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Un vent d’Italie au Festival Berlioz

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La Côte-Saint-André. Festival Berlioz. 22-VIII-2024. Église de la Côte-Saint-André. Pièces de Domenico Scarlatti (1685-1757), Muzio Clementi (1752-1832), Ottorino Respighi (1879-1936) et diverses transcriptions pour piano d’arias. Vittorio Forte, piano.
Château Louis XI. Hector Berlioz (1803-1869) : Ouverture du Corsaire op. 21 ; Les Nuits d’été ; Harold en Italie op. 16. Isabelle Druet, mezzo soprano, Orchestre Appassionato, alto et direction Mathieu Herzog

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Le festival Berlioz s'anime cette année des élans d'« Une jeunesse européenne », thème porteur de vie et d'espoir de sa nouvelle édition. Avec le pianiste puis l'Orchestre Appassionato, un vent d'Italie et d'enthousiasme a soufflé lors d'une journée à La Côte-Saint-André.

Italia in Musica

« J'ai eu un coup de cœur en découvrant ce pianiste » avoue en préambule du récital que va donner , pianiste italien d'origine calabraise (mais établi en France depuis 1998). Sans doute les racines siciliennes du directeur du festival ne sont-elles pas étrangères à son engouement pour cet artiste et le programme hors des sentiers battus qu'il propose. Il faut une grande dose d'ingéniosité et de curiosité pour composer un récital de piano tout italien, hors du cadre baroque et classique de Scarlatti et Clementi. Les pianistes-compositeurs romantiques ne sont pas légion dans ce pays où l'opéra règne en maître. Il faut attendre la fin du XIXᵉ siècle voire le début du suivant pour trouver Respighi, Martucci… mais au piano, toujours point de tourments chopiniens, de brumes brahmsiennes, et encore moins de tempêtes berlioziennes ! Après trois Sonates de (K.19, K.466, K.27) délicatement ourlées dans des nuances fines et une élocution très naturelle qui changent subtilement aux reprises, après la Sonate en si mineur op. 40 n°2 de , dont on savoure l'intensité expressive du dramatique molto adagio et plus loin du largo dépouillé, ainsi que la souplesse et la fine fluidité du jeu dans les passages plus véloces, le pianiste nous fait entrer dans l'élégant et poétique univers des Six Pièces pour piano P.044 d', moins connues que ses Pins de Rome : Valse caressante toute en séduction romantique, ambiance pastorale du Minuetto, atmosphère en demi-teinte du Notturno, Studio et Canone pour les exercices de style, basse joliment ondoyante sous la Serenata qui clôt le cycle : que de charme dans ces pièces resplendissantes comme le ciel italien ! Mais pas d'Italie sans l'art lyrique ! Suivent transcriptions et paraphrases rares d'airs connus : Tre giorni son che Nina de (par R.Joseffy) dans le style d'une improvisation, puis Casta Diva (Norma) de Vicenzo Bellini dans la transcription d'Adolfo Fumagali, l'Andante final de Lucia de Lammermoor de Gaetano Donizzetti (transcription de Theodore Leschetizky), et la Fantaisie sur La Forza del destino de Giuseppe Verdi écrite par , dont , tout à son aise et avec inspiration, déploie l'inventivité à la manière de variations sous un arsenal pianistique finalement très lisztien.

Par des Nuits d'été, du Corsaire à Harold…

Le voyage italien se poursuit le soir au château Louis XI, avec l' dirigé par , dans un programme tout Berlioz. Première étape avec l'ouverture du Corsaire, d'après le roman éponyme de Byron. Finissant tonitruante et grandiose, la pièce contrastée sonne de tout son éclat dans une belle santé du son. Le chef emporte ses musiciens dans un lyrisme sans entrave, magnifié par le brillant des cordes. Puis les jeunes instrumentistes accompagnent, parfois un peu trop discrètement mais conduits avec tact par , non pas Marina Viotti souffrante depuis le matin, mais venue la remplacer au pied levé dans Les Nuits d'été. Arrivée le soir même, la  mezzo-soprano relève avec brio ce formidable défi – elle ne les a pas chantées depuis un an ! Le timbre généreux superbement coloré, sa voix ample, capiteuse dans la Villanelle, qui s'élance avec une facilité confondante vers les aigus projetant le « J'arrive  » du Spectre de la Rose, et laisse entendre de beaux et sombres graves dans Sur les lagunes, se fait tendre dans « Reviens ! » d'Absence, et blanche, lunaire dans Au cimetière, conjuré par la joie irradiante de son Île inconnue. On salue sa diction exceptionnelle rendant totalement inutile le sur-titrage. 

La voile gonfle son aile et la brise va souffler… vers la péninsule italienne, emmenant Harold en Italie ! Sur la proposition de , dont c'est la première expérience, a accepté de tenir la partie d'alto solo tout en dirigeant. Exercice parfois périlleux lorsqu'il s'agit de reprendre la main sur l'orchestre, mais mené avec maîtrise jusqu'à son terme. Une occasion devenue rare pour l'auditoire d'entendre la sonorité pleine, douce et chaleureuse de l'altiste en bon équilibre avec la présence orchestrale d'une belle homogénéité. L'archet en main, il emmène les musiciens dans les fabuleux contrastes de cette musique entre exaltation, jubilation riche en couleurs, et la voix rêveuse et mélancolique de son instrument. Avec son étrange passage sur les harmoniques de l'alto et son tissu orchestral finement travaillé, la Marche des pèlerins est particulièrement réussie. Le cycle de quatre scènes se termine par l'euphorie sonore de l'Orgie des brigands, dans une démesure on ne peut plus berliozienne, au point que l'on pourrait prendre les Abruzzes pour des montagnes russes ! Une soirée enthousiasmante avant, le lendemain et dans ce même lieu, de quitter momentanément l'Europe pour le Nouveau Monde…

Crédits photographiquew © Bruno Moussier

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La Côte-Saint-André. Festival Berlioz. 22-VIII-2024. Église de la Côte-Saint-André. Pièces de Domenico Scarlatti (1685-1757), Muzio Clementi (1752-1832), Ottorino Respighi (1879-1936) et diverses transcriptions pour piano d’arias. Vittorio Forte, piano.
Château Louis XI. Hector Berlioz (1803-1869) : Ouverture du Corsaire op. 21 ; Les Nuits d’été ; Harold en Italie op. 16. Isabelle Druet, mezzo soprano, Orchestre Appassionato, alto et direction Mathieu Herzog

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