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Ton Koopman et la Passion selon Saint Jean en Périgord

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Saint-Astier. 4-VIII-2024. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passion selon Saint Jean BWV 245. Amelia Berridge, soprano ; Sophia Faltas, alto ; Tilman Lichdi, ténor ; Klaus Mertens, basse ; Amsterdam Baroque Orchestra & Choir, direction : Ton Koopman

accompagné d'une équipe fidèle et de jeunes talents démontre, en clôture de son festival , que rejouer les chefs-d'œuvres tout au long de sa vie vous irrigue en profondeur. Expérience vécue avec la Passion selon Saint Jean à Saint-Astier dans le Périgord blanc. 


Si l'église fortifiée de Saint-Astier, qui accueille la Passion selon Saint Jean de , étonne par sa massivité dans un bourg de taille modeste, c'est qu'elle fut un grand lieu de pèlerinage et un phare sur le chemin de Vézelay à Saint-Jacques de Compostelle, au moins jusqu'à l'époque baroque. Ce n'est pas le moindre mérite de  , co-fondateur en 2002 d', de valoriser la musique baroque au sein du patrimoine rural et religieux du Périgord vert (au nord du département) et blanc (au centre et à l'ouest, dont l'abbaye de Chancelade était une étape clé de la voie de Vézelay, juste avant Saint-Astier). Pour le choix de ses lieux de concerts, le festival délaisse la belle et commerçante cité de Périgueux, pourtant toute proche, et à raison. Saint-Astier et les lieux où le festival se produit ont leur propre histoire, qui ne saurait se confondre avec la capitale de la Dordogne.

Il est émouvant d'entendre la Passion selon Saint Jean par un ensemble néerlandais de classe internationale, dans cette église édifiée du XIIe au XVIe siècle, qui a subi les outrages des guerres de religion avant d'être ornée de plusieurs autels baroques, puis dont le monumental clocher a servi il y a exactement 80 ans de point haut d'où des résistants ont harcelé les troupes nazies battant en retraite, lesquelles assassinèrent en représailles 35 otages innocents au matin du 20 août 1944. a donné cette même Passion en 2011 au Théâtre des  Champs-Élysées avec les mêmes musiciens – hormis l'alto et la soprano – et en suivant le même parti interprétatif (un chœur d'une vingtaine de chanteurs et autant de musiciens d'orchestre, rôles secondaires tenus par les membres du chœur). Mais l'impact émotionnel et spirituel de cette musique protestante dans la résonance de ces voûtes témoins de tant de prières de pèlerins et de guerres, est bien supérieur à l'élégance mondaine de la salle parisienne.

Dès le chœur introductifle ton de l'interprétation est donné et qui ne sera pas démenti de toute l'œuvre, marquée par une douceur, un fondu sonore, rehaussés par les couleurs et les timbres plus individualisés des instruments anciens, et culminant au choral « O hilf, Christe, Gottes Sohn ». Pas de véhémence expressionniste du chœur, place au chant, à l'émotion et in fine à l'élévation spirituelle. Côté solistes, le ténor tenait déjà la partie de l'Évangéliste en 2011 à Paris, et le 28 juillet dernier il était au festival de Salzbourg avec le Philharmonique de Vienne sous la baguette de l'éternel Herbert Blomstedt, dans le rôle de… l'Évangéliste de la symphonie-cantate de Felix Mendelssohn Lobgesang. Autant dire que Lichdi est rompu à l'exercice et sur les scènes les plus prestigieuses. Il délivre une leçon de déclamation, en particulier dans son avant-dernier récit « Die Juden aber, dieweil es der Rüsttag war ». Et quand il joue la partie de ténor dans l'aria « Ach, mein Sinn, wo willst du endlich hin », il se fait plus humain et théâtral, comme cela se doit, sans un contraste excessif toutefois qui romprait la ligne musicale. La basse est, à l'instar de sa prestation parisienne, un Jésus toujours probe, somme toute assez peu incarné. On peut le regretter, mais cette conception en léger retrait a sa légitimité, Jésus étant déjà hors de notre monde à ce moment de son parcours. L'alto et la soprano (qui remplace Elizabeth Breuer, souffrante) apportent une fraîcheur et une juvénilité bienvenues, l'alto réussissant ses entrelacs avec les bois fruités dans son aria « Von den Strikken meiner Sünden mich zu entbinden », tandis que la soprano illumine son aria « Zerfließe, mein Herze » d'une belle humanité. Le chœur final « Ach Herr, laß dein lieb' Engelein », conclusion d'ordre purement spirituel, est aussi une transition du drame vers notre réalité, autant pour le public que pour les musiciens dont on sent bien qu'ils ont été inspirés par une telle musique dans un tel lieu.

Crédit photographique : (à gauche), Ton Koopman (de dos),   © ResMusica

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Saint-Astier. 4-VIII-2024. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Passion selon Saint Jean BWV 245. Amelia Berridge, soprano ; Sophia Faltas, alto ; Tilman Lichdi, ténor ; Klaus Mertens, basse ; Amsterdam Baroque Orchestra & Choir, direction : Ton Koopman

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