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The Hours : un roman, un film, un opéra

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Kevin Puts (né en 1972). The Hours, opéra en deux actes sur un livret de Greg Pierce d’après le roman de Michael Cunningham. Avec : Renée Fleming, soprano (Clarissa Vaughan) ; Denyce Graves, mezzo-soprano (Sally) ; John Holliday,contreténor (Man under the arch/Hotel Clerk) ; Tony Stevenson, ténor (Walter) ; Joyce Di Donato, mezzo-soprano (Virginia Woolf) ; Sean Panikkar, ténor (Leonard Woolf) ; Kathleen Kim, soprano (Barbara/Mrs Latch) ; Kelli O’Hara, soprano (Laura Brown) ; Brandon Cedel, baryton-basse (Dan Brown) ; Kai Edgar, soprano (Richie) ; Kyle Ketelsen, baryton (Richard) ; Atticus Ware, soprano (Julian) ; Patrick Scott McDermott, soprano (Quentin) ; Lena Josephine Marano, soprano (Angelica) ; Eve Gigliotti, mezzo-soprano (Nelly) ; Sylvia D’Eramo, soprano (Kitty/Vanessa) ; William Burden, ténor (Louis). Choeur (chef de choeur : Donald Palumbo) et Orchestre du Metropolitan Opera, direction : Yannick Nézet-Seguin. 2 CD Erato. Enregistrés le 10 décembre 2022au Metropolitan Opera. Notice de 20 pages en anglais. Durée 142’56.

 
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Le quatrième opéra de met en musique le quatrième roman de Michael Cunningham. Cette nouvelle réussite de l'opéra contemporain doit aussi beaucoup à son bouleversant livret.

Le destin de The Hours (Les Heures) a des allures de conte de fées. En 1998 paraît The Hours (le roman) que Michael Cunningham écrivit en écoutant, confesse-t'il, un de ses compositeurs fétiches : Philip Glass. En 2002, paraît The Hours (le film) que Stephen Daldry a réalisé à partir du roman, et dont la musique (fêtée jusqu'aux Oscars) a été spécifiquement écrite par… Philip Glass. En 2022, paraît The Hours, (l'opéra) que (révélé par Silent Night) composa, nourri, comme on l'imagine, de ces deux succès respectifs.

On peut reprocher au Metropolitan Opera nombre de mises en scène consensuelles, voire poussiéreuses. On louera en revanche la clairvoyance de la maison new-yorkaise quant à la nécessité de créer des opéras nouveaux sur des sujets contemporains. Après avoir monté avec succès les envoûtants Satyagraha et Akhnaten de Philip Glass, Dead Man Walking de Jake Heggie, le Met décida de présenter de nouveaux titres. Ainsi X : The Life and Time of Malcolm X (Anthony Davis), Fire Shut Up In My bones (Terence Blanchard), Florencia en el Amazonas (Daniel Catan). Prochainement Aïda et Les Noces de Figaro devront faire un peu de place à Grounded (Jeanine Tesori), Anthony and Cleopatra (John Adams)… On salue au passage la pléthore de compositeurs américains ramenant à l'opéra les brebis égarées par les exigences du sérialisme européen.

Bénéficiant de ce providentiel regain d'intérêt envers la création lyrique, The Hours est né sous une autre bonne étoile : . Bouleversée par le film de Daldry, elle a suggéré sa métamorphose en opéra à , avec qui elle avait collaboré sur Letters from Georgia. La soprano rayonne en Clarissa, au côté de la mezzo parfaite d'introspection en Virginia, Kelly O'Hara (plus familière de Broadway) apportant son timbre lumineux à Laura. Un trio d'exception en tête de pont d'une distribution idoine : du Richard de au Richie de , de la Sally de à l'Edgar de Sean Pannikkar, de la Fleuriste de aux diaphanes interventions chorales (très beau début de l'Acte II), la distribution (vingt rôles au total) est un bouquet vocal dont les couleurs n'ont rien à envier aux « flowers » de Clarissa Dalloway.

Trois cantatrices pour trois destins de femmes sur trois époques différentes, suivies en même temps sur une seule journée de chacune de leur vie. La première, Virginia, écrit en 1923 un livre intitulé Mrs Dalloway. La deuxième, Laura, tout entière dévouée entre mari et fils unique façon Mon Oncle de Tati, trouve dans le livre de Virginia des résonances avec sa vie de ménagère comblée et dépressive des Trente Glorieuses. La troisième, Clarissa, est carrément la réincarnation moderne de la Clarissa Dalloway du livre de Virginia (Woolf, donc), occupée à chercher des fleurs pour fêter le prix littéraire obtenu par son ami Richard se mourant du sida.

Le déroulé de l'opéra suit assez fidèlement celui du film. Sans faire le moindre clin d'œil à celle de Glass, une des meilleures du compositeur, qui était parvenu à se glisser très habilement d'une époque à l'autre, la partition de Puts, luxuriante, arachnéenne, virtuose, sans révélation mélodique majeure (malgré les très beaux You know what we're going to do? et Here on this corner)), révèle la même science dans sa caractérisation de ces trois héroïnes du XXe siècle. A condition d'être déjà familier du scénario de Cunningham (le livret Erato, honteusement chiche avec ses quelques lignes en anglais, et sa poignée de photos, risque de laisser les autres à quai), l'oreille identifie le style Clarissa (proche des derniers John Adams), le style Laura (la rutilance Mancini des Trente Glorieuses), le style Virginia (une manière de baroque épuré). Le Finale réunit enfin les trois femmes en un trio apaisé dont la configuration renvoie au plus fameux du genre, celui du Chevalier à la rose.

Magnifiquement orchestré pour le grand effectif du Met, superbement dirigé par Yannick Nézet-Seguin, analytiquement capté sur le vif, The Hours, d'un lyrisme sans aspérité (une constante de l'opéra du Nouveau Monde) respire et chante.

Un DVD aurait bien sûr idéalement accompagné ce coffret de deux CD. Mais même privé d'images, on peut d'ores et déjà parier sans prendre trop de risques sur la postérité de The Hours.

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Kevin Puts (né en 1972). The Hours, opéra en deux actes sur un livret de Greg Pierce d’après le roman de Michael Cunningham. Avec : Renée Fleming, soprano (Clarissa Vaughan) ; Denyce Graves, mezzo-soprano (Sally) ; John Holliday,contreténor (Man under the arch/Hotel Clerk) ; Tony Stevenson, ténor (Walter) ; Joyce Di Donato, mezzo-soprano (Virginia Woolf) ; Sean Panikkar, ténor (Leonard Woolf) ; Kathleen Kim, soprano (Barbara/Mrs Latch) ; Kelli O’Hara, soprano (Laura Brown) ; Brandon Cedel, baryton-basse (Dan Brown) ; Kai Edgar, soprano (Richie) ; Kyle Ketelsen, baryton (Richard) ; Atticus Ware, soprano (Julian) ; Patrick Scott McDermott, soprano (Quentin) ; Lena Josephine Marano, soprano (Angelica) ; Eve Gigliotti, mezzo-soprano (Nelly) ; Sylvia D’Eramo, soprano (Kitty/Vanessa) ; William Burden, ténor (Louis). Choeur (chef de choeur : Donald Palumbo) et Orchestre du Metropolitan Opera, direction : Yannick Nézet-Seguin. 2 CD Erato. Enregistrés le 10 décembre 2022au Metropolitan Opera. Notice de 20 pages en anglais. Durée 142’56.

 
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