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La très grande désillusion de concerts de concertos par Edwin Fischer

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concertos pour piano n° 24 K. 491. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n° 104 “Londres”. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano n° 1op. 15 et n° 4 op. 58. Orchestre philharmonique de Vienne, Edwin Fischer, piano et direction. 2 CD Maestro Editions. Enregistré en public au Mozarteum de Salzbourg en août 1949 (Beethoven) et juillet 1951 (Mozart et Haydn). Notice de présentation en anglais. Durée totale : 69:38

 
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dirige une symphonie de Haydn et, du clavier, trois concertos de Mozart et Beethoven ! Les archives sont prometteuses. L'écoute est d'autant plus décevante – et en partie sur le plan artistique – que le son est proprement indigne. 

On oublie parfois qu' (1886-1960) apprit la direction d'orchestre et fut l'un des premiers pianistes à diriger du clavier ses concertos de prédilection (Bach, Mozart et Beethoven), souvent à la tête de sa propre formation, l' Chamber Orchestra. Une leçon que retiendraient plus tard deux de ses admirateurs, Daniel Barenboim et Friedrich Gulda. L'affiche d'un tel artiste avec le Philharmonique de Vienne au Mozarteum de Salzbourg avait tout lieu de séduire. Le livret détaillé revient sur ces interprétations issues de bandes privées et qui enrichiraient notre discographie, au prétexte qu'elles furent captées en concert. Nous sommes plus que réservés quant au résultat car si l'on retrouve un peu de l'énergie des gravures en studio, nous sommes très loin du compte. 

Le premier album s'ouvre par le Concerto pour piano n° 24 de Mozart. Distorsions, dynamiques terriblement saturées, souffle puissant de la bande passante… On s'accroche à une écoute perturbée aussi par les bruits de salle avec, en prime, un volatile qui distrait le public dans le finale ! La sonorité des bois est déformée, le jeu du piano est dur, le toucher plaqué, sans dialogue avec les pupitres après que les départs soient donnés. Lorsque Fischer est totalement concentré sur sa partie, l'orchestre paraît démuni. Cela “flotte” en tous sens comme si le Philharmonique de Vienne peu habitué au “joué / dirigé” si commun aujourd'hui, était perdu. Là où la dimension chambriste paraît évidente, pas grande chose se produit. Qui plus est, la cadence est jouée avec dureté et les doigts peu assurés multiplient les notes “à côté”. Le larghetto est le mouvement le plus problématique avec des sonorités de hautbois dénaturées et des traits soulignés à l'excès. Dans le finale, chacun joue de son côté et les fausses notes “pleuvent”. Quel intérêt cela représente-t-il après la version de 1937 avec le Philharmonique de Londres sous la direction de Lawrance Collingwood (Emi Classics) et, dans une moindre mesure, les lectures, en 1954 avec l'Orchestre royal du Danemark et l'Orchestre symphonique de la Radio de Bavière et Eugen Jochum ? Enfin, il est utile de mettre cette gravure en perspective avec les références de l'époque : Badura-Skoda (1951), Curzon / Krips (1953), Gieseking / Karajan (1953), Casadesus / Szell (1954)… Le choix est sans appel. 

Au même concert (30 juillet 1951) fut captée la dernière symphonie londonienne de Haydn. La sonorité est encore plus “bouchée” que dans le concerto de Mozart avec des premiers violons qui hurlent, déformés par des dynamiques écrasées dans le finale. Pour autant, on devine que Fischer fait chanter l'orchestre avec un grand souci de clarté, sans une once de pathos et dans une approche toute viennoise. Mais comment oublier la version de Fischer en 1938, avec son propre ensemble ? Que dire face aux références de l'époque : Celibidache (1950, Berlin), Cluytens (1950, Société des Concerts du Conservatoire), Munch (1950, Boston), Scherchen (1952, Symphonique de Vienne) ? 

Curieusement, la meilleure captation du concert est le Concerto pour piano n° 1 de Beethoven. L'écoute est précaire, mais le piano et les cordes sont plus équilibrées sur le plan sonore (les vent, hélas, enfouis en arrière-plan). Pour ce qui est de l'interprétation, le Philharmonique de Vienne demeure très prudent lorsque Fischer déploie son jeu percussif notamment dans sa propre cadence de l'Allegro con brio. Le Largo est réussi avec beaucoup d'élégance et le finale audacieux par les changements brusques de rythmes met l'orchestre à rude épreuve. Une version intéressante et fort différente de celle enregistrée à la Philharmonie Berlin en 1943 où, déjà, Fischer dirigeait du piano. 

Enfin, le Concerto pour piano n° 4 achève (à tous les sens du terme) cette édition. Gravé en 1949, il est proprement inaudible. Dans les fortes, la sonorité est, disons-le, atroce, le piano prenant les couleurs parfois d'un cymbalum. Le summum est atteint dans l'Andante où l'auditeur a l'impression de mettre la tête dans une lessiveuse. Le soin apporté au nettoyage d'une telle archive est totalement disproportionné pour un résultat aussi déprimant. La version “officielle” de Fischer avec le Philharmonia (1954) et dans une moindre mesure, celles sous les baguettes de Fistoulari (1949, Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire) et Jochum (1951, Orchestre de la Radio de Bavière) s'imposent. 

On l'aura compris : il eut été plus sage de renoncer à éditer ces archives qui n'auraient jamais dû quitter les fonds de tiroirs où elles reposaient paisiblement. 

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Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concertos pour piano n° 24 K. 491. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n° 104 “Londres”. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano n° 1op. 15 et n° 4 op. 58. Orchestre philharmonique de Vienne, Edwin Fischer, piano et direction. 2 CD Maestro Editions. Enregistré en public au Mozarteum de Salzbourg en août 1949 (Beethoven) et juillet 1951 (Mozart et Haydn). Notice de présentation en anglais. Durée totale : 69:38

 
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