Rentrée du National de France avec Julia Fischer et Cristian Măcelaru
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Paris. Maison de la Radio ; Auditorium. 12-IX-2024. Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour violon en ré majeur, op. 77. Julia Fischer, violon. Elsa Barraine (1910-1999) : Symphonie n°2. Claude Debussy (1862-1918) : Images, pour orchestre. Orchestre national de France, direction musicale : Cristian Măcelaru
Le National a fait sa rentrée à l'Auditorium de la Maison de la Radio, et si l'on pouvait attendre beaucoup du Concerto pour violon de Brahms avec Julia Fischer, c'est surtout par les couleurs de la seconde partie que l'on est conquis.
Invitée régulière de l'Orchestre national de France, Julia Fischer reprend cette fois le célèbre Concerto pour violon de Brahms, dans lequel son Guadagnini très porté vers l'aigu prête des timbres et parfois même un style qui rappelle Heifetz ou Kreisler. Cristian Măcelaru l'accompagne sans toujours écouter, la soliste jouant souvent à sa façon, sans vraiment non plus chercher le dialogue avec l'orchestre.
Fischer ne retrouve plus – peut-être aussi en partie à cause d'un manque de ferveur de l'accompagnement – la flamme qu'elle offrait par exemple à cette œuvre avec Yakov Kreizberg, dans son enregistrement de 2007. Pas toujours parfaitement en place, le National se démarque tout de même parfois dans les bois, mais son manque de souplesse, malgré une belle transparence des cordes qui évite de trop épaissir la partition, ne parvient jamais vraiment à rehausser l'Allegro non troppo, dans lequel la cadence de Joseph Joachim semble un peu surfaite. L'Adagio ne trouve de beaux moments que par le violon, aucune émotion ne ressortant de la direction, tandis que l'Allegro giocoso n'est plus enjoué que par son rythme plus soutenu. En bis, Julia Fischer revient à la Sarabande en ré mineur BWV 1004 de Bach déjà donnée en 2020 au TCE, puis au Caprice n°13 de Paganini offert en 2022 après son interprétation du Concerto n°2 de Mendelssohn.
Assise au premier rang invités, la violoniste peut profiter d'une seconde partie dans laquelle la Symphonie n°2 d'Elsa Barraine est une intéressante curiosité. Très rarement interprétée, cette œuvre peut se réécouter grâce au replay du concert sur le site de France Musique, ou sur les plateformes de streaming dans une version de 1952 par Jean Martinon, avec l'ancêtre du National actuel. D'à peine vingt minutes et en trois mouvements, elle rappelle par ses ruptures la musique d'un Honneger, du dernier Stravinsky ou d'un Chostakovich dont la compositrice (gagnante du Grand Prix de Rome en 1929) venait d'entendre quelques mois auparavant la Symphonie n°5. Sous-titrée « Voïna » (« guerre » en russe), cette partition de 1938 évoque les clairs-obscurs relatifs à la période, extrêmement bien mis en avant par l'Orchestre national de France et son directeur musical. Cette fois, aucun problème de mise en place pour une rythmique parfaite, en accord notamment avec la justesse de la caisse claire, qui rappelle à la Marche Funèbre médiane les lentos des symphonies passées et à venir du compositeur russe précité. Moins bien agencé et peut-être trop fracturé, le court Finale casse quelque peu l'effet des deux mouvements précédents, sans remettre en cause la qualité de l'interprétation.
En dernière partie, les Images pour orchestre nous retiennent dans un répertoire français qui convient bien au geste coloriste du chef, moins à l'aise dans le romantisme ou le dramatisme. Gigues en bénéficie particulièrement, d'autant qu'en plus de la luminosité des cordes explose cette fois la beauté du hautbois d'amour d'Alexandre Worms, puis la clarinette de Patrick Messina, encore plus impressionnante par ses attaques au début d'Ibéria. Afin de profiter du flamboyant finale à l'intérieur du triptyque, cette pièce hispanique est d'ailleurs placée en dernier, à l'encontre du désir de Debussy de l'insérer en seconde position (ce qu'avait respecté Krivine pour son superbe enregistrement de 2018 avec l'orchestre), mais à l'habitude de nombreux chefs, qui privilégient aussi son exaltation pour achever l'ouvrage (à l'instar des gravures de Barenboïm avec l'Orchestre de Paris ou de Bernstein avec la Santa Cecilia par exemple).
Très habitué à cette musique, le National s'y montre bien plus dynamique que dans La Mer au printemps dernier, même si Măcelaru passe encore un peu à côté des cadencements des Rondes de printemps, ici placées au milieu du cycle. Il revitalise cependant bien la dernière partie, surtout Les Parfums de la nuit, et la coda du Matin d'un jour de fête. En bis, avant de partir en tournée le lendemain à Dijon et le surlendemain à Besançon, les musiciens donnent un rare Pas des écharpes, tiré du ballet Callirhoé de Cécile Chaminade, à nouveau très coloré et très valorisant pour la petite harmonie.
Crédits photographiques : © Christophe Abramowitz/Radio France
Modifié le 15/09/2024 à 10h56
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