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« I wanna be like you » : Florian Noack transcripteur dans tous ses états

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« I Wanna be like you ». Transcriptions et paraphrases de Florian Noack, d’après des originaux de : Johann Sebastian Bach (1685-1750) : concerto pour quatre clavecins en la mineur BWV 1065; Felix Mendelssohn (1809-1847) : Die erste Walpurgisnacht, opus 60; Nikolaj Rimski-Korsakov (1844-1908) : Schéhérazade, opus 35; Johann Strauss II (1825-1899) : paraphrase sur un choix de diverses valses ; Tielman Susato (1505?-1570?) ; Danserye, extraits: Sergei Prokofiev (1891-1953) : symphonie n°1, « Classique », en ré majeur opus 25; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : valse, extraite de la suite pour orchestre de variétés opus 99a; Richard (né en 1928) et Robert Sherman (1925-2012) : I wanna be like you, the monkey song from the Jungle Book by Walt Disney Studio. Florian Noack, piano Steinway D-274. 1 CD La Dolce Volta. Enregistré en Arsonic, la Maison de l’écoute, à Mons, Belgique, du 3 au 6 janvier 2023. Notice de présentation en français, anglais, allemand et japonais. Durée : 72:30

 
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L'album de paru chez La Dolce volta, intitulé avec humour en référence à sa plage conclusive « I wanna be like you » conjugue les talents multiples de cet attachant et singulier musicien : un pianiste transcendant doublé d'un fabuleux et imaginatif paraphraseur/transcripteur.

L'adaptation au piano d'un répertoire « hors cadre » – souvent mais pas exclusivement symphonique – a toujours été central au gré de l'éducation musicale et du parcours artistique de . Dès ses seize ans, le jeune prodige belge y allait de sa propre version pour le seul clavier de l'ouverture-fantaisie Roméo et Juliette de Tchaïkovski. Cette pratique, d'abord dévolue au seul répertoire russe, n'a jamais depuis cessé de l'accompagner au fil de son cursus pédagogique – chez Johann Schmidt en la Chapelle musicale Reine Elisabeth, à Cologne, auprès de – un maître ouvrant des perspectives quasi mystiques à l'art musical, dit-il – ou à Bâle auprès de – autre mentor qui lui a donné le goût des répertoires anciens, comme en témoignent ces quelques adaptations de danseryes renaissantes de , savamment épicées dans leur nouvelle mouture.

Car au-delà de la quête, au disque comme au concert, de répertoires pianistiques moins fréquentés par ses confères – avec des œuvres signées Lyapounov ou Medtner, entre autres – aime cultiver, et avec un art consommé, ce jeu de miroirs entre les compositeurs et leur «double» interprète /transcripteur : il s'agit là de développer une réflexion sur l'objet musical, d'y trouver prétexte à de nouvelles textures, à des approches originales du jeu pianistique, mais aussi d'y dessiner d'inédites grilles de lecture pour l'auditeur. Il y a là une cette culture de l'illusion certes soucieuse du rendu stylistique mais aussi raisonnablement distante à l'égard du texte original.

Le parcours de ce disque, très diversifié, est avant tout aussi intimement personnel, fixant des souvenirs qu'on devine heureux, étapes d'un « journal d'un transcripteur » en réponse au Journal d'un voyageur, album précédent publié par La Dolce Volta également, consacré cette fois à de délicieuses miniatures de compositeurs vénérés.
On trouvera les traces d'instantanés autobiographiques, avec ces Danseryes de Susato découvertes enfant et retrouvées à l'âge adulte au cinéma (dans le Film Elizabeth avec Cate Blanchett), ou cette Paraphrase sur diverses valses de Strauss, fixant le souvenir télévisuel des concerts du Nouvel an tant prisés par un père musicien – avec cette fin suspendue dans l'aigu, évoquant avec nostalgie les derniers tintinnabulement d'une boîte à musique à court d'énergie mécanique…. Jamais, par ce spleen pudique, on ne tombe ici dans le kitsch trop clinquant du Beau Danube bleu revu et corrigé par Schulz-Ever,
Le digest, drôlement bien construit, de La première Nuit de Walpurgis d'après se remémore les années d'apprentissage de notre pianiste à Cologne, où le cours de chant d'ensemble était obligatoire et lui permit de découvrir des pans entiers de littérature musicale : on devine le profond amour et la connaissance intime de l'œuvre qui l'animent, au fil de cette assez exceptionnelle et virtuose réduction.

