit, Cairn, Multilatérale et Sillages) ainsi que leur chef respectif au sein de pièces de grands formats qui sollicitent les ressources de chaque formation. Ainsi Moos de Nemtsov invite-t-elle sur le plateau treize musiciens sous la direction de . L'œuvre met sur le devant de la scène la percussionniste en phase avec un dispositif électronique qui lui permet de contrôler ses propres instruments (peaux et métaux) et ceux qui sont placés à côté de ses partenaires. Elle a elle-même des capteurs sur les mains générant du son en fonction de ses gestes. Dans Moos (Mousses), la compositrice écrit la matière qu'elle nous fait appréhender, presque toucher, dans un espace en 3D. Lisses ou rugueuses, les morphologies sonores s'étirent dans le temps ou se rétractent, matière vivante qui se transforme et dont l'expérience d'écoute allie étrangeté et poésie sonores.

Comme pour Moos, l'électronique et la guitare électrique sont convoquées dans Shreds (Lambeaux), une pièce très attachante de que dirige . Elle est composée en 2019 alors que le compositeur est encore étudiant au CNSMD de Paris. Dans Shreds, la guitare électrique () sonne sans amplificateur, traitée/filtrée directement par le logiciel électronique qui en magnifie la sonorité : écriture du temps, qui fluctue, et de l'espace où textures fragiles et résonances lointaines (celle d'une berceuse, nous dit le compositeur) confinent à la méditation et au rêve.

Donnée également en création mondiale sous la direction de , Angle mort de l'Espagnol José Manuel López López est une pièce qui s'inscrit dans le projet de son futur opéra. L'ouvrage évoquant des figures géométriques est inspiré par le roman de science-fiction Flate Land de l'Anglais Edwin Abbott qui était aussi géomètre. L'imaginaire sonore du compositeur est à l'œuvre pour conférer à cette pièce d'une quinzaine d'instruments une envergure quasi orchestrale. Trois solistes sont sur le devant de la scène ( à l'accordéon, à la guitare électrique et au tuba) incarnant respectivement trois personnages de l'opéra, le poète qui voyage, sa femme et le représentant du pouvoir politique et religieux. Les parties solistes sont virtuoses (les prouesses aiguës du gros instrument fascinent!) et la dramaturgie sonore dûment maîtrisée, engageant une plénitude et une vitalité du timbre étonnantes. Dans cette soirée placée sous l'angle de la notation, la création d'Angle mort s'accompagne d'une vidéo donnant à voir les esquisses et la partition manuscrite du compositeur (le déploiement gigantesque de l'écriture surtout) où s'exerce la complexité des strates temporelles recherchée par López López qui, au micro d'Arnaud Merlin, nous parle de « polyphonie du temps ».

L'effectif est réduit à huit instruments (sous la direction de ) dans AUS.WEG de l'Autrichien , une œuvre de 2010 qui referme idéalement ce premier concert dans la douceur et l'apaisement. Le titre en majuscule met l'accent sur l'ambiguïté du mot Weg, tour à tour « chemin », « aller » ou s'écarter (aus Weg). C'est le piano de qui conduit, dont les sonorités sont diffractées par l'ensemble, dans une première partie d'une belle fluidité ; s'entendent, dans une sensibilité microtonale, des alliages de timbre rares qui en soulignent l'étrangeté. Un fouet claque puis les cloches tubes résonnent, amorçant une seconde partie plus hiératique, nourrie par les traits ascendants des piano, marimba et flûte () en synchronie. La séduction des timbres opère – celui du hautbois baryton de – et la richesse des spectres sonores déployés invite à une écoute contemplative jusqu'à la fin de la pièce.

Le festival court jusqu'au 22 septembre, au rythme de deux concerts par soirée pour chacune des six phalanges concernées.

Crédit photographique : © Festival Ensemble(S)

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Bagnolet. Théâtre de l’Échangeur. 18-IX-2024 . Festival Ensemble(s). Sarah Nemtsov (née en1980) : Exercice pour deux flûtes ; Moos, pour 13 musiciens et électronique. Tobias Feierabend (né en 1994) : Shreds pour ensemble et électronique (CM) ; José Manuel López López (né en 1956) : Angle mort, pour trois solistes et ensemble (CM) ; George Friedrich Haas (né en 1953) : AUS.WEG, pour huit instruments. Fanny Méteier, tuba solo ; Santiago Qintans, guitare électrique ; Fanny Vicens, accordéon ; musiciens issus des cinq ensembles, Court-Circuit, Sillages, Multilatéral, 2e2m et Cairn, direction : Guillaume Bourgogne, Léo Margue, Gonzalo Bustos et Jean Deroyer

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