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L’Idiot de Weinberg, une curiosité bien traitée au Festival de Salzbourg

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Salzbourg. Felsenreitschule. 2-VIII-2024. Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Idiot (L’Idiot), opéra en quatre actes op. 144, sur un livret d’Alexander Medvedev d’après Dostoïevski. Mise en scène : Krzysztof Warlikowski ; décors et costumes : Małgorzata Szczęśniak. Avec : Bogdan Volkov (Le Prince Mychkine), Aušrinė Stundytė (Nastassia Filippovna), Vladislav Sulimsky (Rogojine), Iurii Samoilov (Lebedev), Clive Bayley (Le général Iepantchine), Margarita Nekrasova (Elisaveta Prokofievna), Xenia Puskarz Thomas, Jessica Niles, Jutta Bayer (leurs filles Aglaïa, Alexandra et Adelaida), Pavol Breslik (Gania), Daria Strulia (Varia) ; Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor ; Wiener Philharmoniker ; direction : Mirga Gražinytė-Tyla

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Bien aidé par la mise en scène de , livre une performance stupéfiante dans le rôle-titre, mais les limites d'une partition peu variée finissent par susciter l'ennui.


ne l'aurait sans doute jamais cru : son Idiot n'est pas seulement programmé au , il a droit aux honneurs de la grande soirée mondaine qu'est chaque année la première des premières d'opéra du festival. Et il bénéficie d'un traitement de choix : le luxe est d'abord dans la fosse, avec l', qui semble avoir définitivement renoncé à Mozart à Salzbourg mais prend régulièrement en charge les opéras rares du XXe siècle qui sont à l'affiche. L'orchestre est somptueux, par la grâce de sa tradition, mais aussi et surtout par le travail scrupuleux de sa cheffe, , qui ne l'avait jamais dirigé : grande défenseuse de la musique de Weinberg, elle était ici un choix idéal, mais on ne doute pas que l'orchestre la réinvitera sans tarder pour explorer avec elle tous les répertoires.

Peut-on, pour autant, partager pleinement son enthousiasme pour cette partition et son auteur ? Composé par Weinberg à la fin de sa vie, en 1986, l'opéra entreprend de raconter par le menu le roman de Dostoïevski, du voyage en train initial au meurtre de la fascinante Nastassia, et c'est bien là sa faiblesse : chaque scène passe trop vite, les personnages sont à peine dessinés, et Weinberg n'ose pas créer les contrastes nets qui pourraient structurer la pièce. Le conflit autour du prince met en scène deux femmes, Nastassia et l'aristocratique Aglaia (, dont la voix intense lui assure au moins un peu de la présence dramatique que le livret ne suffit pas à lui donner) : pourquoi, plutôt que de se concentrer autour de ce conflit, Weinberg et son librettiste Medvedev se sont-ils cru obligés de conserver les personnages de la mère et des sœurs d'Aglaia en les réduisant à des silhouettes sans consistance ? Le conflit familial autour d'Aglaia est certes essentiel, mais un air ou une scène avec le prince auraient pu l'exposer de façon beaucoup plus claire et dramatiquement efficace que par la multiplication de personnages secondaires.

Le manque d'ambition formelle de l'opéra fait penser à L'écume des jours d'Edison Denisov, écrit à la même période (1981) : les deux œuvres sont nées du désir intime de leur compositeur, elles sont toutes deux écrites loin des circuits officiels de l'art soviétique, ce qui leur attire toute notre sympathie, mais elles paraissent aussi bien désuètes en leur temps, faute d'avoir pu suivre l'évolution bouillonnante du théâtre musical dans le monde occidental. Le germe de ce qu'aurait pu être une adaptation plus efficace du roman de Dostoïevski est tout de même présent dans l'opéra de Weinberg à travers les monologues introspectifs du Prince, incarné avec une présence stupéfiante par : quelles que soient les limites de la partition, on tient là une très grande incarnation, qui passe par une voix de ténor lyrique lumineuse, souple, percutante sans jamais sacrifier la musicalité, mais aussi par un investissement scénique proprement stupéfiant ; rien que pour lui, il ne faut pas manquer ce spectacle, sur scène ou plus tard sur écran. La scène au troisième acte (ici juste avant l'entracte) où une crise d'épilepsie le protège des intentions meurtrières de Rogojine est un des plus grands moments de théâtre musical qu'on ait pu voir ces dernières années.

