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Antonio Pappano et son LSO électrisants au Gstaad Menuhin Festival

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Gstaad. Grande Tente. 30-VIII-2024. Edward Elgar (1857-1934) : Concerto pour violon et orchestre en si mineur op. 61. Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 1 en ré majeur «Titan». Vilde Frang, violon. London Symphony Orchestra. Direction musicale : Antonio Pappano
31-VIII-2024. Hector Berlioz (1803-1869) : Le carnaval romain, ouverture op. 9. Richard Strauss (1864-1949) : Burlesque pour piano et orchestre en ré mineur. Gustav Holst (1874-1934) : The Planets, suite orchestrale op. 32. Bertrand Chamayou, piano. Kaunas Choir Lithuania. London Symphony Orchestra. Direction musicale : Antonio Pappano

En clôture de son 68e Menuhin Festival, la scène de la grande Tente s'est enflammée aux sons des musiciens du sous la direction de leur chef, .

En ouverture de la première soirée, le rare Concerto pour violon et orchestre en si mineur op.61 d' s'inscrit comme une œuvre relativement peu spectaculaire sinon par ses fréquents dialogues entre le soliste et l'orchestre. À ce jeu, domine la complexité de sa partie avec un violon d'une exquise chaleur, dont les moments de lyrisme du second mouvement Andante offrent quelques ravissants instants de plénitude.  Tout au plus pourrions-nous regretter qu'un manque de puissance l'empêche de briller devant la masse orchestrale d'un ensemble aussi conséquent que le pourtant maître du pianissimo comme nul autre. Dans l'Allegro molto final, elle semble libérée des éventuelles contraintes du lieu peu réverbérant. Malgré les efforts d' et de son orchestre, l'aura peu enthousiasmante de la violoniste norvégienne peine à ramener l'émotion. Sa performance est pourtant chaleureusement applaudie.

Après l'entracte, vêtu d'une énergie incroyable saisit son dans un tourbillon virevoltant d'une Symphonie n° 1 « Titan » de qui s'annonce comme un ouragan. Dans le premier mouvement, Langsam. Schleppend. Wie ein Naturlaut — Im Anfang sehr gemächlich, passé l'appel du coucou, Pappano nous invite à une valse admirablement rythmée. Mais bientôt, un crescendo vient déranger le bal et le chef entraine son orchestre dans un brusque déluge de son, subitement interrompu. On reste stupéfait de voir avec quelle maîtrise, quelle autorité, quelle précision, le chef impose chaque moment de musique. Jamais il ne lâche son instrument orchestral. Et de raconter son discours musical avec une intensité extraordinaire. La musique est son histoire, et il nous la renvoie avec les couleurs de son ensemble.

Dans le second mouvement Kräftig bewegt, doch nicht zu schnell – Trio. Recht gemächlich, à grandes brassées expressives, Pappano maintient une tension continue captant l'attention d'un auditoire qui n'a d'yeux que pour cet orchestre qui subjugue. Cet obsédant et appuyé air de valse est rythmé sans jamais qu'une quelconque lourdeur ne vienne peser sur les couleurs de l'orchestre. Les cors s'emballent, les trompettes stridulent. La tension est immense. On frôle même la catastrophe lorsque, emporté par l'emballement de la direction débordante d'Antonio Pappano, l'un des percussionnistes voit tout son matériel dégringoler de son piédestal dans un bruit presque en harmonie avec le tutti de l'orchestre ! Imperturbables, les musiciens des pupitres voisins restent concentrés sur leur interprétation. Le ton monte, le temps s'accélère. Bientôt survient l'explosion qui déchire l'air brusquement, sèchement, sans autre écho que celui, inarrêtable, des harmoniques instrumentales.

La qualité orchestrale de l'ensemble londonien s'exhale pleinement dans le troisième mouvement Feierlich und gemessen, ohne zu schleppen et son fameux développement sur l'air de Frère Jacques. Quel miel, quel sucre dans les cordes du London Symphony Orchestra, qui subliment tout l'orchestre. Les bois, d'ailleurs excellents, ne seraient peut-être pas si beaux sans la symbiose que leur offre ces cordes. Bien sûr, l'intelligente direction d'orchestre d'Antonio Pappano sait admirablement tirer profit de ces qualités.
Quand résonnent les ultimes accents cataclysmiques du dernier mouvement Stürmisch bewegt Energisch, le public se lève comme un seul homme. Des applaudissements nourris, des rappels les uns après les autres comme votre serviteur n'a jusqu'ici jamais eu l'occasion de voir dans cette assemblée de connaisseurs gstaadois.

