L’émotion des mélodies de Fauré et la majesté de la Symphonie n° 8 de Bruckner à Royaumont
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Abbaye de Royaumont. 15-IX-2024 (11heure 30). Gabriel Fauré (1845-1924) : L’horizon chimérique, Poème d’un jour, mélodies. Johannes Brahms (1833-1897) : Deux lieder. Robert Schumann (1810-1856) : Liederkreis. Stéphane Degout (baryton), Alain Planès (piano).
15-IX-2024 (15heure 30). Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonie n°8 en ut mineur (version originale de (1887). Orchestre des Champs Elysées, direction musicale : Philippe Herreweghe.
Dans les bâtiments conventuels qui subsistent de l'ancienne abbaye royale de Royaumont, l'enchaînement des mélodies de Fauré superbement chantées par Stéphane Degout et de la grandiose Symphonie n° 8 de Bruckner dans sa rare rédaction originale de 1887 sous la baguette de Philippe Herreweghe a célébré fastueusement les anniversaires de ces deux grands maîtres.
Pour le deuxième week-end du festival de Royaumont en cette année du soixantième anniversaire de la fondation, les deux concerts du dimanche 15 septembre nous mènent « de la ligne mélodique à la matière symphonique » autour de deux compositeurs dont on fête également les anniversaires.
Le matin, dans la bien nommée salle des charpentes, Stéphane Degout organise son programme autour de Fauré, mort en 1924 : diction parfaite délivrant toute la magie des textes admirablement choisis par le compositeur, ceux de Verlaine au premier plan, soutenu par le piano raffiné d'Alain Planès sur un superbe Steinway (sans doute préférable au Pleyel ancien retenu pour leur disque récent). L'émotion qui affleure et point sous la réserve nous étreint avec pudeur et élégance certes, mais intensité. On passera sur les deux lieder de Brahms, plus ternes, pour insister sur le Liederkreis de Schumann, dont Stéphane Degout ne rend pas toute l'amertume issue des textes de Heine, sa pudeur le retenant d'aller au fond de l'âme comme le fait Schumann lui-même. Dans le septième lied « Berg' und Burgen schaun herunter » se trouvent les vers prémonitoires « Par un salut amical, plein de promesses, La splendeur du fleuve vous attire vers en bas ; Mais je le connais : lisse et brillant au dehors, Au-dedans, il recèle la mort et la nuit »…
L'après-midi, dans le réfectoire des moines l'orchestre des champs Elysées avait programmé la Symphonie n° 8 de Bruckner né, lui, en 1824. Philippe Herreweghe a choisi la rare version originale de 1887. Refusée par le chef Hermann Levi qui aurait dû la créer, elle fut remaniée en profondeur par Bruckner pour donner la version de 1890 que tous la plupart des grands chefs et leurs orchestres retiennent en général. Les différences sont notables, constantes en ce qui concerne l'orchestration (un peu moins fournie qu'en 1890 mais surtout s'écartant souvent de la seconde version et faisant une plus grande place au violon solo), et même les développements de chaque mouvement. Le plus immédiatement identifiable est l'existence d'une coda fortissimo pour le premier mouvement, juste après le pianissimo par lequel s'achève la rédaction définitive, un autre trio du scherzo, totalement réécrit en 1890, la tonalité du sommet de l'adagio avec ses six coups de cymbales, la conclusion plus wagnérienne de ce mouvement lent, enfin la coda finale sans l'inoubliable unisson conclusif. Philippe Herreweghe qui s'était confié dans une rencontre avec le public sur son amour de Bruckner choisit des tempos plutôt vifs, mais avec toujours un sens de l'architecture et de la tension d'une grande cohérence. Dommage que l'acoustique du réfectoire des moines soit, comme souvent dans les architectures sacrées aux voûtes en ogive un peu trop enveloppante, avec une masse des cuivres souvent prépondérante. Il est vrai que la forme de la salle, avec ses deux voûtes parallèles et des piliers centraux ne facilite pas la disposition de l'orchestre : un pilier situé au milieu de l'estrade oblige à masser les cuivres sur la gauche pour éviter que des instrumentistes ne se situent dans l'angle mort de vision du chef. Mais au-delà de ces singularités, reste l'expérience presque unique d'entendre cette symphonie gigantesque, sommet de la symphonie au XIXᵉ siècle sous cette forme inhabituelle, si différente de celle bien connue et cependant aussi authentiquement brucknérienne, dans une lecture d'une profonde humanité culminant dans l'immense et somptueux adagio. Merci au festival de Royaumont et à l'Orchestre des Champs Elysées d'avoir eu l'audace de monter ce chef d'œuvre fascinant.
Crédits photographiques : Récital Stéphane Degout et Alain Planès et Symphonie n°8 d'Anton Bruckner © Fondation Royaumont – François Mauger
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