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Quelques échos chambristes du festival de l’Été mosan

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Festival de l’Eté mosan.
21-VII-2024 : Eglise Saints-Martin–et–Adèle d’Orp-le-Grand ; Leoš Janáček, (1854-1928) : Sonate pour violon et piano. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Sonate pour violon et piano n°3 en mi bémol majeur opus12 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Sonate pour violon et piano n°3 en ré mineur, opus 108. Eugène Ysaye (1858-1931) : Caprice d’après l’étude en forme de valse opus 52 n°6 de Camille Saint-Saëns (1835-1921). Dmytro Udovytchenko, violon. Liebrecht Vanbeckevoort, piano.

28-VII-2024 : terrasse du château de Biesme. Johann Sebastian Bach ; prélude de choral  » Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ », BWV 639, arrangement Ferruccio Busoni (1866-1924), concerto italien en fa majeur, BWV 971.; Domenico Scarlatti (1685-1757) : sonate pour clavier en si mineur, K.27; Ottorino Respighi (1879-1936) : Valse caressante des six pièces pour piano P.44: Felix Mendelssohn (1809-1847) : chant de gondolier opus30 n°6; Johannes Brahms : variations sur un thème de Paganini, deuxième cahier, opus 35 n°2; Franz Liszt (1811-1886) : Sonnet 104 de Pétrarque extrait de la deuxième année de pèlerinage, l’Italie, S. 161; thème et variations, extrait des études d’après Paganini, S.141 n°6; Venezia e Napoli S.162. Liebrecht Vanbeckevoort, paino.

3-WVIII-2024. Prieuré d’Anseremme. Robert Schumann (1810-1856) : Fantasiestücke, opus 73. Clara Wieck-Schumann (1819-1896) : trois romances opus 22. Johannes Brahms sonate pour violoncelle et piano n°1 en mi mineur opus 38; Mel Bonis (1858-1937) : méditation et sérénade; Nadia Boulanger (1887-1979) : trois pièces pour violoncelle et piano. Astor Piazzolla (1921-1992) : le Grand Tango. Ophélie gaillard, violoncelle, Fanny Azzuro, piano.

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Comme chaque été depuis presque un demi-siècle, le Festival de L'Été mosan, fondé par le regretté baryton et désormais confié à la direction artistique de Bernard Mouton, convoque public et artistes dans des lieux de mémoire wallons. Cette année, au sein d'une programmation très éclectique, notre attention s'est portée sur trois récitals chambristes.

Le discret talent Dmytro Udovychenko, récent premier lauréat du Concours international Reine Élisabeth de Belgique.

Le dimanche 21 juillet, jour de fête nationale belge, l'imposante église romane Sainte-Adèle-et-Saint-Martin d'Orp-le-Grand, à l'acoustique peut-être un rien trop généreuse pour une rencontre chambriste, accueille le premier lauréat du récent concours musical international Reine Elisabeth de Belgique, l'Ukrainien Dmytro Udovychenko et le pianiste belge, sixième lauréat du même concours version piano en 2007 : . Cette récente proclamation 2024 a suscité pas mal de remous : dans le contexte géopolitique martial actuel, le pianiste ukrainien primé n'a salué que de très loin son prédécesseur et membre du jury Vadim Repin – aujourd'hui citoyen belgo-russe alors qu'il voulait placer hors champ politique l'ensemble de ses prestations, notamment par le choix de son concerto en finale – le premier de Dmitri Chostakovitch. Mais foin de polémiques extramusicales stériles! Udovytchenko livre cette après-midi une prestation plus qu'honorable, certes inégale, mais par moment enthousiasmante, même si le Guadagnini « ex-Kingman » qui lui est prêté ne semble pas au mieux réglé, avec ce registre grave étrangement creux et en retrait.

Ouvrir un concert par la splendide mais difficile et fragile Sonate pour violon et piano (1914-1922) de relève à la fois du manifeste libertaire et de la gageure esthétique. Le jeune violoniste y cultive avec raffinement une grande palette de nuances et de sonorités, par une grande variété d'attaques relayée par une attitude corporelle très souple et de minimes mais nombreux et instinctifs déplacements : s'il détaille, à merveille, dès le con moto initial, un vaste panel d'intentions expressives, s'il se révèle émouvant et lyrique au fil la ballada centrale, il est un peu prude et distant dans le scherzo allegretto et le final adagio où il s'affiche trop en retrait de son partenaire. Mais peut-être le coffre du piano devrait-il être davantage fermé, surtout dans une telle acoustique, pour mieux permettre un vrai dialogue entre cordes frappées et frottées au fil d'une partition aussi engagée ?

Cette impression de déséquilibre est plus criante encore au fil de la troisième sonate le l'opus 12 beethovenien, avec un clavier péremptoire et anticipatif au fil des mouvements extrêmes et un violoniste souvent curieusement distant et neutre, presque étouffé par le babil de son partenaire. Comment le réjouissant rondo final peut-il manquer à ce point de rebond rythmique et d'allégresse roborative sous un archet aussi subitement atone ?

