Salzbourg aussi pour les enfants : Die Kluge
Plus de détails
Salzburg. Schauspielhaus. 17-VIII-2024. Carl Orff (1895-1982) : Die Kluge, opéra pour enfants sur un livret du compositeur d’après le conte des Frères Grimm La Fille rusée du paysan. Mise en scène : Giulia Giammona. Décor : Selina Nowak. Lumière : Stefan Ebelsberger. Avec : Jack Lee (le Roi) ; Egor Sergeev, baryton (le Cuisinier du Roi) ; Marie Maidowski, soprano (la Finaude) ; Tamara Obermayr, mezzo-soprano (la Femme avec l’âne) ; Brett Pruunsild, baryton (L’Homme au vélo) ; Konstantin Igl, ténor (Premier voyou) ; Friedemann Gottschilch, baryton-basse (Deuxième Voyou) ; Manuel Winckhler, basse (Troisième voyou). Cornelia Dexl (la Geôlière, rôle parlé). Salzburg Orchester Solisten, direction : Anna Handler
Comme celui de Bayreuth, le Festival de Salzbourg s'adresse à son prochain public. Contrairement au festival wagnérien, c'est, plutôt qu'une version allégée d'un opéra de Mozart ou de Richard Strauss, l'intégralité du bref Die Kluge de Carl Orff, qui connaît les honneurs d'une production pour tous.
Après Der Mond en 1939, Carl Orff composa, en 1943, un autre opéra tiré d'un conte de Grimm : Die Kluge, qui peut se traduire au choix par La Rusée, La Rouée, La Finaude, les mots ne manquant pas pour qualifier la malicieuse héroïne de ce conte lyrique d'une heure et quart, qui commence (quelle meilleure accroche pour un public enfantin) par ces mots d'un père éploré : Ah si j'avais écouté ma fille ! Le paysan du conte originel (La Fille futée du paysan) est ici cuisinier du roi. Un cuisinier que l'on découvre emprisonné après sa découverte d'un couteau d'or qu'il a eu la très mauvaise idée de rapporter à son souverain, celui-ci le soupçonnant derechef d'avoir gardé pour lui la fourchette censée aller avec. La fille du cuisinier va tout faire pour libérer son géniteur. Non seulement elle résoudra les devinettes proposés par le capricieux monarque, mais elle réussira ensuite à se faire épouser de lui, au terme d'une intrigue complexifiée par le mystère à résoudre d'un poulain dérobé par les voyous du coin.
Agrémenté de l'à-propos de fumigènes, de paillettes tombant des cintres, d'ombres chinoises, un fonctionnel décor sur deux niveaux sépare le monde des puissants de celui de la classe laborieuse, reliés à l'occasion par une pente amovible autorisant le mélange des classes sociales impulsé par l'intrigue. L'orchestre est visible dans la partie supérieure. Le rez-de-chaussée, via quelques éléments de décor et de tentures (dont une reproduction de La Dame à la licorne) varie les paysages, servant même de piste cyclable. Simple et lisible, le spectacle réalisé par Giula Giammona fait mouche jusqu'à la morale finale d'une dramaturgie qui, après avoir seulement modifié certaine maxime shakespearienne prétendant que ruse et amour ne peuvent faire bon ménage, tient au contraire à professer : « En ce bas-monde un être humain se doit d'être rusé et amoureux. »
Une épatante équipe de jeunes interprètes, pour moitié issue du YSP (le Young Singers Project, qui, depuis 16 ans, invite de jeunes interprètes du monde entier, dont certains assurent quelques feux dans les grosses productions du festival) fait passer le message : en Kluge, Marie Maidowki émerveille par un aigu gracieux très prometteur, Egor Sergeev par un Cuisinier parfaitement timbré, qualités que l'on retrouve dans les trois Voyous (Konstantin Igl, Friedemann Gottschich, Manuel Winckhler), dans le Roi immature de Jack Lee, la Femme spoliée de Tamara Obermayr, le Facteur voleur de Brett Pruunsild. Aux mains des seize membres du Salzburg Orchester Solisten dirigé par Anna Handler, la partition, accessible et charmante, avec ses clins d'œil aux célèbres Carmina Burana, jadis défendue par des Maréchales et des Hagen, ou des Savallisch dirigeant des Philharmonia Orchestra, sonne particulièrement bien dans la version réduite en 2019 par Wilfried Hiller et Paul Leonard Schaeffer.
En amont, pendant les 90 minutes précédant la représentation, un atelier a si bien préparé son jeune public que ce dernier chante spontanément, avec une merveilleuse justesse, Schuhschuhu, la berceuse finale destinée à plonger le Roi dans un sommeil dont il s'éveillera en nouvel homme. Ainsi, à un bon quart d'heure à pied des grosses structures du festival, dans le Schauspielhaus, Salzbourg aura préparé le public de son futur, en lui faisant même accroire que l'on peut faire changer les puissants.
Crédits photographiques : © SF/Neumayr/Leopold
Lire aussi : Tous nos articles du Festival de Salzbourg
Plus de détails
Salzburg. Schauspielhaus. 17-VIII-2024. Carl Orff (1895-1982) : Die Kluge, opéra pour enfants sur un livret du compositeur d’après le conte des Frères Grimm La Fille rusée du paysan. Mise en scène : Giulia Giammona. Décor : Selina Nowak. Lumière : Stefan Ebelsberger. Avec : Jack Lee (le Roi) ; Egor Sergeev, baryton (le Cuisinier du Roi) ; Marie Maidowski, soprano (la Finaude) ; Tamara Obermayr, mezzo-soprano (la Femme avec l’âne) ; Brett Pruunsild, baryton (L’Homme au vélo) ; Konstantin Igl, ténor (Premier voyou) ; Friedemann Gottschilch, baryton-basse (Deuxième Voyou) ; Manuel Winckhler, basse (Troisième voyou). Cornelia Dexl (la Geôlière, rôle parlé). Salzburg Orchester Solisten, direction : Anna Handler
Bien dommage que les » grandes maisons » ne mettent pas au point un spectacle Der Mond/ Die Kluge, une musique du XXe siècle qui ne ferait pas fuir les spectateurs…