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Le Lac des Cygnes à Stuttgart, nouvelle génération

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Stuttgart. Opernhaus. 19 et 20-VII-2024. Le Lac des Cygnes, ballet en quatre actes. Chorégraphie et mise en scène : John Cranko, librement adapté de versions traditionnelles. Décors et costumes : Jürgen Rose. Musique : Piotr Ilitch Tchaikovski. Avec (le 19/le 20) : Gabriel Figueredo/Henrik Erikson (Siegfried), Mizuki Amemiya/Elisa Badenes (Odile/Odette), Clemens Fröhlich (Rotbart), Veronika Verterich/Diana Ionescu (Une bourgeoise), Vittoria Girelli (Princesse polonaise), Daiana Ruiz (Princesse espagnole), Diana Ionescu (Princesse russe), Elisa Ghisalberti (Princesse napolitaine), Edoardo Sartori (Benno)… Staatsorchester Stuttgart ; direction : Mikhail Agrest.

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Pour deux représentations estivales, le Ballet de Stuttgart présente et , face à la jeune et l'expérimentée .

Déjà commenté lors de son retour au répertoire en 2017, Le Lac des Cygnes vu par est décidément une version singulière, « librement adaptée de versions traditionnelles » comme le dit le programme – même si Cranko garde les grands moments qu'on connaît dans toutes les versions, du pas de deux aux petits cygnes, il oblige le public à sortir de sa routine pour entrer dans sa propre vision – le public d'aujourd'hui du moins, celui de la création en 1963 étant sans doute moins familier du répertoire russe qui n'avait alors pas la même place dans les troupes de ballet d'Europe occidentale. Le choix de distinguer l'acte I, devenu une fête champêtre où le prince tente d'échapper aux contraintes de la cour, et l'acte III croulant sous les dorures est particulièrement pertinent ; la scène, dont la profondeur est réduite pour donner de l'intimité à l'histoire de Siegfried, se retrouve encore restreinte par l'implantation du colossal décor de l'acte III : on comprend que le prince rêve de s'en échapper.

Ces deux représentations estivales font partie d'une sorte de festival qui ne dit pas son nom, le Ballet occupant la salle de l'Opéra pas moins de 16 fois entre le 2 et le 24 juillet, sans oublier un spectacle invité dans une petite salle, soit pas moins de six spectacles différents. La dernière représentation du Lac pour cette saison fait en outre l'objet d'une retransmission en direct sur grand écran dans le parc devant l'Opéra, avec des milliers de spectateurs présents, qui ne font que confirmer l'attachement de la ville à sa troupe de ballet.

Les Princes de ces deux soirées sont deux jeunes danseurs de la troupe ; le premier, , est promu au rang de premier danseur à partir de la saison prochaine, comme le directeur de la troupe Tamas Detrich vient l'annoncer après la représentation ; le second, , reste quant à lui encore soliste, soit le rang immédiatement inférieur au sommet de la hiérarchie. C'est pourtant, et de loin, le second qui fait la plus forte impression : lui seul parvient à jouer véritablement son rôle, tandis que Figueredo semble tétanisé par le stress de sa prise de rôle. Il faut attendre quelques très beaux sauts dans la coda du pas de deux pour se faire une idée de ses capacités techniques individuelles ; on lui reconnaîtra aussi un beau partenariat avec , qui faisait aussi ses débuts dans son rôle, et malgré quelques moments de flottement : ces passages centraux du rôle ont été visiblement répétés avec grand soin, et on n'a aucun doute sur sa capacité à approfondir encore sa danse pour parvenir à briller autant que le rôle l'exige, mais l'acte I, en particulier, pâtit d'un jeu beaucoup trop guindé, raide et peu expressif.

, lui, est d'apparence tout aussi juvénile que son collègue (tous deux ont cinq ans de présence dans la compagnie), mais il parvient beaucoup mieux à s'en servir pour dessiner le portrait du héros en devenir conçu par Cranko, jeune homme bien élevé encore au seuil de la maturité, un peu étourdi, un peu boudeur, ne mesurant pas toujours son énergie. Il reste un peu de marge pour exploiter toute la force tragique de son expérience au bord du lac, mais la complémentarité entre sa construction dramatique du personnage, parfaitement dans la ligne des choix de Cranko, et l'élégante énergie de sa danse fait de son interprétation déjà plus qu'une simple promesse.

Sa partenaire, elle, est l'étoile la plus expérimentée de la compagnie : , que nous avions déjà vu dans ce rôle en 2017, et qui confirme ici sa maîtrise du rôle, et elle est une partenaire parfaite pour son jeune collègue. , elle, propose une interprétation radicalement différente, qui pourrait encore s'affiner pour construire un parcours plus détaillé, mais cette vision d'une Odette comme opaque, fascinante précisément parce que son humanité nous reste inaccessible derrière les apparences : ce n'est sans doute pas la vision la plus immédiatement émouvante du personnage, mais la version de Cranko, précisément, met en avant plus que d'autres le sortilège dont les cygnes sont victimes. Ce cygne-là n'a que bien peu de marge pour en appeler au prince ; dans l'acte III, où chez Cranko le cygne noir n'est qu'une apparition suscitée par Rothbart, cette opacité apparaît comme le signe de cette illusion pas tout à fait vivante.

Pour ces deux représentations, l'orchestre paraît pour ainsi dire déjà en vacances, ce qui n'est vraiment pas à la hauteur de la partition ; heureusement, le corps de ballet, lui, est encore bien là : au sein des vingt-quatre cygnes réunis dans cette version, on a le plaisir d'admirer quatre petits cygnes coordonnés comme jamais dans leur célèbre danse ; on admire particulièrement, au premier acte, les deux titulaires du rôle de la bourgeoise qui a l'honneur de danser avec le prince, Diana Ionescu le second soir et surtout Veronika Verterich le premier soir, particulièrement lumineuse. Parmi les princesses du troisième acte, la princesse polonaise et son accompagnateur, Vittoria Girelli et Fleming Puthenpurayil, font eux aussi des étincelles. Une voisine venue de Munich résume nos impressions : à Stuttgart, décidément, on voit une compagnie qui a envie de danser et qui le montre.

Crédits photographiques : © Stuttgarter Ballett (Erikson/Badenes) ; Roman Novitzky/Stuttgarter Ballett (Figueredo/Amemiya)

 

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