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Nelson Goerner à la Roque d’Anthéron : au cœur de la virtuosité

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La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans. 1-VIII-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Chaconne en sol majeur HWV435 ; Robert Schumann (1810-1856) : Davidsbündlertänze op. 6 ; Franz Liszt (1811-1886) : Ballade n° 2 ; Sonnet de Pétrarque n° 104 extrait des Années de pèlerinage ; Valse oubliée n°2 ; Rhapsodie hongroise n°6. Nelson Goerner, piano

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Encore une soirée brillante au festival de piano de la Roque d'Anthéron ? Oui, mais dans celle-ci, nous entraine subtilement dans une exploration du cœur et de l'esprit.


La soirée commence avec la Chaconne en sol majeur de Haendel, donnée avec modestie, sans recherche du spectaculaire. L'aisance digitale, qui est impressionnante, reste inféodée à la tendresse du son, à l'exploration intime des différents climats de chaque variation. L'usage de la pédale est modéré, et les contrastes entre chaque variation demeurent fins, même si la variation le plus dépouillée est jouée comme un andante et la Coda comme une jubilation conclusive. Le parallèle avec les Davidsbündlertänze de Schumann s'impose de lui-même. Après les irisations en éventail de l'intériorité d'un esprit baroque, voici les portraits mentaux d'une âme romantique, amoureuse, et tourmentée. La climatologie du cœur et de l'esprit, d'abord au XVIIIe puis au XIXe siècle. La lecture que donne de ces dix-huit pièces est d'une fidélité parfaite à Schumann : Eusébius et Florestan cohabitent et se respectent, sans déchirement pour l'instant, unis par le même sentiment amoureux pour Clara. Là encore, au-delà des oppositions entre les introspections graves (n°17, Wie aus der Ferne joué hors-sol), le doute (n°5, Einfach), la colère (n°3, Mit humor, presque sardonique) et les élans d'enthousiasme, la tendresse infuse tout l'ensemble et réunit les contraires. Voilà un Schumann magnifique, jeune et brillant, déjà tendu mais pas encore torturé, et devant qui s'ouvre un monde rempli d'espérance.

Avec Liszt, évidemment, les cimes et les abîmes prennent des dimensions encore plus spectaculaires, mais Goerner réussit ce tour de force de rester dans la profondeur de l'intimité de l'esprit humain, tout en donnant le maximum de brio. La Ballade n°2 est jouée avec une grande finesse, sans rien de creux ni de lourd, avec une densité de poésie étonnante. Les orages sont autant intérieurs qu'extérieurs, et les passages méditatifs interrogent l'espace. Le Sonnet de Pétrarque n° 104 développe encore davantage ce sentiment d'intimité avec l'univers autour de nous, et dans la Valse oubliée, on croit même entendre l'intervention d'une troisième main. Le programme s'achève avec la Rhapsodie hongroise n° 6, interprétée avec une habilité digitale presque inhumaine, et des fortissimi à faire exploser la caisse du Steinway.

Dans un festival comme celui de la Roque d'Anthéron, on ne manque pas d'artistes extrêmement doués qui rendent justice aux partitions les plus difficiles. Mais ce que fait a quelque chose d'exceptionnel : il donne à tout ce qu'il touche une profondeur de sens tout-à-fait remarquable, tout en restant dans un jeu clair, léger et virtuose. On n'entend aucun effet facile, aucune vanité, mais une élégance, une fluidité et une dimension de sentiment fraternel qui sont assez uniques, et qui sont sa signature, quel que soit le compositeur qu'il sert. Les auditeurs de France Musique pourront profiter de la retransmission de ce superbe concert le 5 aout. Ils apprécieront également les bis, deux Pièces Lyriques de Grieg et le Prélude n°4 de Rachmaninov. Nul doute qu'ils partageront également l'enthousiasme des festivaliers.

Crédits photographiques : © Pierre Morales

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La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans. 1-VIII-2024. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Chaconne en sol majeur HWV435 ; Robert Schumann (1810-1856) : Davidsbündlertänze op. 6 ; Franz Liszt (1811-1886) : Ballade n° 2 ; Sonnet de Pétrarque n° 104 extrait des Années de pèlerinage ; Valse oubliée n°2 ; Rhapsodie hongroise n°6. Nelson Goerner, piano

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