Face à lui, l'atout maître de cette production était, ou du moins devait être, dans le rôle de Nastassia. Certes, le tempérament volcanique qu'on avait pu admirer dans Elektra sur la même scène est toujours bien là, mais il joue cette fois contre son personnage qui devient une caricature, toute en véhémence, alors que le rôle appelle aussi des moments lyriques. Même quand Nastassia sort le grand jeu, on aimerait sentir d'une manière ou d'une autre sa fragilité et son désir sous-jacent de rédemption.

La mise en scène de est avec l'incarnation du rôle-titre la grande satisfaction de la soirée. Sans doute a-t-il déjà été plus loin dans l'interprétation des données du drame, par exemple cette Elektra de 2020 déjà citée sur la même scène, mais il offre une lecture claire et émouvante, donnant comme il sait le faire une consistance aux figures féminines centrales, grâce à une direction d'acteurs beaucoup plus aboutie que pour son récent Grand Macabre de Munich. Le décor de Małgorzata Szczęśniak, étendu tout en longueur sur l'avant de la très large scène de la Felsenreitschule, offre des espaces de jeu que Warlikowski sait exploiter de manière constamment réinventée, pour créer une mobilité qui ne se limite pas à des allers-retours entre les zones dessinées par le mobilier. La limite du spectacle, qui ne parvient pas à faire oublier les faiblesses de l'œuvre, tient surtout dans la figure de Rogojine, le double maléfique du prince : non seulement se contente de chanter sagement ses notes sans chercher à donner de l'épaisseur à son personnage, mais encore Warlikowski ne semble pas avoir autant travaillé sur son personnage que sur ceux du prince et de ses deux tentations féminines.

On admire donc tout au long de la soirée la splendeur sonore qui sort de la fosse, le soutien attentif apporté par la cheffe à ses chanteurs, les idées incessantes de la mise en scène, et plus que tout la performance de ; mais on n'entend pas là une partition à la hauteur vertigineuse du roman de Dostoïevski, ni même un exemple abouti d'opéra pour aujourd'hui : ni dans sa structure dramatique, ni dans une mise en musique trop linéaire et trop peu variée, L'Idiot n'apparaît comme la révélation annoncée.

Crédits photographiques : © SF/Bernd Uhlig

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Salzbourg. Felsenreitschule. 2-VIII-2024. Mieczysław Weinberg (1919-1996) : Idiot (L’Idiot), opéra en quatre actes op. 144, sur un livret d’Alexander Medvedev d’après Dostoïevski. Mise en scène : Krzysztof Warlikowski ; décors et costumes : Małgorzata Szczęśniak. Avec : Bogdan Volkov (Le Prince Mychkine), Aušrinė Stundytė (Nastassia Filippovna), Vladislav Sulimsky (Rogojine), Iurii Samoilov (Lebedev), Clive Bayley (Le général Iepantchine), Margarita Nekrasova (Elisaveta Prokofievna), Xenia Puskarz Thomas, Jessica Niles, Jutta Bayer (leurs filles Aglaïa, Alexandra et Adelaida), Pavol Breslik (Gania), Daria Strulia (Varia) ; Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor ; Wiener Philharmoniker ; direction : Mirga Gražinytė-Tyla

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1 commentaire sur “L’Idiot de Weinberg, une curiosité bien traitée au Festival de Salzbourg”

  • Barbara Francois-Schmidburg dit :

    Nous avons ete à l’idiot à Salzburg et ce fut le meilleur spectacle que nous avons vu ! Comme tous les critiques l’on remarqué : une prestation époustouflante (chant et jeu) de Bogdan Volkov . La mise en scène de son personnage par le génial Warlikovski- il est un autiste – , ce que l’idiot de Dostoievski est probablement . Il ne dit ( chante) que des choses intelligentes !!! On oubli la faiblesse de la partition !!!

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