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Gary Hoffman, l’Ariel shakespearien du violoncelle

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A l'occasion des Rencontres musicales de Noyers-sur-Serein, nous avons rencontré le violoncelliste au lendemain d'un concert au programme romantique avec Dvořák, Mendelssohn et Chopin.

 

ResMusica : , pouvez-vous nous parler du beau programme d'hier soir ?

Je ne sais pas très bien pourquoi, mais j'avais envie de faire quelque chose d'un peu différent. Commencer avec une pièce courte n'est pas habituel, mais je voulais quelque chose de paisible, en réaction à ce qui se passe dans l'actualité. Pour moi, la musique permet de trouver un sens dans un endroit où l'on se sent équilibré. Le monde actuel est compliqué, où l'on est souvent sur des choses spectaculaires, du bruit… Moi, je préfère les choses, sinon calmes, du moins qui disent pourquoi on fait tout ça. J'avais pensé à cette pièce de Dvořák [Repos des bois, op. 68 n°5], qui est originale puisque c'est une transcription de Dvořák d'un morceau pour piano à quatre mains. Il existe d'autres pièces de Dvořák pour violoncelle et piano comme le Rondo, la Polonaise, qui sont belles, mais je voulais un autre type de pièce, plus intime, inhabituelle, peut-être pas secrète, mais profonde. Finalement, tout était original dans le programme, car la Romance sans paroles [op. 109] de Mendelssohn est une œuvre originale pour violoncelle et piano, alors que les gens croient qu'il s'agit d'une pièce pour piano (il y a tellement de Romances par ailleurs). Voilà, rester dans le répertoire en associant Dvořák et Mendelssohn constituait une bonne base, et puis a souhaité que l'on joue la Sonate [en sol mineur, op. 65] de Chopin, que j'adore aussi. Donc, un programme équilibré fait de pièces courtes qui parlent de quelque chose d'important, racontent une histoire sans être imposantes ; un programme qui met en valeur les deux sonates, centrales dans la musique romantique pour violoncelle et piano. Il y a aussi des rapports de tonalité, parce qu'on a deux pièces de Mendelssohn en ré majeur – ce sont des choses que je ne calcule pas vraiment – et c'est seulement après-coup que je me suis dit qu'avec le bis [l' « Adagio ma non troppo » du Concerto pour violoncelle et orchestre n°2], on restait en sol. Et cela m'a semblé quelque chose d'harmonieux.

RM : Vous avez eu comme maître . Quelle influence a-t-il pu avoir sur votre jeu, lequel est, me semble-t-il, marqué par une certaine sobriété, une parfaite maîtrise de la dynamique et une justesse « absolue ».

GH : Il n'y a pas d'absolu : on peut dire de quelqu'un qu'il joue trop fort ou trop vite, mais pas trop juste. Ça n'existe pas.

RM : L'amplitude du vibrato…

GH : Oui, bien sûr, et justement, le jeu de Starker était réservé, mais nous n'avions pas la même personnalité. J'ai bien sûr beaucoup appris de lui, surtout la façon de travailler et plus encore de comprendre ce qu'il fallait faire. La chose la plus importante qu'il m'a transmise, c'est la faculté de m'entendre, si je puis dire, de m'analyser et de chercher des solutions. Si l'on dit toujours aux enfants ce qu'il fait faire, à 18, 20 ou 25 ans, ils sont perdus parce qu'ils ont toujours besoin de toi ; tandis que pour moi, la meilleur chose qu'un professeur puisse donner à un élève, c'est l'indépendance. Quand on n'a plus de prof, il faut réussir seul à reconnaître ses problèmes, les analyser et les résoudre, ce que m'a enseigné Starker. Si l'on n'a pas les outils pour, on est perdu. Starker avait un jeu particulier, mais il ne s'agissait pas avec lui de jouer comme ceci ou comme cela. Mon but n'était pas de jouer comme lui, mais de trouver mon propre jeu, ce qui est la chose la plus difficile.


RM : Vous venez tous les ans à Noyers-sur-Serein et y donnez des masterclasses. Quelle part l'enseignement prend-il dans votre vie d'artiste ?

GH : Une place très importante puisque j'enseigne en moyenne deux fois par mois – à peu près un jour et demi à chaque fois – en Belgique, à la Chapelle musicale Reine Élisabeth ; je donne aussi régulièrement des masterclasses à Kronberg [Allemagne], je suis également présent au Curtis Institute of Music [Philadelphie] sans y être très souvent, et il reste les masterclasses par-ci par-là, comme à Jérusalem il y a quelques semaines, où j'ai enseigné trois jours et donné un concert. Donc des endroits où je me rends assez régulièrement, et une activité qui m'apprend sur moi-même, car, encore une fois, identifiant et analysant des problèmes chez les autres, on acquiert une plus grande profondeur, y compris dans sa propre pratique.

RM : Quels sont vos projets ?

GH : Quelque part dans ma tête, je me dis que je ne peux pas mourir sans avoir enregistré les Suites de Bach. Récemment, j'ai préparé en huit jours avant de les jouer à Liège les Sonates de Beethoven plus les Variations. On a bien travaillé, même si c'était épuisant. Les Suites de Bach, il n'y a rien de plus dur ni de plus exigeant. Il faut donc planifier. L'aspect endurance est important. On est seul. Certes, elles ont été enregistrées par beaucoup d''interprètes, mais cela ne me gêne pas. Je ne me compare avec personne, c'est moi, ma vie, mon rapport avec ces Suites. J'ai toujours eu peur de les faire, mais je sens que le moment est peut-être venu. Je ne dis pas que c'est un véritable projet, plutôt une intention. Sinon, quelque chose arrive à Londres la saison prochaine, un programme repoussé à cause du Covid : une série de concerts au Wigmore Hall, cette salle incroyable, n'est-ce pas ? De la musique française, des sonates, certaines connues comme celles de Fauré et Debussy. Mais Boëllmann, beaucoup moins ; Magnard, très peu. Sans oublier la Sonate de Benjamin Godard, que certains trouvent un peu kitch et que j'aime beaucoup. J'adore cette salle, vraiment. Très prochainement, je fais une série de trois concerts aux Deux Alpes, où je donnerai les Suites 1, 4 et 5 de Bach, et une amie, Lydia Shelley, ayant appartenu au Quatuor Voce, les autres. Et on a demandé à Graciane Finzi, une amie chère à tous les deux, d'écrire pour chaque concert des morceaux très librement inspirées des Suites. En plus, elle a écrit des pièces en rapport avec ma personnalité – je la connais très bien et ai travaillé son Concerto. Pour nous, Bach est le plus grand, pour Graciane également. Son travail apporte un éclairage sur ces pièces anciennes.

Crédits photographiques : © William Beaucardet

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