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Au festival de La Chaise-Dieu, la vitalité d’une 58ᵉ édition

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Festival de La Chaise-Dieu.
Abbatiale Saint-Robert. 22-VIII-2024. Henry Purcell (1659-1695) : Didon et Énée, opéra en trois actes sur un livret de Nahum Tate (version de concert). Adèle Charvet, mezzo-soprano, Didon ; Jean-Christophe Lanièce, baryton, Énée ; Ana Quintans, soprano, Belinda ; Igor Bouin, baryton, la magicienne et un marin ; Caroline Meng, mezzo-soprano, première sorcière ; Anouck Defontenay, mezzo-soprano, deuxième sorcière ; Fernando Escalona-Melendez, contre-ténor, un esprit ; Marie Théoleyre, soprano, seconde dame. Le Poème Harmonique ; direction, Vincent Dumestre.

Auditorium Cziffra. 23-VIII-2024. Zoophonia, fantaisie lyrique ; extraits de Petites voix de Francis Poulenc et arrangements de chants populaires. Mise en scène, Antonella Amirante ; Nicole Corti et Thibaut Louppe, direction artistique et arrangements. Carole Boulanger, Magali Pérot-Dumora, sopranos ; Isabelle Deproit, Caroline Gesret, mezzo-sopranos

Si répertoires sacré et profane s'équilibrent dans la programmation du festival de La Chaise-Dieu conçue par son jeune directeur Boris Blanco, l'opéra – en version de concert, s'entend – est beaucoup plus rare. Jamais Didon et Énée d' n'avait encore résonné sous la vote de l'abbatiale Saint-Robert, avant la représentation donnée par et son chef .

D'une jauge de 1 000 places, l'abbatiale affiche complet pour la seconde soirée du festival couronnée par un feu d'artifice somptueux tiré devant la façade de l'édifice du XIVᵉ siècle qui abrite le tombeau de Clément VI.

Pour l'heure, chanteurs et musiciens du Poème Harmonique ont investi le plateau surélevé installé dans le chœur : luth et guitares, flûtes à bec, basson et virginal aux côtés des pupitres de cordes. Une ouverture au grand orgue, qu'il est d'usage au festival d'entendre au début de chaque programme, précède l'ouverture proprement dite de l'opéra. La page « à la française » (grave et pointé puis vif et fugué) sonne avec belle allure, emmenée par le geste nerveux mais efficace de . L'opéra est au répertoire de la phalange qui l'interprète en version scénique depuis une bonne dizaine d'années à l'internationale et l'a gravé chez Alpha Classics. On sent cette aisance dans le détail de l'articulation, la plénitude du timbre et la réactivité d'un chœur si actif au sein de la dramaturgie. Était-il vraiment nécessaire de multiplier ses déplacements dans un lieu trop exigu pour une véritable mise en espace ? Par contre, les coups de tonnerre et autres détonations au seuil du deuxième acte sont diablement efficaces, accompagnés de lasers de couleurs qui embrasent les murs de l'abbatiale. Superbe, la Danse Triomphale convoque les trois guitares sur le devant de la scène. La Danse des Furies en écho, avec le tonnerre et la foudre, est sans égal et celle des Sorcières ménage un superbe solo des flûtes à bec.

Côté voix solistes, la soprano , qui vient de chanter le rôle à Salzbourg, est une Belinda rayonnante, dont la fraicheur du timbre et la clarté de l'élocution le disputent à l'aisance scénique. C'est une prise de rôle pour en Didon que l'on sent un rien tendue dans ses premières répliques. Mais la voix se libère et la palette du timbre se nuance pour exprimer le tourment amoureux d'abord puis la colère mêlée de désespoir dans le IIIᵉ acte. Le « ground » final très attendu (« When I am laid in earth ») ne déçoit pas, chanté avec une belle retenue, dans la finesse de l'articulation et l'intensité d'une douleur intériorisée. Son partenaire (Énée) peine à canaliser une voix certes puissante mais dont la justesse reste approximative. On l'apprécie davantage à la fin de l'acte II, dans l'expression d'un déchirement aux accents sincères et à l'intonation beaucoup plus soignée.

Dans la peau de la magicienne (acte II) et celle du marin (acte III), fait valoir un baryton de caractère et une voix bien projetée. Les deux sorcières, et Anouk Defontenay mettent grains de voix et attitudes au service du Mal tandis que L'Esprit, imperturbable, passe par la belle voix de contreténor de -Melendez. Le soin avec lequel les chanteurs peaufinent chaque articulation dans le chœur final fait merveille, dans l'homogénéité des pupitres et le velouté des voix, tendres et délicates, « comme son cœur ».

Il est d'usage également de revenir sur la scène avec un bis : c'est un anthem inachevé, composé sept ans avant Didon que le chœur chante a cappella pour refermer en beauté cette soirée lyrique.

Concert en famille

Quatre filles, des boîtes à trésors, des coffres à roulettes et leurs merveilles encloses : masques, peluches, fleurs et autres accessoires servent cette fantaisie lyrique invitant en matinée les enfants et leurs parents dans l'Auditorium Cziffra de La Chaise-Dieu. Imaginée par Nicole Corti et Thibaut Louppe, Zoophonia, mise en scène par , est jouée, chantée, dansée par quatre performeuses aussi agiles que bonnes musiciennes, , Magali Perol-Dumora, et , membres du chœur Spirito.

Le répertoire sonore autour des animaux mélange musique savante (Petites voix de ) et populaires, diversifie les langues (au nombre de six en plus du français et de l'occitan) et entretient le lien affectif entre l'enfant et l'animal : « Nous leur proposons un grand voyage dans un monde imaginaire pavé de mots et d'histoires venus de plusieurs pays » explique Thibaut Louppe, futur directeur musical du chœur Spirito fondé par Nicole Corti. En alternance avec les cinq chansons à trois voix de Poulenc, des comptines beaucoup plus connues (Trois petits chats, Promenons-nous dans le bois, Dans la forêt lointaine…), chantées en canon parfois, donnent lieu à des déguisements et autres pantomimes assumées avec grâce et vivacité par les interprètes.

Un métronome fiché en hauteur, la sonorité d'un gong ou le cri d'un animal sont prétexte à de brèves saynètes qui s'enchaînent dans un rythme très voire trop soutenu parfois. La voix parlée, musicale elle aussi, est peu sollicitée, qui pourrait s'adresser de manière plus directe aux enfants des premiers rangs ; on regrette également qu'ils ne soient pas invités à la fête mais l'attention ne se relâche pas durant cette grosse demi-heure ouvrant l'imaginaire des petits comme des grands!

Crédit photographique : © Bertrand Pichene

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