Après l'entracte, la troisième sonate opus 108 de met bien mieux en valeur les réelles qualités expressives du jeune virtuose, par un panel de nuances et de couleurs en totale adéquation avec la production « automnale »  du maître hanséatique, notamment au fil d'un adagio lyrique à souhait ou d'un presto agitato final vraiment tempétueux et enfin davantage libéré ; l'osmose avec son partenaire y apparaît bien plus évidente au travers des divers climats de l'œuvre.

Mais, in fine, le caprice d'Eugène Ysaye d'après l'étude en forme de valse opus 52/6 de Camille Saint-Saëns résume à lui seul nos impressions contrastées au fil de ce récital inégal : une belle probité musicale et une incontestable élégance dans la réalisation technique sont oblitérées par un certain manque d'extraversion voire de panache qu'appelle cette flamboyante et virtuosissime paraphrase. En bis, significativement Udovytchenko choisit l'adaptation violonistique de la vocalise en forme de habanera de Maurice Ravel pour conclure sa prestation dans le calme et la sérénité.

Décevant à Biesme

Le pianiste Liebrecht  Vanbeckevoort mène une appréciable carrière en Flandres et en contrées nordiques, illustrée d'ailleurs par une discographie assez pléthorique. Il est aujourd'hui  quelque peu oublié dans la sphère francophone belge – barré par exemple par d'autres talents de la jeune génération tels Julien Libbeer ou Florian Noack, – et est quasi inconnu outre-Quiévrain.
Après sa très honorable prestation chambriste huit jours plus tôt, avouons, en ce 28 juillet,  une franche déception à l'audition de ce récital «italien» au sens très large, certes donné dans des conditions éprouvantes (la chaude température ambiante, le plein soleil sur la terrasse du château de Biesme aux conditions acoustiques minimalistes), mais surtout insuffisamment préparé. Armé pour le premier tiers de son récital de ses partitions, le pianiste belge déçoit d'emblée avec un choral ‘ »Ich ruf zu dir »  de J. S Bach revu par Busoni ânonné sans aucun relief polyphonique. Le concerto italien du même est tout aussi chagrin et scolaire avec ce trop peu de contrastes dynamiques et de plan sonores entre concertino et ripieno sous-entendus par la partition : le cantabile bien senti de l'andante central ne peut faire oublier un premier temps rythmiquement exsangue et un final très approximatif – qui plus d'une fois frôle l'arrêt complet !
La sonate K.27 de manque d'instinct dans l'ornementation et est à peine rattrapée par une très parisienne et superficielle valse caressante de Respighi ou un chant de gondolier opus 30 n°6 de Mendelssohn pour le moins protocolaire. Se libérant de ses partitions, Vanbeckevoort demeure  toutefois extrêmement prudent dans le second cahier des variations Paganini opus 35 de Brahms ; il semble parfois évoluer sur le fil du rasoir aux prises aux terribles exigences techniques de la partition, notamment dans certains déplacements latéraux périlleux ou certaines extensions digitales acrobatiques : jamais cette lecture au premier degré, à la sonorité peu châtiée ne semble transcender l'ensorcelante partition, faute d'énergie profuse ou de lyrisme altier.

Après un long entracte, le pianiste revient plus inspiré pour une brève anthologie lisztienne : le cent-quatrième sonnet de Pétrarque prouve un réel sens de l'expression mélodique –jusqu'alors bien rétive. Le thème et variations sixième des études d'après Paganini – d'après le même vingt-quatrième caprice également revisité par Brahms – montre un virtuose aguerri mais un rien académique. Il manque sans aucun doute au supplément de la deuxième année de pèlerinage Venezia e Napoli ce sens du second degré (Gondoliera) ou de la paraphrase calibrée (la canzone centrale d'après Rossini) alors que la tarentelle finale, certes assez convaincante malgré un tempo retenu, manque un rien de brillance et de chic dans le fini pianistique. En bis la Traumerei de Schumann habitée et bien perlée nous permet de mieux appréhender les qualités poétiques d'un pianiste que l'on a connu plus inspiré.

 Transmission et féminisme par le duo

Enfin, en ce dimanche 3 août,  nous retrouvons la cour du prieuré d'Anseremme, en bord de Meuse dinantaise, un site bien plus accueillant acoustiquement par sa configuration  architecturale – et cette fois, dans des conditions météorologiques aussi propices qu'idéales pour un concert de plein air.