Mais le disque repose sur trois plages plus vastes et très élaborées souvent défendues en concert au gré de ses récitals par le pianiste. Il s'ouvre avec cette prodigieuse et efflorescente « réduction » du Concerto pour quatre clavecins BWV 1065 de Bach – lui même inspiré du Concerto n°10 opus 3 de Vivaldi. Dans cette adaptation d'une adaptation, très réussie, Florian Noack, en pianiste aux quarante doigts, non seulement se joue de l'alternance entre concertino et ripieno par ces oppositions de registres et de masses, mais confère à chacun des quatre intervenants figurés sa propre personnalité, par de légères modifications de l'agogique de l'ornementation ou un léger rubato très dominé : de l'illusion sonore transmutée en grand art !

La vaste paraphrase autour des quatre mouvements de la suite symphonique Schéhérazade op.35 de Rimski-Korsakov était déjà connue par un précédent et déjà très mature disque « d'auto-transcriptions » d'inspiration russe, paru chez Ars voici dix ans. Cette nouvelle version est mieux captée dans l'acoustique plus sèche de la salle Arsonic de Mons – toujours par les soins du fidèle Martin Rust : le pianiste belge y déploie des trésors de couleurs de nuances et de raffinement – la « petite phrase » leitmotif caractérisant la conteuse y apparaît à chaque fois légèrement différente, avec une grâce énamourée et semble guider l'auditeur au gré d'une narration aussi pittoresque qu'émouvante en sa conclusion impalpable.

Enfin la transcription de la Symphonie n° 1 « classique » de Prokofiev, très finement ciselée, se veut révérence un soupçon iconoclaste envers l'art et l'éloquence d'un papa Haydn au travers du prisme esthétique de l'alors jeune compositeur frondeur russe. Mais elle prend aussi sous ces doigts prestes et précis des allures de sonatine irrésistiblement parodique, à la manière du Pulcinella – et de ses partitions satellites – stravinskien de peu postérieur. Pour paraphraser Diaghilev, le pianiste s'ingénie à mettre des moustaches à la Joconde !

En guise d'au revoir, nous glissent deux sucreries dans l'oreille. La (trop) célèbre Valse op.99 de Chostakovich pourra sembler un rien convenue, mais on s'esbroufe, hilare, devant la dernière pochade, décalée refonte du « I wanna be like you » composée par les frères Sherman – et chantée à l'origine par Louis Prima – pour la bande originale du Livre de la Jungle selon les studio Disney… Effectivement, l'on voudrait être pianiste virtuose, musicien accompli et ingénieux transcripteur tel Florian Noack !

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« I Wanna be like you ». Transcriptions et paraphrases de Florian Noack, d’après des originaux de : Johann Sebastian Bach (1685-1750) : concerto pour quatre clavecins en la mineur BWV 1065; Felix Mendelssohn (1809-1847) : Die erste Walpurgisnacht, opus 60; Nikolaj Rimski-Korsakov (1844-1908) : Schéhérazade, opus 35; Johann Strauss II (1825-1899) : paraphrase sur un choix de diverses valses ; Tielman Susato (1505?-1570?) ; Danserye, extraits: Sergei Prokofiev (1891-1953) : symphonie n°1, « Classique », en ré majeur opus 25; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : valse, extraite de la suite pour orchestre de variétés opus 99a; Richard (né en 1928) et Robert Sherman (1925-2012) : I wanna be like you, the monkey song from the Jungle Book by Walt Disney Studio. Florian Noack, piano Steinway D-274. 1 CD La Dolce Volta. Enregistré en Arsonic, la Maison de l’écoute, à Mons, Belgique, du 3 au 6 janvier 2023. Notice de présentation en français, anglais, allemand et japonais. Durée : 72:30

 
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