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Wolfgang Rihm, compositeur-monde

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Le monde de la création est en deuil. Avec disparaît l'un des plus grands compositeurs de notre temps.

L'œuvre immense, plurielle et sans fond, est difficile à appréhender en quelques mots : compositeur-monde, pourrait-on dire, mis à l'honneur du Festival Présences 2019, dont le catalogue prolifique compte plus de quatre cents opus.

Né à Karlsruhe en 1952, débute sa formation à la Hochschule für Musik de sa ville natale (où il enseignera plus tard la composition) puis à Heidelberg où il étudie avec Wolfgang Fortner ; avant d'aller à Cologne pour y rencontrer Stockhausen et la musique électronique puis à Fribourg-en-Brisgau, en 1973, où il retrouve Fortner et se perfectionne avec Klaus Huber qui lui succède. La musique mais aussi la littérature et le dessin font partie de son environnement artistique et de ses passions : « J'ai toujours voulu créer quelque chose », confiait Rihm qui commence à composer à l'âge de onze ans ! Féru de musicologie (« j'appartiens à la suite de l'histoire », aimait-il à rappeler), il entretient un lien profond avec ses ainés : il cite Debussy, pour sa liberté d'invention musicale, Varèse, dont la découverte d'Arcana est une révélation, Schönberg « pour son côté brulant » et Zimmermann dont l'approche et l'originalité de sa pensée, sans jamais fixer de frontières, l'inspire. Il travaille à sa table, entouré de plusieurs pupitres et autant de partitions en cours sur lesquelles il peut écrire simultanément : « J'ai l'image d'un gros bloc de musique en moi », déclarait-il, évoquant le geste du sculpteur modelant sa matière à l'état brut. Hostile à l'appellation de « nouvelle simplicité » que l'on a souvent associée à son écriture, le compositeur préférait parler d'expressivité, maître–mot, selon lui, de la musique qu'il voulait écrire.

Parmi les jalons d'un catalogue très fourni, figure d'abord, Tutuguri, poème dansé de 1980-82 pour grand orchestre, chœurs enregistrés, récitant et bande,  donné en 2022 à la Philharmonie de Paris. L'œuvre de jeunesse est titanesque, sauvage et incantatoire, témoignant de la proximité du compositeur avec le théâtre d'Artaud dont il tirera également son Concerto « Seraphin » (2006-2008). Si son opéra de chambre Jacob Lenz (1977) sur un texte de Büchner constitue un tournant dans sa création, Jagden und Formen, écrit en 1995 mais retravaillé et agrandi en 2001, constitue un sommet de son écriture instrumentale, à travers la maîtrise de la grande forme et la maestria du geste compositionnel : “une sorte d'agrégat de plusieurs œuvres réunies en un grand tout”, précise-t-il. Souvent invité par le Festival d'Automne à Paris, le compositeur y présente notamment Reminiszenz – Triptychon und Spruch in memoriam Hans Henny Jahnn pour ténor et grand orchestre, une partition aussi expressive que concentrée écrit en 2016. Citons encore, de la part d'un compositeur qui se disait “doué pour la mystique”, plusieurs œuvres religieuses qui jalonnent son catalogue : un Requiescat composé à l'âge de 17 ans, un oratorio Dies (1984), Deus passus, une Passion d'après l'Évangile de Saint-Luc (2000). Et lux, liturgie imaginaire écrit en 2009 pour le Quatuor Arditti et les quatre voix du Hilliard Ensemble est un rituel étrange et envoûtant donné sous la voûte de l'église Saint Eustache en 2016.

Figure majeure du monde musical, fut conseiller musical de l'un des trois grands opéras de Berlin, le Deutsche Oper Berlin (1984-1990), et était directeur artistique de la Lucerne Festival Academy depuis 2016. Il s'est éteint à l'âge de 72 ans, le 27 juillet dernier à Ettlingen, des suites d'une longue maladie.

Crédit photographique : Wolfgang Rihm © Christophe Abramowitz

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