Portrait de Günther Groissböck, ou la solitude de la basse d’opéra

Issu d'un accompagnement de près de deux années, voici un documentaire autour de la carrière, de l'art et de la personnalité de la basse autrichienne Günther Groissböck.

Bien qu'il se soit produit plusieurs fois à l'Opéra national de Paris, Günther Groissböck est beaucoup moins connu en France qu'il ne l'est à New York ou dans les pays de langue allemande. En Autriche notamment, son pays natal, il est un artiste incontournable connu de tous, pilier à la fois de l'Opéra de Vienne et du festival de Salzbourg. Les Bavarois, proches géographiquement de l'Autriche, ont également la chance de le compter parmi les invités réguliers de l'Opéra de Munich et du festival de Bayreuth.

Le présent film documentaire est donc vraiment bienvenu pour les amateurs d'art lyrique désireux de mieux connaître ce valeureux artiste, que la réalisatrice Astrid Bscher a choisi de suivre pendant près de deux saisons d'opéra. On retrouve ainsi, selon un procédé désormais familier des documentaires de la chaîne Arte, Günther Groissböck, dans certains de ses plus grands rôles. On le croise ainsi dans son incarnation de Philippe II de Don Carlo à New York, de Vodnik de Rusalka à Prague, de Kaspar du Freischütz à Amsterdam ou encore du Baron Ochs du Rosenkavalier à Vienne. Le portrait de l'artiste le fait également découvrir au concert ou au récital, ainsi que dans des rôles dans lesquels le grand public l'attendra moins, comme celui de Colline de La Bohème à l'Opéra de Vienne. Particularité des théâtres de répertoire du monde lyrique germanique, qui ont la possibilité de distribuer dans des rôles dits secondaires les grands noms du firmament lyrique…

On se délecte bien évidemment de cette superbe voix de basse au legato infini, même si l'on reste un peu sur sa faim sur le plan musical, la plupart des extraits étant donnés de manière tronquée. On se consolera en écoutant l'artiste nous parler de son métier avec sagesse et probité, les séquences au cours desquelles on le voit faire son jogging, ses courses à vélo ou ses randonnées pédestres revêtant sans doute moins d'intérêt, même si elles révèlent forcément un personnage attachant, d'une grande intégrité artistique et personnelle. Quelques sympathiques témoignages de collègues également, comme celui d'Anna Netrebko visiblement conquise par la bonne humeur communicative et les yeux bleus pétillants de l'intéressé, ainsi que du complice Philippe Jordan, à la fois collaborateur et ami de longue date. Fil conducteur de ce documentaire, la discipline de fer à laquelle doivent s'astreindre les grands artistes, souvent condamnés même lorsqu'ils ont des charges de famille à une vie de labeur et de solitude. D'où le titre donné à la réalisation, tiré d'un lied bien connu de Gustav Mahler : « Ich bin der Welt abhanden gekommen ».

Un documentaire intéressant, donc, qui s'adressera exclusivement au public comprenant l'anglais ou l'allemand. L'occasion en tout cas de mieux connaître un artiste marquant de notre génération, qu'on retrouvera avec grand bonheur dans son abondante vidéographie.