Si chacune des interprètes mène une carrière soliste des plus appréciables, et la pianiste constituent depuis quelque temps un duo violoncelle-piano idéal tant par la complémentarité de leurs tempéraments, de l'instinct et de la réflexion que par l'achèvement et la conception de leurs interprétations. Si le programme  de leur récital laisse une place appréciable aux compositeurs femmes (Clara Schumann, Mel Bonis, ), il veut figurer aussi un certain sens de la  de la transmission : est le fils spirituel du couple Schumann, et a fait ses classes au conservatoire américain de Fontainebleau auprès de « Mademoiselle » Boulanger…

En fait,  ce sont deux adaptations au violoncelle de compositions chambristes du couple Schumann qui ouvrent les débats. Les fantasiestücke opus 73 de Robert sont originellement dédiées à la clarinette, là où les trois romances de Clara – sa pénultième œuvre publiée – sont conçues pour le violon. Nos interprètes tirent ces deux cycles de trois miniatures – sorte de sonatines inavouées – vers leur destination première : la Hausmusik, vouée à l'usage domestique et amical. On peut peut-être rêver d'une interprétation moins solaire, plus ombrageuse ou emportée des Fantasiestücke de Robert, ou entendre les romances de Clara davantage nimbées d'une nostalgie légendaire ou d'une infinie tristesse. Mais les interprétations très achevées et éloquentes de nos interprètes – hormis un minime accident de sonorité au violoncelle dans l'ultime romance – emporte nos suffrages pour leur spontanéité efflorescente et leur lyrisme à fleur de peau, magnifiées par  une connivence de tous les instants entre les deux partenaires.

Le sommet de ce récital demeure néanmoins une version aussi habitée que lyrique et mesurée  de la première sonate pour violoncelle et piano opus 38 de . L'allegro non troppo initial – donné sans la reprise – très creusé de sonorité sous l'archet d' prend des allures narratives de grande ballade nordique malgré le canevas millimétré de la forme sonate. Sous l'impulsion métrique d'une très inspirée et directionnelle, l'allegretto quasi menuetto affirme sa carrure rythmique pittoresque, qui n'exclut nul épanchement douloureux dans le trio central. Et mené tambour battant, l'allegro final  retrouve naturellement les sortilèges d'une écriture en trio à la baroque, avec cet hommage appuyé  et quasi textuel au contrepoint XIII  -version inversus–  de l'Art de la Fugue de J.S.Bach : la cohésion du duo atteint ici une sublimation fusionnelle, par l'intégration éprouvée de ce jeu polyphonique très serré.

Après l'entracte, place est faite à une certaine légèreté. Mel Bonis – cette élève à la fois de César Franck,  de Charles Koechlin ! – est conviée pour deux pièces de demi-caractère plus fantasques – sérénade et méditation – proches par leur spontanéité mélodique d'un Gabriel Fauré première manière et données avec une verve et une spontanéité irréprochables. Ophélie Gaillard et Fanny Azzuro soulignent par un enchainement immédiat une certaine connivence d'esprit avec les trois pièces plus célèbres et moins disertes de dix ans postérieures que a dédié à la formule. Enfin, pour conclure, le Grand Tango d',  donné avec toute la verve et l'extraversion voulues, et un sens quasi chorégraphique de la progression dramatique, emporte l'adhésion d'un public aussi nombreux qu'enthousiaste et conclut en beauté ce récital aussi abouti qu'enchanteur.

Crédits photographiques : Dmytro Udovychenko © Queen Elisabeth Competition – Thomas Léonard ; © zoemi ; Fanny Azzuro © Jean Baptiste Millot ; Ophélie Gaillard © Christian Mewly

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28-VII-2024 : terrasse du château de Biesme. Johann Sebastian Bach ; prélude de choral  » Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ », BWV 639, arrangement Ferruccio Busoni (1866-1924), concerto italien en fa majeur, BWV 971.; Domenico Scarlatti (1685-1757) : sonate pour clavier en si mineur, K.27; Ottorino Respighi (1879-1936) : Valse caressante des six pièces pour piano P.44: Felix Mendelssohn (1809-1847) : chant de gondolier opus30 n°6; Johannes Brahms : variations sur un thème de Paganini, deuxième cahier, opus 35 n°2; Franz Liszt (1811-1886) : Sonnet 104 de Pétrarque extrait de la deuxième année de pèlerinage, l’Italie, S. 161; thème et variations, extrait des études d’après Paganini, S.141 n°6; Venezia e Napoli S.162. Liebrecht Vanbeckevoort, paino.

3-WVIII-2024. Prieuré d’Anseremme. Robert Schumann (1810-1856) : Fantasiestücke, opus 73. Clara Wieck-Schumann (1819-1896) : trois romances opus 22. Johannes Brahms sonate pour violoncelle et piano n°1 en mi mineur opus 38; Mel Bonis (1858-1937) : méditation et sérénade; Nadia Boulanger (1887-1979) : trois pièces pour violoncelle et piano. Astor Piazzolla (1921-1992) : le Grand Tango. Ophélie gaillard, violoncelle, Fanny Azzuro, piano.

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