Herbert Blomstedt et les Viennois à Salzbourg, une vision d’éternité
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Salzbourg. Grosses Festspielhaus. 28-VII-2024. Johannes Brahms (1833-1897) : Schicksalslied, pour choeur et orchestre, sur un poème de Friedrich Hölderlin. Felix Mendelssohn (1809-1847) : Lobgesang (Chant de louange), op. 52, Une symphonie-cantate sur des textes bibliques pour solistes, choeur et orchestre. Christina Landshamer, Elsa Benoit, sopranos ; Tilman Lichdi, ténor ; Wiener Singverein ; Wiener Philharmoniker ; direction : Herbert Blomstedt.
Avec Le chant du destin de Brahms et la Symphonie n° 2 de Mendelssohn, Blomstedt mène le public à la lumière avec une foi inentamée dans les pouvoirs de la musique.
Les concerts de l'Orchestre Philharmonique de Vienne ne sont pas tous de grands moments, la faute à leur planning surchargé qui les conduit à se concentrer sur certains spectacles au détriment d'autres. On se doutait bien que le concert programmé cette année avec Herbert Blomstedt ne serait pas au nombre des concerts sacrifiés : le chef, dont les débuts avec l'orchestre ne datent que de 2011, a noué depuis une relation intense avec les musiciens, et ils sont autant que leurs collègues de Munich ou Berlin conscients de la valeur de ces instants uniques avec un chef unique. Dès son entrée, on sent l'aura du chef de 97 ans, dont la présence à Salzbourg n'est fréquente que depuis 2014, mais comme toujours avec lui la vénération pour le grand âge s'oublie vite quand on en arrive à l'essentiel : à la musique. Et les mélomanes qui ont entendu sa Symphonie n° 8 de Bruckner à Paris il y a quelques mois ont pu le voir : Blomstedt est bien là, pleinement là, et ce qu'on entend est toujours aussi personnel et investi, même après 70 ans de carrière.
Il ne fait pas de doute que le choix du programme est ce soir celui de Blomstedt, très attaché à la Symphonie Lobgesang de Mendelssohn, qu'il n'a certes jamais enregistrée, et qui n'avait jamais été jouée à Salzbourg : déjà en 2020, le Covid avait annulé une série de concerts où Herbert Blomstedt devait la jouer avec la Radio Bavaroise, et ce rattrapage vienno-salzbourgeois justifie bien ces années d'attente. Le concert s'ouvre avec le Chant du destin de Brahms, aussi rare sur les scènes de concert et aussi admirable que le reste de la musique de Brahms pour chœur et orchestre : Blomstedt, qui malgré son sourire n'a jamais eu peur d'explorer le versant le plus sombre de ses œuvres préférées, choisit ici une vision lumineuse, aérée, pas sans gravité mais décidément sans désespoir. Sans doute le postlude consolateur ajouté par Brahms au poème de Hölderlin joue-t-il dans cette interprétation ; la bouleversante densité des interludes entre les strophes, qui va de pair avec une légèreté et une respiration qui portent l'émotion à son comble.
Sans entracte, le concert se continue avec la vaste symphonie-cantate de Mendelssohn, qui bénéficie directement de la perspective lumineuse ouverte chez Brahms, avec un orchestre qui se montre aussi bien collectivement qu'individuellement à son meilleur : la clarinette solo dense, sombre, ardente, fait merveille dans la symphonie initiale, et on se régale tout au long du concert avec des cordes d'une chaleur et d'une expressivité sans pareille – peut-être ce luxe de couleurs ne serait-il pas le choix interprétatif prioritaire du chef, mais ce musicien exceptionnel toujours à l'écoute de ses partenaires musicaux sait en tirer le meilleur profit. Lobgesang, chant de louange : Blomstedt se livre aux plaisirs de l'action de grâce avec enthousiasme, dans une gamme dynamique qui reste tempérée, au profit de l'expression et de l'intériorité.
Le côté vocal de cette matinée est moins satisfaisant, à commencer par le chœur non professionnel du Wiener Singverein, dont l'effectif imposant est sans doute une nécessité, mais au détriment des couleurs et des textures qui manquent décidément de plasticité, et les deux sopranos solistes Christina Landshamer et Elsa Benoit manquent un peu de relief, notamment en comparaison avec le ténor Tilman Lichdi, qui avec sa parfaite voix d'Évangéliste sait donner toute leur force aux mots, par exemple dans l'épisode du berger qui attend l'aube (6e mouvement) où Blomstedt donne toute sa force à l'inquiétude de l'humanité oppressée par l'obscurité. Mais ces quelques limites vocales ne font rien à l'enthousiasme du public, tant il y a des merveilles à découvrir à l'orchestre : après un tel concert, une standing ovation est à Salzbourg comme ailleurs une simple question de politesse, mais on est heureux d'y participer tant elle récompense non pas le souvenir d'une carrière prestigieuse, mais la musique vivante et émouvante.
Crédits photographiques : © SF/Marco Borrelli
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