Au lendemain de cette soirée électrisante, on pouvait penser que les sollicitations d'énergie de la veille auraient émoussé la force interprétative du London Symphony Orchestra et de son chef. Il n'en est rien. Dès les premières mesures du « Carnaval romain » d', on se retrouve dans les mêmes envolées débridées, dans la même dépense d'énergie. Sans jamais se départir de la qualité des couleurs orchestrales, du soin apporté au son de l'orchestre, on reste conquis par la dextérité avec laquelle cette ouverture est jouée. Dieu que ça déménage !

Changement total d'ambiance avec le très technique Burlesque pour piano et orchestre de avec un en démonstration. Quelle dextérité, quelle clarté de jeu en dépit d'une partition d'une vélocité assassine ! Vingt minutes ininterrompues de dialogues du piano avec l'orchestre dans une ambiance de confrontation de laquelle on sort en se disant que rares sont les pianistes capables d'affronter une telle partition. Dans les quelques moments de répit, de calme, on a pu apprécier les inspirés et charmants dialogues entre le piano et les timbales menées de baguettes de maître par le percussionniste Patrick King. Très applaudi, le pianiste français offre en bis, une interprétation toute de simplicité et de délicatesse de la Pavane pour une infante défunte de Maurice Ravel.

Enfin, Antonio Pappano et son London Symphony Orchestra s'attaquent à la Suite orchestrale « Les Planètes » de Gustav Holst, une œuvre trop rarement donnée en concert. Avec les caractères extrêmement variés de chaque chapitre de cette partition, Antonio Pappano offre au public un panorama de couleurs infinies qu'il tire de son orchestre. Ainsi le spectaculaire et guerrier Mars est emmené sur des accents tragiques qui se développent autour du martèlement des archets sur les cordes des violons, des violoncelles et des contrebasses, pendant que la masse orchestrale se rythme sous le roulement des timbales et des tambours. Quelle puissance, quel drame, quel tragique. Maître du jeu, Antonio Pappano illustre ses intentions par de grandes brassées de ses mains qui valsent en rythme autour de son corps, qui s'élèvent au-dessus de sa tête, pour retomber, et soudain pointer un doigt autoritaire vers un pupitre. C'est merveille de le voir tant il est l'expression même de la musique qu'il offre à entendre. Avec Vénus, c'est la paix qu'il célèbre. Un régal de musicalité entre les violons et les bois, qu'on retrouve bientôt admirables dans l'agitation éthérée de Mercure. Est-ce la gaieté débridée de la musique de Jupiter ou celle d'un appel du chef d'orchestre qui soudain voit Pappano esquisser un joyeux pas de danse sur son podium ? Reste que tout en lui participe à l'expression musicale. Le grandiose habillant le superflu. Comme dans la séquence de Saturne où la beauté, le calme, la grandeur de ce que nous offre le London Symphony Orchestra symbolisent la vieillesse en ce qu'elle a d'apaisé. Alors qu'Uranus nous plonge dans un monde de la magie avec des citations à peine cachées de L'Apprenti Sorcier de Paul Dukas, la tension ne faiblit jamais. Pappano dirige dans l'urgence sans jamais tomber dans la précipitation. Enfin, depuis la coulisse, le chant du chœur s'insère étrangement dans celui de l'orchestre pour illustrer le mysticisme de Neptune, terminant sur une note évanescente ce voyage sidéral et profondément musical laissant au public quelques secondes de silence absolu avant de saluer triomphalement cette magnifique prestation.

Si l'Italie, avec le Va pensiero du chœur des esclaves dans le Nabucco de Giuseppe Verdi, possède ce qu'on appelle son second hymne national, l'Angleterre, avec Nimrod tiré des Variations Enigma d' possède aussi son équivalent. Qui en douterait ne pouvait retenir son émotion, voir ses larmes, avec l'interprétation qu'en a offerte en bis un London Symphony Orchestra et un Sir Antonio Pappano sublimement inspirés.

Crédit photographique : © Raphaël Faux

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31-VIII-2024. Hector Berlioz (1803-1869) : Le carnaval romain, ouverture op. 9. Richard Strauss (1864-1949) : Burlesque pour piano et orchestre en ré mineur. Gustav Holst (1874-1934) : The Planets, suite orchestrale op. 32. Bertrand Chamayou, piano. Kaunas Choir Lithuania. London Symphony Orchestra. Direction musicale : Antonio Pappano

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