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Vänskä et l’Orchestre de Minnesota dans la Symphonie n° 3 de Mahler : une certaine idée de la perfection

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Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 3. Jennifer Johnston, mezzo-soprano ; Chœurs de garçons et de femmes du Minnesota, Orchestre du Minnesota, Osmo Vänskä, direction. 2 CD Bis Records. Enregistré à l’Orchestra Hall de Minneapolis, en novembre 2022. Durée : 60:44

 

La Symphonie n° 3 de Mahler referme l'intégrale d' à la tête de l' : une lecture d'une suprême élégance, servie par un orchestre resplendissant et une prise de son magistrale. Autant de qualités qui, pourtant, n'aboutissent pas à une version de référence que l'on pouvait espérer. Quelles en sont les raisons ? 

Mahler organisa les six mouvements ou, plus exactement, les “chapitres” de l'œuvre en deux parties distinctes ; les trois premiers mouvements sont l'expression de la Nature et les trois derniers affirment la présence humaine avec l'apparition de la voix. Une bipolarité qui se retrouve plusieurs fois dans l'œuvre mahlérienne, culminant dans la Symphonie n° 8, autre hymne à la vie.

Le premier mouvement, Kräftig, Entschieden, est le plus tragique des six. Il s'agit d'une marche héroïque et violente dont le thème est projeté par les huit cors. Vänskä en calcule la moindre respiration, bénéficiant de pupitres homogènes, de solistes de premier plan et d'une prise de son (DSD) de démonstration aussi bien dans sa définition que dans l'échelonnement des dynamiques. C'est donc un spectacle grandiose qui nous est proposé, mais dont curieusement, la dimension tragique parait mise en scène et comme fragmentée en une succession d'épisodes. Ces mêmes épisodes provoquent des baisses de tensions car la direction de Vänskä se concentre sur la description analytique d'une écriture complexe. L'idée d'une lutte acharnée, d'un combat titanesque passe au second plan. Il est dommage que des moyens artistiques et techniques aussi affûtés tiennent à ce point “en laisse”, l'énergie vitale de la partition. Dans sa presque dizaine de gravures, Haitink eut une approche assez comparable, sublimée dans ses versions avec le Concertgebouw d'Amsterdam et le Philharmonique de Berlin. Mais, dans le cas du chef hollandais, l'auditeur pressentait un cheminement, un but ultime vers l'explosion des dernières mesures du finale. Avec Vänskä, la surcharge des intentions – comme si les solos des pupitres étaient placés dans un écrin – nous détourne de la grande arche de la symphonie. Le premier mouvement est bâti sur le retour inexorable du rythme de la marche. Il nous rappelle tantôt l'inquiétude, tantôt l'effroi de l'Homme perdu dans une nature dont il n'est que l'hôte. L'auditeur aurait aimé sentir la menace de “digues” sur le point de s'effondrer. Bernstein, Mitropoulos, Adler, Sinopoli, Solti, Tennstedt nous ont conduit aux portes du vertige.

Après l'immense introduction, le second mouvement, Blumenstück, passe pour un menuet sentimental. L'orchestre joue à merveille l'effusion viennoise et le caractère insouciant que Mahler décrit à son amie Natalie Bauer-Lechner : « C'est la chose la plus insouciante que j'aie écrite, insouciante comme seules peuvent l'être les fleurs […] mais, tout à coup, cela devient sérieux et grave. Il souffle comme un vent d'orage sur la prairie…». Pointillistes à souhait, la petite harmonie, les alti et violoncelles offrent une page aussi lumineuse que chambriste. On s'incline devant une telle réussite. Notre plaisir se renouvelle avec le Scherzo du troisième mouvement. Les animaux de la forêt succèdent aux fleurs. Les danses rustiques illustrent avec bonheur, le commentaire éclairant du compositeur : « C'est vraiment comme si la Nature entière y faisait des grimaces et tirait la langue. Mais, il y a un humour panique si propre à donner le frisson que l'on est plus gagné par la terreur que par le rire ». Admirons la sage mise en place (impeccables effets d'écho), les jeux de timbres, le dévoilement progressif de toute la puissance de l'orchestre et cet inénarrable cor de postillon (impressionnant Manny Laureno) dont la présence annonce la venue humaine.

L'Homme – incarné par une contralto ou mezzo-soprano – est au cœur du message musical du quatrième mouvement. Les timbres mordorés des vents s'insèrent dans la voix de l'anglaise . Voilà un climat contemplatif propre à traduire le sentiment d'éternité, mais que la voix impose de manière un peu trop directive. Il y manque un soupçon de chaleur “maternelle”. De leur côté, les voix de garçons dans le cinquième mouvement proclament l'innocence de l'enfance – bientôt rejointes par le chœur de femmes – dont le lied puise sa source dans le cycle du Knaben Wunderhorn. En l'absence des violons, Mahler traduit l'apparition des anges grâce à un chœur très bien préparé. La dimension volontairement naïve et populaire du cinquième mouvement aurait mérité d'être plus “instinctive”, moins marquée jusque dans les sonneries mises en exergue de certains pupitres comme les cloches-tubes.

Cohérent avec les choix de Vänskä dans le premier mouvement, le finale est tout en délicatesse, le chant effleuré aux cordes suscitant l'admiration. Le travail sur les accents et les dynamiques s'y révèle d'une précision formidable. Revers de la médaille, la mobilité des lignes manque, hélas, de naturel et d'élan. L'ascension vers le sommet des montagnes qui entourent la Häuschen où Mahler acheva la composition de la symphonie, mais aussi le sentiment d'ouverture sur l'espace réclament bien davantage que la perfection de la réalisation. L'expression d'un gigantesque effort est essentielle et cette lecture en fait l'impasse. Mahler, une fois encore, fut explicite : « Le Christ au Mont des Oliviers devait et voulait vider la coupe de douleur jusqu'au fond. Celui à qui cette coupe est destinée ne peut ni ne veut la repousser, mais à certains moments, une angoisse mortelle doit le submerger quand il pense à ce qui l'attend. J'ai le même sentiment quand j'évoque ce mouvement et quand je prévois tout ce que je vais devoir souffrir à cause de lui. »

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Gustav Mahler (1860-1911) : Symphonie n° 3. Jennifer Johnston, mezzo-soprano ; Chœurs de garçons et de femmes du Minnesota, Orchestre du Minnesota, Osmo Vänskä, direction. 2 CD Bis Records. Enregistré à l’Orchestra Hall de Minneapolis, en novembre 2022. Durée : 60:44

 
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