Audio, Musique de chambre et récital, Parutions

Yunchan Lim dans les Etudes de Chopin : une excellence olympique

Plus de détails

Instagram

Frédéric Chopin (1810-1849) : Etudes op. 10 et op. 25. Yunchan Lim, piano. 1 CD Decca. Enregistré au Henry Wood Hall de Londres en décembre 2023. Notice de présentation en français, anglais, allemand et coréen. Durée : 58:10

 
Instagram

La dithyrambe semble de mise depuis que le jeune pianiste coréen a remporté le Premier Prix Van Cliburn en 2022 à l'âge de 18 ans. Il n'est toutefois pas le seul à entrer de manière éclatante dans le cénacle des artistes les plus convoités et qui rejoignent un label prestigieux. Sans bouleverser la discographie des Etudes de Chopin, révèle déjà une personnalité hors-normes.

Ce premier disque chez Decca qui réunit les deux cycles des Études de Chopin apparaît comme un “miroir” aux Études d'éxécution transcendante de Liszt qui furent gravées en public par Lim lors des épreuves du Concours Van Cliburn. Ce fut son premier enregistrement, “Live from the Cliburn” (Steinway & Sons). Une prestation phénoménale et sans filet. Un “miroir” intéressant car sous ses doigts, certaines des Études de Chopin scintillent dans l'esprit des Feux Follets (op.10 n° 5, op. 25 n° 2, par exemple). La perfection technique est ici de mise (« celui qui joue les Études peut tout jouer ») et il faut débusquer dans les détails, quelques légères fluctuations de tempi, des attaques un peu dures, un contrechant pas assez porté… Bref, tout ce qu'un maître en son atelier signalera au jeune virtuose.

Dans le livret, le pianiste confie son désir de porter une narration dans chaque pièce. Avouons que les premières études de l'opus 10 nous ont davantage estomaqué par la technique que par l'interprétation. A la mélodie de l'op. 10 n° 3 qui évoquerait la lointaine Pologne, « la plus belle que j'aie composée » avouait Chopin, Lim dose chaque respiration avec une maîtrise absolue. Ni l'instrument ni la prise de son n'aident à la personnalisation du discours. En effet, la captation est paradoxalement assez distante et charnue avec des basses impressionnantes. Le piano est terne dans le medium et l'aigu, réglé pour ne pas “claquer” ni trop colorer les voix intermédiaires. Cela ne valorise guère le travail sur les timbres dans la pièce la plus lente du cycle, l'op. 25 n° 7. Pour autant, l'équilibre y est parfait, associant un contrepoint élaboré à la houle fantastique qui se lève. « Les doigts doivent glisser sur les touches plutôt que les frapper » disait Cortot. C'est exactement ce que réalise Lim avec des tempi parmi les plus véloces que l'on ait entendus. On applaudit lorsque la virtuosité est au service d'une saine colère (Études op.10 n° 4, op. 25 n°11) ou bien quand l'expression de la palpitation est à ce point réussie (op. 25 n° 4). Le pianiste se jette alors dans un combat “orchestral” qui dépasse l'objet de la partition. L'Étude suivante (n° 5) possède un panache et une éloquence superbes ce qui, entre parenthèse, explique aussi l'aisance technique de Lim dans la polyphonie du Concerto n° 3 de Rachmaninov qu'il joua en finale du Van Cliburn. Dans d'autres Études, il est dommage que la tension retombe, comme la crainte d'une confession trop appuyée (op. 25 n° 6). Parfois, Lim choisit de s'en tenir à une lecture purement pianistique pour ne pas dire “neutre” (op. 10 n° 9, op. 25 n° 3). C'est aussi le propre de ces pièces à vocation pédagogique. Il lui arrive aussi d'être en-deçà de l'effet attendu, celui du tourbillonnement (op. 25 n° 8) car la pédale devient trop généreuse. En revanche, celle-ci permet une projection éclatante des octaves (op. 25 n° 9) et un sentiment d'emphase triomphante (op. 25 n° 10 et n° 12) qui appellent à une “Standing Ovation”.

L'écoute des deux cycles révèle, outre les moyens phénoménaux de Yundam Lim, un artiste qui compte déjà sur la scène internationale. Il a été parfaitement préparé à l'excellence “olympique”. Il est né pour vaincre et il a vaincu. C'est aussi un truisme d'affirmer qu'il lui manque le temps pour que ces Études soient pensées dans un seul élan, comme une épopée. Quelques rares interprètes l'ont vécue. Nikolaï Lugansky, entre autres.

Lire aussi :

Yunchan Lim à la Fondation Vuitton pour son premier récital en France

 

(Visited 960 times, 1 visits today)

Plus de détails

Instagram

Frédéric Chopin (1810-1849) : Etudes op. 10 et op. 25. Yunchan Lim, piano. 1 CD Decca. Enregistré au Henry Wood Hall de Londres en décembre 2023. Notice de présentation en français, anglais, allemand et coréen. Durée : 58:10

 
Mots-clefs de cet article
Instagram

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Reproduire cet article : Vous avez aimé cet article ? N’hésitez pas à le faire savoir sur votre site, votre blog, etc. ! Le site de ResMusica est protégé par la propriété intellectuelle, mais vous pouvez reproduire de courtes citations de cet article, à condition de faire un lien vers cette page. Pour toute demande de reproduction du texte, écrivez-nous en citant la source que vous voulez reproduire ainsi que le site sur lequel il sera éventuellement autorisé à être reproduit.