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Crest. Festival Futura. 24-VIII-2024. Espace Soubeyran. Œuvres de Tomonari Higaki, VincentLaubeuf, Paul Ramage, Anne-Laure Lejosne, Sarah Clénet, Camille Lacroix, Aude Rabillon, Chritine Groult, Armando Balice, Laurence White, Camille Lacroix, Zhang Yang, Hiromu Takano, Masatsume Yoshio, Takuro Shibayma, Kazuko Narita, Yôko Higashi, Lionel Marchetti, Armando Balice. Acousmonium Motus ; Nathanaëlle Raboisson, Éric Broitman, Olivier Lamarche et Jonathan Prager, projection sonore.
Les compositeurs japonais auraient-ils une appétence particulière pour les musiques électroacoustiques? C'est la question que l'on pouvait se poser au regard du programme de cette 32ᵉ édition du Festival Futura offrant un focus sur l'archipel nippon.
À l'affiche de la dernière journée du festival, les six concerts (de 13h30 à minuit) entendus sur l'acousmonium Motus (une centaine de haut-parleurs) donnent un aperçu quasi synthétique des diverses facettes de la programmation : avec le concert de l'Atelier de Création Sonore et Musicale (ACSM116) tout d'abord, cet organisme japonais très actif emmené par sa co-fondatrice Kasuko Narita qui regroupe la majorité des compositeurs électroacousticiens du Japon. Bon nombre d'entre eux sont venus se former en France, au GRM pour les pionniers, puis au sein de la compagnie Motus, en participant notamment au stage d'interprétation organisé chaque année à Crest, juste avant Futura. Sept d'entre eux sont réunis dans un concert invitant Éric Broitman à la console de projection. Zhang Yang est chinois mais il travaille au Japon. Il est lauréat 2024 des Prix Futura et ACSM116, récompenses délivrées chaque année par les deux institutions. Sa pièce primée, High montains and flowing rivers est basée sur un poème chinois, associant sons environnementaux, voix chuchotées et source électronique dans un flux narratif habilement conduit. Citons encore Residual Recollection du japonais Takuro Shibayama, enseignant à Tokyo, qui a animé un atelier de composition durant le festival, et Assemblage de la compositrice Kazuko Narita, professeur à Kyoto, partageant son activité de création entre musique électroacoustique et instrumentale.
Carte blanche aux interprètes
Comme chaque année, le festival donne carte blanche à chacun des interprètes lors d'un concert d'une heure environ où ils peuvent choisir une ou plusieurs pièces en lien avec la thématique. Olivier Lamarche met à l'honneur Yôko Higashi (née en 1974), performeuse, chanteuse, danseuse butô et chorégraphe basée à Lyon. Dans Esquisse d'été 9 – or vert, elle a posé ses micros dans le temple Hongakuji à Kamakura, un enregistrement qui a fait l'objet d'un montage en studio. Okura 73°N- 42°E (2006) a été conçue en collaboration avec Lionel Marchetti, un travail à deux têtes balançant entre musique reportage et art radiophonique. Le choix d'Éric Broitman s'est porté sur une pièce de grand format du fidèle Tomonari Higaki (né en 1974), formé en France auprès de Denis Dufour, Jonathan Prager (CRR de Perpignan) et Christine Groult (CRD de Pantin) et qui enseigne aujourd'hui dans l'une des Universités de Tokyo. La Mer et la fertilité est une superbe fresque de 66′ (notre coup de cœur) déclinée en dix parties, une « expérience acoustique » à la François Bayle, explorant, sur fond de rituel bouddhique, la richesse des perceptions sonores et le cheminement spirituel qu'elles suscitent.
« Focus Japon » accueille également les pièces des compositeurs occidentaux jetant un regard autre sur la terre nippone, selon leur sensibilité et les liens qu'ils ont tissés avec le pays. La relation de Vincent Laubeuf (actuel directeur de Futura) avec le Japon touche à la fascination. Interprétée par Nathanaëlle Raboisson, sa nouvelle œuvre, Le rêve de Yoroboshi s'inspire d'un nô moderne de Yukio Mishima : « Une vision de la fin du monde à travers un univers de flammes », écrit le compositeur dans sa note d'intention. La récitation des soutras et l'écho des cérémonies bouddhiques traversent une musique intranquille où sons vrillés, vrombissements et gong funèbre disent « l'horreur de la guerre et le râle de l'humanité qui meurt ». De Paul Ramage, compositeur et professeur de composition électroacoustique au CRR de Paris, Le temps que le brouillard se dissipe (2018) est une courte pièce commandée par le musée Guimet. Quelques figures en animation et la couleur chaude du shakuhachi (flûte japonaise) surligné de voix lointaines font tout le charme de cette musique épurée autant que stylisée. Foisonnant et virtuose, Ramen (soupe de nouilles japonaise) de Laurence White, « est une sorte de western électroacoustique », nous dit-elle, « un clin d'œil au film Tampopo de Juzo Itami ». La compositrice y ouvre très grand l'espace et y déploie les couleurs, celle d'un saxophone soumis à des traitements divers qui sert de fil rouge à ce flux bouillonnant.
Créations 2024
Hors thématique mais très original, Les eaux s'accordent est un projet produit par Athénor CNCM (Centre National de Création Musicale) qui regroupe quatre jeunes compositrices (Anne-Laure Lejosne, Sarah Clément, Camille Lacroix, Aude Rabillon) et leur mentor Christine Groult, professeur honoraire de la classe d'électroacoustique de Pantin. Elles explorent chacune à leur manière différents sites emblématiques de Saint-Nazaire : « Avec leurs microphones, elles ont sondé ces eaux multiples et précieuses à notre planète et écouté ce qu'elles ont à nous conter », nous dit la notice d'œuvre, sur fond d'engagement écologique. Au sein d'univers sonores navigant entre rêve et réalité, les cinq pièces interprétées par Jonathan Prager mêlent field recording (prise de son in situ), dimension documentaire et traitements électroacoustiques. La Coda de Christine Groult est un final très en force, un mouvement foisonnant entre crescendos inquiétants et atmosphères plus paisibles, « un style bigarré à l'image de cette ville qui ne cesse de se réinventer », nous dit la compositrice.
En création mondiale toujours, citons encore, d'Armando Balice, Concrete aeterna, commande du Conservatoire du Grand Chalon où enseigne le compositeur, une pièce qui fait converger énergie de la matière, force de la répétition et vitalité du flux. Des qualités que l'on retrouve dans Bouche de ventilation, une commande de Motus passée à Camille Lacroix dans laquelle la compositrice joue très finement avec le grain du son et les flux énergétiques de la matière.
Une Nuit blanche, soit huit heures de musique non stop assurées par les quatre interprètes en relais, couronne cette édition 2024 qui garde le cap, en soutenant la création, en accueillant la jeunesse et en respectant la parité.
Crédit photographique : © Compagnie Motus
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