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GeKiPe, Geste Kinect et Percussion. Sous la direction de Pierre Donat-Bouillud, Aurélien Poidevin, Philippe Spiesser et Didier Robcis (photographies). Éditions L’Œil d’Or, collection « musiques et matières ». 208 pages. 2024. 24€
Qu'est-ce que le GeKiPe ? C'est ce que nous dévoile cet ouvrage luxueux à travers un reportage photographique et la contribution des cinq personnalités à l'origine de ce nouvel outil high tech mis au service de la création audiovisuelle.
Sous la direction du maître d'œuvre et percussionniste Philippe Spiesser, professeur à la Haute école de musique (HEM) de Genève, le projet de recherche Ge (geste) Ki(kinect) Pe (percussion), développé par la HEM de Genève en lien avec l'Ircam et l'association Flashback de Perpignan, regroupe les compétences d'un interprète/percussionniste (Philippe Spiesser), deux compositeurs (Alexander Vert et Pierre Jodlowski), un réalisateur en informatique musicale (José Miguel Fernández) et un vidéaste (Thomas Köppel). Paru dans la collection « musiques et matières » dirigée par Aurélien Poidevin, le livre retrace, en mots et en images (celles du photographe Didier Robcis) l'aventure du GeKiPe, plateforme multimédia menant de la captation du geste au spectacle audiovisuel.
La question du geste musical est à l'origine de ce projet de recherche artistique : « Le postulat de départ », nous dit Philippe Spiesser en dialogue avec Aurélien Poidevin, « était d'imaginer une performance sans instruments grâce à la caméra kinect (caméra infrarouge qui détecte le mouvement) à laquelle s'associent les gants porteurs de capteurs (accéléromètres, gyroscopes et boussoles) que revêt le percussionniste. Ils sont l'œuvre de José Miguel Fernandez, le réalisateur en informatique musicale et compositeur au sein de l'équipe chercheuse : « Les gants avec capteurs servent pour toute la partie fine, les petits mouvements de mains, tous ces mouvements que la kinect n'est pas capable de mesurer », explique-t-il, interrogé par Pierre Donat-Bouillud. Ainsi le son est-il généré par les capteurs qui réagissent aux différentes inclinaisons et simulations d'attaques sur les instruments de percussion virtuels. À la description du geste par le son, le GeKiPe associe sa représentation visuelle en temps réel : « Voir les sons et entendre les images », titre le premier chapitre : « Dans notre projet », précise Philippe Spiesser, « la vidéo (celle de Thomas Köppel) n'allait plus représenter uniquement les différents mouvements sur l'écran, mais allait apporter une dimension poétique en plongeant le public dans différents univers visuels ». « Ce qui m'intéresse le plus […], ajoute le vidéaste suisse, c'est l'immersion, aller beaucoup plus loin là-dedans et aussi peut-être plus dans la 3D ».
Le Silence (2015) d'Alexander Vert est la première pièce réalisée avec le dispositif GeKiPe, utilisant le logiciel Ableton pour la synthèse audio et Max/MSP pour les effets visuels en temps réel : « L'interface, parce qu'elle requiert un travail de plateau ou, pour le dire autrement, parce qu'elle nécessite la mise en place d'une infrastructure de travail collaboratif, se prête à mon intention », souligne Alexander Vert. Sa pièce de trente minutes sera jouée avec Hypersphère, composée la même année, de José Miguel Fernandez (Philippe Spiesser y joue des percussions invisibles grâce à ses pieds, ses bras et ses mains!) au sein du spectacle Sculpt que les artistes font tourner dans le monde entier.
En 2017, le catalogue GeKiPe s'enrichit avec Mad Max de Pierre Jodlowski, utilisant les gants munis de capteurs. La pièce reprend l'imaginaire du film éponyme de George Miller et Byron Kennedy et réintroduit certains instruments de percussion, la grosse caisse notamment, qui participent à la dramaturgie. Œuvre collaborative d'Alexander Vert et José-Miguel Fernandez, Crossing Points (2017), met de nouveau à l'œuvre l'interface, ramenant également sur la scène des instruments, cinq toms aigus et un tom grave dont les frappes déclenchent et contrôlent des sons électroniques. Pour toutes ces pièces, s'est rapidement posée la question de la notation : « Nous avons mêlé nos regards de compositeur et d'interprète », précise Alexander Vert qui opte pour une notation épurée, prenant en compte le geste dans son déploiement spatio-temporel : « Cela conduit à expérimenter le principe d'une “écriture crossover” », conclut-il. « Dans Mad Max », confie Pierre Jodlowski à son interlocuteur Pierre Donat-Bouillud, la partition est singulière car le système de notation que j'ai adopté est à cheval entre un solfège conventionnel et une grammaire faite de schémas et de pictogrammes qui décrivent les gestes ». Le parti pris de l'entretien avec les compositeurs rend le propos toujours vivant et accessible à tous.
Aux clichés pris sur le vif des répétitions et spectacles s'ajoute le reportage en images de la tournée de l'équipe GeKiPe sur la scène internationale durant l'année 2018-2019. Elle part de Genève et va jusqu'à Pékin, en passant par Rome, Saint-Pétersbourg et Moscou. Les photos mêlent différentes qualités d'images tirées artisanalement en mixant deux procédés : le tirage jet d'encre pigmentaire et le procédé historique de la gomme bichromatée qui est l'un des tout premiers procédés de reproduction des photographies.
GeKiPe est avant tout une aventure humaine et un travail collaboratif, fruit d'une avancée technologique dont on mesure les promesses à venir.
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GeKiPe, Geste Kinect et Percussion. Sous la direction de Pierre Donat-Bouillud, Aurélien Poidevin, Philippe Spiesser et Didier Robcis (photographies). Éditions L’Œil d’Or, collection « musiques et matières ». 208 pages. 2024. 24€
Editions L'Œil d'or